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Fatine Layt, une banquière aussi puissante que discrète

Son nom n’est pas connu du grand public, mais la Franco-Marocaine fait partie des personnalités qui comptent dans le monde de la finance. Et, alors qu’elle va avoir 50 ans, son statut n'est pas prêt de s'étioler.

Entreprendre - Fatine Layt, une banquière aussi puissante que discrète

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Son nom n’est pas connu du grand public, mais la Franco-Marocaine fait partie des personnalités qui comptent dans le monde de la finance. Et, alors qu’elle va avoir 50 ans, son statut n’est pas prêt de s’étioler.

Des études brillantes

Si elle est née en 1967 à Casablanca, d’une mère française normalienne et linguiste et d’un père marocain diplômé des Ponts et Chaussées, c’est à côté de Paris qu’elle passe son enfance. Après des études au lycée Sainte-Marie de Neuilly, elle intègre l’Institut d’Études Politiques de Paris, dont elle sort major de sa promotion en 1989, tout en suivant une formation d’analyse financière à la Société française des analystes financiers (SFAF). Passionnée de musique, elle décroche en 1982 le Premier prix de musique de chambre du Conservatoire de Paris.

Un mentor qui compte

Après des débuts comme trader, Fatine Layt fait une rencontre déterminante, avec Jean-Charles Naouri. L’ancien directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy vient de créer un fonds d’investissement, Euris, avec David de Rothschild, Vincent Bolloré et Marc Ladreit de Lacharrière. La jeune femme grimpe rapidement les échelons, de simple chargée d’affaires jusqu’à administratrice déléguée, avant de quitter Euris en 1996.

Femme de médias

Chez Euris, elle s’occupe notamment des participations dans divers groupes d’édition (Epa, Glénat, Actes Sud, Maxilivres…) et de presse (Oros Communication, Sygma…). Elle devient ensuite P-DG de CEEP, un éditeur de presse professionnelle contrôlé par Apax Partners. En 1998, elle crée une société de conseil en ingénierie financière spécialisée dans les médias, Intermezzo, où elle s’occupe à deux reprises de la vente du Nouvel Économiste, travaille à la recapitalisation de Libération après le départ de Pathé et fait entrer l’espagnol El Mundo au capital du Nouvel Observateur.

Divorce peu amiable avec J2M

En 2003, elle prend 25% du capital de Messier Partners, société spécialisée dans les fusions-acquisitions créée par l’ancien patron de Vivendi Universal, installé aux États-Unis. En tant que directrice générale de la structure, elle réalise notamment en 2004 la cession de la banque Arjil au financier Wladimir Mollof pour le compte d’Arnaud Lagardère. Pourtant, en 2006, Jean-Marie Messier la révoque. Fatine Layt a porté l’affaire en justice mais a été déboutée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les deux ex-associés ne sont pas en bons termes.

Un board qui en jette

Après ses déboires avec J2M, Fatine Layt crée en 2007 Partanea, une petite banque d’affaires spécialisée dans le conseil en gouvernance financière pour aider les grands groupes et les fonds d’investissement à valoriser leurs actions en Bourse ainsi que les nouveaux produits de type hedge funds. Parmi les actionnaires, on retrouve le fidèle Jean-Charles Naouri, le milliardaire belge Albert Frère et l’espagnol Reig Capital, la holding de la famille Reig Moles, propriétaire, entre autres d’Azzaro.

Pas de plafond de verre ?

Femme et Franco-Marocaine, la financière a dû faire sa place dans un monde d’hommes aux égos souvent surdimensionnés et où «la diversité n’a jamais été un sujet à la mode et ne l’est en réalité toujours pas, sauf dans les discours». Elle reconnaît avoir «rêvé pendant des années de m’appeler Nathalie et d’avoir les cheveux raides, afin de ne pas être rejetée.

Appartenir à une minorité et être en partie exclue d’un certain système, de certains univers, peut provoquer, je crois, deux extrêmes. Soit on lâche, parce qu’on est complètement désespéré. Soit on s’accroche, et ça devient vital : cela a été mon cas». Un pari réussi : outre sa réussite professionnelle, elle est aujourd’hui membre de nombreux clubs prestigieux dont le Siècle ou le Club E des professeurs de Sciences Po.

Toujours un pied au Maroc

Si elle réside et fait carrière en France, Fatine Layt reste très attachée à ses origines. Son mari est d’ailleurs le président de Royal Air Maroc. «On ne peut pas occulter ses racines : on ne peut être réellement pacifié dans la cité que si on a bien intégré ses racines, même si elles sont parfois très lourdes et qu’on en a bavé». Plutôt que dans sa ville natale, c’est dans la campagne à 15 kilomètres de Marrakech qu’elle a acheté une ferme il y a une dizaine d’années. «On y produit des oranges, des abricots et des grenades, des confitures et de l’huile d’olive. C’est un endroit que j’adore parce que c’est la simplicité, l’amour de la terre». Cette exploitation, où elle se rend chaque mois, produit 300 tonnes d’agrumes par an.

