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Elisabeth Badinter : une philosophe au service des femmes

Elisabeth Badinter est probablement « la » philosophe la plus connue en France, pour ses prises de position en tant qu’intellectuelle et en tant que femme. Aujourd'hui, elle décide de combattre les marques de vêtement qui lancent des collections de vêtements religieux pour les musulmanes. Elle appaelle au boycott de plusieurs marques, parmi lesquelles H&M et Dolce & Gabbana. Zoom sur une personnalité hors du commun.

Entreprendre - Elisabeth Badinter : une philosophe au service des femmes

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Elisabeth Badinter est probablement « la » philosophe la plus connue en France, pour ses prises de position en tant qu’intellectuelle et en tant que femme. Aujourd’hui, elle décide de combattre les marques de vêtement qui lancent des collections de vêtements religieux pour les musulmanes. Elle appaelle au boycott de plusieurs marques, parmi lesquelles H&M et Dolce & Gabbana. Zoom sur une personnalité hors du commun.

Elégante et racée avec son regard bleu glacier, Elisabeth Badinter est une femme qui ne laisse pas indifférent. Philosophe et « idéologue » comme elle aime à se présenter elle-même, elle aime provoquer des réactions chez l’autre, créer du remue-méninge, obliger à la réflexion à partir de convictions bâties au cours du temps.

Objet de sa dernière colère : ces marques de prêt-à-porter qui lancent leurs collections de hijabs et d’abayas. Pour H&M, il s’agit de louer la diversité… 

Ouvertures à la diversité… ou cynisme économique ? Pour Mme Badinter, la réponse est évidente : « Je pense que les femmes doivent appeler au boycott de ces enseignes. » La philosophe considère en outre qu’on ne peut pas se dire féministe et défendre le port du voile. Les « dites ‘féministes islamiques’, elles oublient qu’en guise d’égalité elles doivent rester à la maison, que l’héritage est divisé par deux dans les pays musulmans et la polygamie admise dans le Coran dont elles se réclament », estime la philosophe.

Qui est Elisabeth Badinter ?

Elisabeth Bleustein-Blanchet est née en 1944 à Boulogne Billancourt. Fille du célèbre pionnier publicitaire et résistant, et de Sophie Vaillant, petite-fille de député socialiste et femme active dans un monde qui n’était pas celui d’aujourd’hui, elle grandit dans un milieu protégé. Un monde privilégié pour cette jeune femme douée pour les études qui devient agrégée de philosophie.

Un nom de famille connu, et son nom d’épouse va le devenir également. Elle se marie en effet avec Robert Badinter, qui viendra à bout de la guillotine, et sera mère de trois enfants. Elle détient une grande fortune personnelle grâce à son père qui a créé Publicis,  société qu’elle a souhaitée préserver au sein de la famille à la mort de Marcel Bleustein-Blanchet en dépit de l’opposition familiale, une époque de déchirement. Femme de gauche convaincue bien que n’adhérant à aucun parti, elle doit bien entendu justifier d’être une vraie privilégiée. Notamment lorsqu’elle deviendra célèbre après avoir publié à 36 ans « L’amour en plus » qui sera traduit en 38 langues.

 

La laïcité : une valeur de premier plan

L’âge n’a pas de prise sur son courage. En ce début 2016, le politiquement correct ne l’intéresse pas, elle ne s’effraie pas de défendre ses positions, quitte à en choquer certains. Il ne faut pas avoir peur « de se faire traiter d’islamophobe » pour défendre la laïcité. Après avoir dit que la laïcité n’était plus défendue que par Marine le Pen en 2011 afin de provoquer une réaction chez les électeurs de gauche, elle met en avant le fait que certains tabous sont de vrais désastres en gestation.

En effet, quoi de plus facile que d’accuser l’autre de haine, de racisme pour lui « clouer le bec » comme dit Elisabeth Badinter. Or s’élever contre le signe religieux devient une menace contre une minorité, une attitude interdite par des libéraux, laissant  de fait la voie libre aux extrémistes de tout bord.

