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Guillaume Musso : « aujourd’hui, je ne fais que ce qui me plait ! »

Le succès français et international de Guillaume Musso tient à la force de ses intrigues et à leur originalité. Mêlant intensité, suspense et amour, ses romans ont fait de lui un des auteurs français favoris du grand public, traduit dans le monde entier et adapté au cinéma. Son dernier roman, « La Fille de Brooklyn » devrait connaître le même sort. Entretien avec un écrivain discret et sincère, lecteur passionné depuis son plus jeune âge.  

Entreprendre - Guillaume Musso : « aujourd’hui, je ne fais que ce qui me plait ! »

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Le succès français et international de Guillaume Musso tient à la force de ses intrigues et à leur originalité. Mêlant intensité, suspense et amour, ses romans ont fait de lui un des auteurs français favoris du grand public, traduit dans le monde entier et adapté au cinéma. Son dernier roman, « La Fille de Brooklyn » devrait connaître le même sort. Entretien avec un écrivain discret et sincère, lecteur passionné depuis son plus jeune âge.
 

Comme souvent dans vos romans, « La Fille de Brooklyn » se passe en partie à New-York. Pourquoi un tel attachement à cette ville ?

 

Guillaume Musso :

Comme vous l’avez compris, il ne s’agit pas d’une fascination de ma part pour le modèle américain en général, mais bien d’un amour immodéré pour New-York, une ville que j’ai découvert quand j’avais 19 ans. A l’époque, j’avais besoin et envie de prouver à mes parents comme à moi-même que je pouvais être autonome. Je suis donc parti quatre mois à New-York où j’ai fait des tas de petits boulots : j’ai vendu des glaces, travaillé dans un motel, fait le coursier…

J’ai pu découvrir une ville qui est encore mieux que dans les films, à la télé ou dans les romans. New-York est une ville à part entière où tout est possible. Pour un romancier, c’est génial ! C’est une sorte de théâtre géant où l’on voit passer quantités d’intrigues. C’est aussi une ville qui me communique toujours son énergie. Quand j’ai du mal à écrire, un petit voyage à New-York recharge mes batteries.

C’est donc une ville qui depuis plus de 20 ans m’aide à trouver l’inspiration. Là-bas, mon imaginaire se débloque plus facilement que dans mon cadre quotidien. J’ai plus de mal à Paris où je vis, car pour moi ce n’est pas une ville de roman. C’est vrai que New-York est très présente dans mes romans, mais dans chaque livre, j’essaye de raconter quelque chose de nouveau sur elle. Dans « La Fille de Brooklyn », j’ai mis l’accent sur Harlem et notamment une rue de ce quartier.

Avec ce roman, on quitte le surnaturel pour un vrai polar bien noir en pleines élections américaines. Est-ce une envie de coller encore plus à l’actualité mais aussi aux horreurs du monde avec  le thème de la pédophilie notamment ?

Guillaume Musso : Depuis quelques années en effet, le polar, le suspense, les enquêtes sont de plus en plus présents dans mes romans. Tout simplement, parce que c’est ce que j’aime lire. C’est donc une inclinaison naturelle chez moi. Et je suis ravi que mes lecteurs m’aient suivi sur ce terrain. Un roman policier entraîne cependant d’autres contraintes d’écriture, car il doit être ficelé de bout en bout. Ce qui laisse moins la place à l’improvisation en cours d’écriture.

Pour la « La Fille de Brooklyn », ma contrainte était de partir d’un épisode anodin dans la vie d’un couple – une dispute conjugale un soir d’été – et de voir comment cette dispute allait entraîner un maximum d’évènements en chaîne et quel impact cela allait avoir sur la vie de mes personnages. Cette sorte d’ « effet papilllon » permet un suspense intensifié.

Dans ce dernier livre, on s’attache particulièrement au second rôle masculin, Caradec, l’ex-flic et l’ami fidèle du héros écrivain comme vous. Qui vous a inspiré ce personnage ?

Guillaume Musso :

Personne en particulier. Pour moi, Caradec c’est même le premier rôle, car le narrateur est là, mais finalement plus en retrait. J’ai toujours été très attaché dans mes histoires à cette figure du mentor, cette figure du père, celui qui va vous aider et vous transmettre son vécu, son savoir. J’aime beaucoup ce personnage aussi attachant que complexe et ambigu. Cette complexité et ces contradictions sont d’ailleurs d’après moi la condition sine qua non pour qu’un personnage de roman devienne intéressant.

Ce qui me fait penser à cette citation : « Voir le pire chez le meilleur des hommes  et le meilleur chez le pire. » Mon roman, c’est l’histoire de trois hommes, Caradec, Raphaël et son fils Théo – deux ans, qui a perdu sa mère – trois hommes fragiles qui cheminent dans leur existence et au cœur d’une intrigue qui gravite quant à elle autour de figures féminines. A bien des égards, ces femmes sont plus déterminées et plus éprises de liberté que les hommes ne le sont.