Appréciée des grands patrons

Dans sa carrière, Fatine Layt a su convaincre par son discours entrepreneurial, sortant des sentiers battus et ne craignant pas de conseiller à un chef d’entreprise de différer une opération, pourtant lucrative pour un intermédiaire financier. Ainsi, elle a conseillé à la famille Fiévet, actionnaire du fromager Bel, de ne pas surenchérir sur Yoplait, ce qui lui a valu une place au conseil d’administration et au comité d’audit du groupe. Elle siège également au conseil de la Fondation Renault au côté de Carlos Ghosn. Des relations qui lui permettent d’initier des deals au plus haut niveau.

Sept ans au cœur du business

Fin 2008, Fatine Layt cède Partanea à Oddo & Cie et rejoint le groupe en tant que membre du comité exécutif, et présidente et associée-gérant d’Oddo Corporate Finance, la banque d’affaires du groupe, pour développer l’activité fusions-acquisitions. Elle y reste 7 ans, réalisant des opérations comme la vente d’Hediard pour le Russe Pougatchev et tissant des liens en Afrique grâce à plusieurs deals : vente de Meditel à Orange, cession du groupe audiovisuels Trace… Lorsqu’elle part, le groupe cesse toutes ses opérations sur le secteur M&A.

Le goût du théâtre

Alors qu’elle dirige la banque d’affaires du groupe Oddo, Fatine Layt a constitué le Cercle des partenaires du théâtre des Bouffes du Nord. Parmi les contributeurs, aux côtés de people comme Jean-Pierre Elkabbach ou Bruno Delport, directeur général de Radio Nova, on trouve Aimery Langlois-Meurinne, un financier proche du milliardaire Albert Frère, et Dominique d’Hinnin, cogérant de Lagardère SCA. Un mécénat qui permet de renforcer des relations de haut niveau.

ACG, une greffe ratée

Après son départ d’Oddo & Cie, la banquière a rejoint le fonds ACG de Wladimir Mollof, l’un des pionniers du non-coté. Pas un inconnu pour elle, puisque c’est à ce très discret milliardaire d’origine bulgare qu’elle a vendu la banque Arjil, qu’il préside toujours. Une arrivée en fanfare, puisque Fatine Layt, avec le titre de directrice générale, ambitionne de doubler en 5 ans la taille d’ACG, qui gère plus de 3 Mds€. Les deux – fortes – personnalités ne semblent pas avoir réussi à s’entendre et ce passage n’aura pas été couronné de succès, ce qui n’a pas empêché la banquière de rebondir.

Un nouveau défi

En début d’année, Fatine Layt a pris la direction de LionTree France, en qualité d’associée gérant. Fondée en 2012 par Aryeh B. Bourkoff, cette banque d’affaires américaine basée à New York, avec des bureaux à San Francisco et Londres, a réalisé des transactions pour un montant consolidé de plus de 300 M€. L’objectif : développer «des opportunités sur le marché local et cross-border, en Europe et au-delà». Et exploiter son carnet d’adresses en France mais aussi en Afrique.

Et demain… ministre ?

On la sait proche de François Fillon, qui lui a remis la Légion d’honneur en mai 2009. Elle «estime et partage un certain nombre de points de vue» avec Nathalie Kosciusko-Morizet et Laurent Wauquiez. Si le candidat des Républicains était élu en mai prochain, il n’est pas improbable qu’il lui propose un poste ministériel, peut-être celui du Budget. Et il n’est pas non plus improbable que, cette fois, elle accepte, elle qui «pense que la politique doit nécessairement intégrer des experts de la vie économique. Les entreprises qui sont mes clients sont les acteurs principaux de la croissance, et les décisions politiques les touchent énormément. Nous devons désormais jouer un rôle au côté du pouvoir, souvent moins conscient de certaines réalités». Mais tout reste encore très hypothétique.

Avec Dati, tout les oppose

Si Fatine Layt et Rachida Dati sont toutes deux d’origine marocaines, difficile de trouver deux personnalités plus différentes. Nicolas Sarkozy, qui cherchait à l’époque «un symbole de rechange» pour remplacer Rachida Dati alors en disgrâce, aurait songé à la financière pour lui succéder au gouvernement, au poste de secrétaire d’État au numérique. Mais Fatine Layt aurait décliné. Elle voulait le ministère du Budget ou rien.


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