L’entreprise roannaise spécialisée dans la maille connait un nouveau souffle et monte en gamme.
Il est loin le temps des tout premiers pulls en jacquard créés par Claudius Devernois en 1927 ! Au commencement, le fondateur installé à Roanne dans le centre de la France joue même les modèles dans le catalogue de la marque baptisée Sionreved, anagramme de Devernois.
Aujourd’hui, c’est sa petite-fille, Séverine Brun, 51 ans, qui a repris le flambeau, poursuivant la diversification et l’internationalisation de l’entreprise familiale présente dans 138 magasins à travers 33 pays. Sa stratégie ? Le retour aux fondamentaux (la maille) et une montée en gamme avec le lancement de la marque premium Claudius.
La maille dans le sang
Plongée depuis son enfance dans l’univers du textile, Séverine Brun entre dans l’entreprise familiale en 1990 après une maîtrise de gestion et l’IFM (Institut français de la mode). «La création et plus particulièrement la maille m’ont toujours plu, ainsi je me suis intéressée assez tôt à l’entreprise», raconte celle qui incarne le «classique-chic de bon goût intemporel de Devernois».
Dans les années 1970 déjà, elle assiste au repositionnement de la marque orchestré par son père et son oncle, fils de Claudius : exeunt les pulls en jacquard pour homme-femme-enfant, la PME se concentre sur le prêt-à-porter féminin. La maille reste cependant le point central des collections qui accueillent désormais des robes, des pantalons… en collaboration avec des stylistes de renom : Tomas Maier, Gilles Bensimon… En 2007, Franck Sorbier signe même une collection inspirée par la chanteuse Juliette Gréco pour les 80 ans de la maison.
Lorsqu’en 2006 Séverine Brun rachète l’entreprise familiale avec son époux, Thierry Brun, dans le cadre d’un LBO, tous deux savent que le défi est de taille. Le textile français est en crise et la concurrence féroce. Mais le couple fait face : Thierry s’occupe du développement et de la finance ; Séverine de la création et des achats.
«Travailler en couple est un atout car on a forcément une confiance mutuelle. En revanche, lorsqu’il existe de petits désaccords, on va droit au but !». Ensemble, ils conduisent Devernois vers un repositionnement produit, tout en capitalisant sur le point fort de la marque : la maille. «L’enthousiasme qui m’anime marque pour moi la volonté de valoriser les mérites des générations qui m’ont précédée et qui m’ont permis d’accéder à ce métier passionnant», explique la dirigeante.
Savoir-faire maîtrisé
«Nous voulions faire perdurer cette belle histoire familiale en préservant un savoir-faire maille reconnu. À l’époque, nous étions un peu précurseur sur la préservation d’un savoir-faire français. C’est un challenge passionnant. Tous le processus de création et de production est géré en interne, c’est ce qui rend notre maille unique», commente Séverine Brun, qui fait néanmoins coudre la majorité des pièces Devernois en Bulgarie.
Une question de coûts de main d’œuvre bien sûr, mais aussi parfois une nécessité. Pour des techniques comme le remaillage (opération longue et coûteuse) notamment, l’entreprise ne trouve pas en France suffisamment de personnel qualifié. «Nous proposons une collection complète et globale, qui implique, par produit, des approvisionnements différents afin d’offrir à la cliente le meilleur rapport qualité/prix.
En revanche, pour notre maille, nous sommes intransigeants. Tous nos fils viennent des plus grandes filatures italiennes et tout est tricoté chez nous, dans nos propres ateliers. Nous sommes une des très rares marques à avoir notre propre atelier», se défend-elle.
Claudius, le renouveau
Devernois propose aujourd’hui une ligne complète à destination des 50-60 ans, avec 6 collections par an sous les lignes Devernois, D.Sport (plus casual chic) et, depuis 2012, Claudius vendue uniquement en magasins multimarques ou grands magasins.
Claudius, avec ses matières et ses points plus sophistiqués, est intégralement confectionnée dans les ateliers de Roanne où se situe toujours le siège et les 100 salariés du groupe. Largement inspirée des archives de Devernois, elle bénéficie du regard neuf du styliste brésilien Gustavo Lins. Même la campagne de publicité, incarnée par le beau mannequin Satya Oblette, évoque le renouveau.
«Notre ADN est la maille et nous voulions mettre en avant ce savoir-faire en montant en gamme à travers des produits sophistiqués. C’est un pari en partie conclu dans la mesure où nous rentrons chez de très belles multimarques. Nous cherchons maintenant à les fidéliser par le renouvellement de nos collections». Selon nos informations, Claudius aurait déjà atteint en trois saisons 1 M€ de CA.
Vers les 100 ans
Chez Devernois, 20% des plus belles pièces sont toujours made in France, comme ce nouveau pull-poncho en cachemire 4 fils que la marque vient de lancer, proposé à 288 € dans les 138 boutiques du réseau (dont 38 à l’étranger). Un vêtement de mi-saison qui vient doper les ventes en boutique lorsque la météo se fait capricieuse.
Et puisque cette année la maison fête ses 90 ans, Séverine Brun entend marquer le coup par «une belle fête avec nos équipes qui font le succès et la longévité de Devernois». Une réussite qu’elle explique par «la fidélité à nos valeurs d’authenticité, de travail soigné que souligne ce savoir-faire préservé jalousement depuis 90 ans».
Distribuée dans plus de 33 pays (Europe mais aussi Corée, Japon, Russie, Canada, Afrique du Sud…), Devernois espère désormais multiplier par 3 le nombre de magasins en affiliation et hisser la part de ses ventes en gros (en multimarques) de 35 à 45%.