Justement, ce qui rend vos personnages très attachants, ce sont ces hommes qui n’hésitent pas à dévoiler leur sensibilité,  leur part féminine ; et à l’inverse, ces femmes qui dévoilent la part plus masculine de leur personnalité…

Guillaume Musso :

Oui, c’est un invariable de beaucoup de mes romans. En tant qu’homme, je n’ai personnellement jamais eu de mal à accepter ma sensibilité et la part féminine de ma personnalité. J’ai de plus toujours été entouré de femmes déterminées, aux caractères bien trempés et c’est donc assez normal qu’on les retrouve dans mes romans. Et puis, ça correspond aussi à une évolution réelle de la société.

 Pour vous, c’est quoi un bon roman ?

Guillaume Musso :

Un bon roman, c’est une bonne histoire. Et une bonne histoire est forcément faite de personnages suffisamment complexes pour devenir fascinants.  L’histoire doit être suffisamment bonne pour permettre à l’intrigue de se déployer sur 500 pages. Dans mon cas, j’ai toujours envie d’écrire le roman que le lecteur n’aura pas envie de lâcher, celui qu’il aura envie de retrouver chaque soir chez lui en rentrant du travail. Donc, un bon livre, un bon roman, c’est celui qui fait plaisir à celui qui le lit, celui qu’on regrette d’avoir déjà terminé. Comme dans une addiction. C’est pourquoi, depuis toujours, j’essaye d’écrire le ou les romans que j’aimerais lire.

Et quelles sont les recettes d’écriture d’un bon polar ? Tout est écrit d’avance ou juste une trame qu’on complète au fur et à mesure ?

Guillaume Musso :  

Je n’ai pas de règle d’écriture. J’ai pu écrire des romans où l’histoire se construisait peu à peu et d’autres dont toute l’intrigue était bouclée dès le départ. Pour ce genre de roman et d’intrigue policière, je ne me lance pas sans avoir au départ un bon squelette que je fais ensuite évoluer au fil de l’écriture. Cela me fait penser à Franck Tilliez quand il explique : « L’écriture d’un bon roman, c’est un peu comme le Tour de France. On connait les étapes mais on ne sait pas ce qui va se passer à chaque étape. » Même si c’est un peu cliché, on suit la logique des personnages, là où ils nous mènent. Ce sont eux qui permettent à l’intrigue de progresser. Et c’est cela qui fait toute la richesse de l’écriture : Partir vers l’inconnu sur un chemin balisé.

Vous arrivez à sortir un roman par an. Est-ce que cela demande de l’entraînement comme un sportif qui prépare un grand championnat annuel ? Existe-t-il des moments où vous n’écrivez pas ?

Guillaume Musso :

Beaucoup de gens pensent que j’écris facilement parce que je sors un roman par an. C’est tout le contraire ! Je suis un extensif et non un intensif. Je travaille tous les jours sur des histoires que je porte en moi depuis longtemps. Et j’en ai une bonne dizaine en même temps.

Et puis un jour, une histoire est bouclée dans ma tête. Mon dernier roman, « La Fille de Brooklyn », j’y ai pensé pour la première fois il y a trois ans. J’y ai consacré des recherches et du temps. Et comme je vous le disais, j’écris tous les jours. C’est un vrai travail.

J’ai eu une vie avant l’écriture. J’ai été professeur d’économie pendant dix ans. Cela fait que je suis entouré de gens qui ne vivent pas du tout dans ce milieu littéraire. Donc, pour être en phase avec eux, avec ma famille et avec la vraie vie, et aussi parce que je me méfie du « syndrome du pyjama » propre à beaucoup d’écrivains qui travaillent de chez eux, je ne me suis pas organisé ainsi. Au contraire, j’ai un vrai bureau hors de chez moi, un endroit spécifique pour écrire, où je pars travailler chaque matin et d’où je reviens chaque soir pour rentrer chez moi.

Je me suis fixé un cadre et un équilibre de vie, afin que mon fils me voit partir travailler tous les matins comme les autres papas qui ont un métier plus traditionnel. Le fait d’écrire tous les jours correspond à mon rythme, à ma respiration. Et ce n’est pas compliqué pour moi, car je fais la chose qui me plaît le plus au monde. C’est une passion. Ecrire, c’est ma vie !

 Quel rapport entretenez-vous avec votre propre écriture ? Vous reprenez dix fois la même phrase ou vous laissez faire ?

Guillaume Musso :

J’aime bien faire lire au fur et à mesure à des lecteurs de confiance, prioritairement ma femme et- mon éditrice. Je leur envoie ou leur donne à lire environ trente pages à la fois. Mais vous savez, avec l’expérience, je sais de plus en plus où je veux aller. Il y a dix ans, ce n’était pas pareil, je pouvais écrire cent pages et tout mettre à la poubelle. Aujourd’hui, je sais d’avance qu’il ne faut pas que je les écrive.

Et puis, je suis entouré de personnes qui me connaissent parfaitement, qui savent si j’ai fait de mon mieux ou pas et qui ne trichent pas avec moi. J’écris à la manière d’un artisan et je me sens bien meilleur qu’il y a dix ans.