Si l’on n’ose plus se révolter par peur de se faire traiter de raciste, où est la véritable liberté ? Il s’agit du combat d’une vie pour Elisabeth Badinter pour qui la laïcité est une valeur qui est droite ligne de son siècle de prédilection, celui du Siècle des Lumières.

En 1989 déjà, elle lançait avec d’autres un appel à la laïcité face au port du voile dans une école de l’Oise et accusait par la suite la gauche de ne pas avoir su prendre la défense des femmes par peur d’être taxée d’attaque contre la population d’origine immigrée. Elle ne peut ainsi accepter l’opinion de Lionel Jospin, proche du point de vue de la société britannique : tenter de convaincre que les signes religieux ne sont pas adéquats à la vie dans la société française, mais que finalement, s’il le faut, il convient de les accepter.

Cette position signifiait pour elle que son camp politique cédait la place pour laisser entre la religion dans l’école publique. Ce qui aurait été presque logique de la part de catholiques intégristes devient insupportable de la part d’un camp dont elle est partie prenante et qui a toujours soutenu la cause de l’égalité entre homme et femme. Philosophie et psychologie ne sont pas éloignées et son analyse tend à avancer le fait que certains ont été victimes d’un complexe de culpabilité du type ancien colonisateur face à ancien colonisé et ne peuvent donc de ce fait avoir une pensée objective face à la montée du communautarisme.

Juive, elle regrette que le port de la kippa se généralise, ou que les catholiques cherchent à mettre en avant leur appartenance religieuse. Toute attitude extrême pose problème et chacun réagit par rapport à l’autre, dans une surenchère absurde, aux dépens de la laïcité. Mais si le voile a le don de la faire bondir, c’est qu’il est porté non pas par esthétisme, mais selon la vision ancienne selon laquelle le fait de cacher ses cheveux permet aux hommes de maîtriser leur désir. Autant dire que cela n’est pas très flatteur ni honorable, ni pour la femme, ni pour l’homme, limité à son exigence sexuelle. Elle constate que le retour en force du religieux, en particulier dans l’islam et le judaïsme, entraîne de facto des attitudes d’opposition aux autres. Le contraire de l’universalisme.

Elisabeth Badinter est d’avis que les religions en dépit de leurs discours sont en réalité des forces destructrice contre les valeurs communes à tous, et contribuent à la séparation au sein même d’une nation. Les ressemblances, l’autre grand concept qu’elle met en avant, sont au contraire synonyme d’unité.

Le féminisme, combat d’une vie

L’originalité de sa pensée vient entre autres que notre intellectuelle ne cherche pas forcément à plaire. Femme de gauche, elle n’hésite pas à s’élever contre certaines positions lorsque cela n’est pas en accord avec ses convictions. Ainsi, elle affirme son opposition contre les théories du genre qui pourraient aller jusqu’à une négation du sexe de chacun. Alors qu’elle prône également totalement l’égalité des sexes.

Mais pas de contradiction dans cette position. Elle s’est élevée contre la parité, considérant que les femmes n’avaient pas besoin de loi pour parvenir à trouver leur vraie place, mais également pour la GPA ou l’adoption de couples homosexuels, « c’est une question de principe ».

Elisabeth Badinter s’oppose notamment à toute attitude de misandrie, car il est hors de question pour elle de favoriser en quoi que ce soit une rivalité homme-femme, la guerre des sexes, voici un concept qui n’est pas envisageable pour une féministe comme elle. Elisabeth Badinter va même très loin, jusqu’à se dresser contre certains reportages sur les violences conjugales où les femmes ne sont présentées que comme des victimes, en quelque sorte incapables de se défendre, et tient à soutenir la cause des hommes battus, même si elle est minoritaire. Tout ce qui contribue à mettre la femme dans la catégorie des faibles devrait être banni.

La laïcité est intimement liée à son combat en tant que féministe. En effet, les deux concourent à la véritable égalité. Pourquoi ? Car les religions ont en commun d’avoir généralement une idée passéiste et traditionnelle du rôle de la femme dans la société.


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