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Détruisons les banlieues !

Cinq millions de Français vivent dans les quartiers prioritaires de la « Politique de la ville » (QPV) où le taux de pauvreté est trois fois plus élevé qu’ailleurs. Les banlieues pourraient s’embraser à tout moment comme à Vigneux-sur-Seine en septembre dernier.  

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Cinq millions de Français vivent dans les quartiers prioritaires de la « Politique de la ville » (QPV) où le taux de pauvreté est trois fois plus élevé qu’ailleurs. Les banlieues pourraient s’embraser à tout moment comme à Vigneux-sur-Seine en septembre dernier.
 

Pourtant, les annonces se suivent et se ressemblent. Alors que Jean-Louis Borloo dévoile son « plan de bataille pour les banlieues » avec la volonté de « frapper un grand coup », nous regrettons une nouvelle fois la manière avec laquelle, années après années, les mesures sont empilées.

L’homme n’est évidemment pas en jeu et son engagement certain en matière de rénovation urbaine est à saluer. Ce qu’il faut critiquer, c’est la méthode et le fond.

Il faut renverser la table en démolissant les banlieues. Il faut en faire des villes. Le premier responsable de cette vision d’avenir pour notre pays, c’est le Gouvernement, pas les associations ou les « relais » de terrain, qui elles-mêmes en appellent à engagement de l’Etat. C’est en effet à l’Etat qu’il revient de faire disparaître une division territoriale, culturelle et bientôt identitaire dont la République n’a jamais eu besoin.

Faut-il à nouveau investir dans un urbanisme qui conforte la logique d’assignation à résidence, pour plusieurs décennies encore ? Non, repartir pour un tour avec un programme de rénovation urbaine, porté par l’ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) est une fausse bonne idée qui a déjà coûté 48 milliards d’euros, alors que 72% des personnes interrogées estiment que pour eux, rien n’a changé.

Il faut repenser la ville. Investir pour démolir et briser les barrières physiques entre les grands ensembles et le tissu urbain environnant, en renouant avec une culture urbaine française qui a su imposer son modèle à de nombreuses villes d’Europe et du monde au cours de l’Histoire. Aujourd’hui, qui voudrait importer le modèle des banlieues françaises ?

Soyons réalistes : puisque nous avons investi en 10 ans 48 milliards d’euros dans les banlieues pour les rénover, rien ne sert de tout effacer et de vouloir démolir pour  refaire des villes et de la réelle mixité sociale. C’est trop tard. Il faut donc un plan d’investissement dans l’immatériel pour que chacune et chacun maîtrisent les moyens de se prendre en main : éducation, formation, développement des entreprises, culture et démocratie locale.

Commençons par inscrire les banlieues dans l’agenda politique avec un ministre de plein exercice, à l’instar du ministre des Outre-mer, qui devra mener des missions d’intervention dans le domaine du logement social et de l’insertion des jeunes, étendues à l’économie, à la culture et aux politiques de l’emploi. Il mettra en œuvre 5 priorités, sur 5 ans, avec un budget de 5 milliards d’euros. C’est la règle des « Trois Cinq », ou le plan de la dernière chance.

L’éducation, d’abord civique, avec un enseignement 4 à 6 heures par semaine assorti de sorties dans les lieux symboliques de notre République.

En parallèle, il faut vaincre le fléau des déserts culturels avec des appels à projets dans les 1.300 territoires prioritaires.

En matière d’emploi, nous le savons, les inégalités nous coûtent 7 % du PIB (« Le coût économique des discriminations », France Stratégie 2015). Il faut aider les entrepreneurs des QPV en passant de 3% à 50 % d’entreprises accompagnées.

Sur le plan des compétences, si la réallocation des 32 milliards d’euros de la formation professionnelle profitera aux « outsiders », les organismes de formation devront viser d’abord l’employabilité avant la rentabilité. Pour ce qui concerne l’emploi des jeunes, il faut simplifier les 30 dispositifs qui gèrent les 10 milliards d’euros dédiés, en privilégiant la proximité entre conseiller et jeune, les actions à destination des plus précaires et le meilleur rapport coût-résultat. 

Pour terminer, considérons la banlieue comme un laboratoire pour nous sauver de la crise de notre démocratie, celle dont les valeurs s’effritent devant l’érosion de la participation et la montée des extrêmes. Des nominations de personnes sur critères sociaux, géographiques et paritaires avec pouvoir d’avis dans les assemblées locales apporteraient un souffle nouveau à la vie publique locale.

Karim Bouhassoun

Conseiller politique, auteur de Que veut la banlieue ? Manifeste pour en finir avec une injustice française, L’Harmattan, Paris, (2017) 


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