C’est normal, en avançant en âge et en expérience, on s’améliore, on a des connaissances plus larges. Même si j’ai du succès depuis 2004, j’ai encore la même fraîcheur, la même envie, comme si c’était le début. Mes romans quant à eux, ont évolué, ils sont différents, mes lecteurs certainement aussi.

J’essaye toujours de faire mieux, différemment, de surprendre. J’ai toujours la même envie et aussi la même angoisse, le même trac. Mais en même temps, je sais pertinemment qu’il ne faut pas écrire pour répondre à une demande. Je reste donc dans le même état d’esprit qui a toujours été le mien depuis mes débuts : écrire des histoires que j’aurais envie de lire et qui me feraient plaisir.

Vous avez donc toujours au moins deux à trois romans en préparation en même temps ?

Guillaume Musso :

Même dix en fait ! (sourire) J’ai toujours une dizaine de projets en même temps dans des états d’avancement différents. Comment je choisis parmi eux ? C’est comme dans une histoire d’amour, il s’agit de rencontrer la bonne personne au bon moment. On choisit l’histoire qu’on se sent le plus capable de raconter à l’instant T, qui fait écho à ce qui se passe dans notre vie. Depuis trois ans, depuis la naissance de mon fils, il y a certains projets qui ne m’intéressent plus et d’autres qui trouvent une ouverture en moi. La paternité m’a transformé.

 Quelle histoire aura votre faveur pour 2017 ?

Guillaume Musso :

J’ai trois projets plus « chauds », plus avancés que les autres, mais je n’ai pas encore choisi le prochain. A chaque fois, je me décide vers mars-avril…

Quel rapport entretenez-vous avec la promotion de vos livres. C’est agréable ou c’est un mal nécessaire ?

Guillaume Musso :

C’est avant tout une politesse par rapport à tous les lecteurs de faire un minimum de promotion. C’est aussi une politesse pour tous les gens qui contribuent à la parution du livre, à commencer par mon éditeur, XO, et toutes ses équipes, mais aussi les libraires et les distributeurs.

La notoriété, ce n’est pas du tout quelque chose qui me fascine. Le succès m’est agréable, mais il me donne surtout la possibilité de refuser des choses qui m’ennuient, prennent trop de temps ou me déplaisent. Ça me permet donc de choisir les endroits où je dois me rendre et les interviews à faire ou pas. Je décline poliment les trois quarts des demandes de participation qui me sont faites. Le temps est compté. J’ai passé 40 ans. J’ai donc passé l’âge de me forcer.

Avez-vous le temps de lire ?

Guillaume Musso :

 Oui, tout le temps ! Je lis depuis que j’ai onze ans. Ma mère était bibliothécaire et j’ai donc toujours été entouré de livres. A l’âge de 11 ans j’ai découvert Les Hauts de Hurle-Vent, le roman d’Emily Brontë. ça a été un basculement dans ma vie. J’ai éprouvé une telle fascination !

J’ai compris que grâce aux livres, je ne serai ou ne me sentirai plus jamais seul. Paul Auster a déclaré : « Un livre, c’est le seul lieu au monde où deux étrangers peuvent se rencontrer de façon intime. » C’est tout à fait cela. Je suis un gros lecteur, de tout, tout le temps. Plus jeune, ma mère m’a mis en garde contre tous les snobismes littéraires.

Elle m’a donc initié à lire tous les auteurs, tous les genres, tous les styles, des plus populaires aux plus ardus. Pareil pour le cinéma. Elle m’a mis dans la tête l’idée que tout ne se vaut pas mais qu’on peut prendre du plaisir pour tout. Je suis lecteur avant d’être auteur. Je peux lire pendant que j’écris. Je lis toujours plusieurs livres à la fois. Je peux apprécier un livre même si je n’apprécie pas son auteur. Et l’inverse est vrai aussi ! (sourire)

 Si vous ne pouviez emporter que 3 livres sur une île déserte ? Quels seraient-ils ?

Guillaume Musso :

« Belle du Seigneur » d’Albert Cohen,  un roman que j’ai lu à 17 ans et qui a changé ma vie.

« Le prince des marées » de Pat Conroy. Fascinant, le roman américain dans tout ce que je préfère. A la fois une saga, une histoire d’amour, un souffle !

« Le cercle de la croix » d’Iain Pears, un roman qui se passe en 1860 en Angleterre autour de l’histoire d’un professeur de philo à Oxford racontée par quatre personnages différents. C’est un roman fascinant, érudit, qui fait référence à l’histoire de l’art, à la médecine, aux sciences. Un livre complet et un vrai grand roman populaire. C’est un livre qui peut être lu par tout le monde mais où tout le monde ne trouvera pas la même chose.

C’est aussi ce que j’essaye de faire. Cette idée d’écrire un roman à deux niveaux me plaît. Au premier niveau, il doit y avoir le plaisir de l’intrigue et de l’histoire. Et au deuxième niveau, il doit y avoir le plaisir qu’apportent les différentes thématiques abordées, comme celle de la paternité dans mon dernier roman. C’est d’après moi cette écriture à deux niveaux qui caractérise la littérature populaire. Et c’est ce que j’aime dans le côté populaire des romans.


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