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Comment l’ogre OVH fait trembler les GAFA

Créée en 1999 par Octave Klaba, l’ETI roubaisienne est le leader européen de l’informatique dématérialisée. OVH s’attaque désormais aux géants mondiaux du cloud (Amazon, Microsoft, IBM, Google) et affiche des ambitions gargantuesques, tout en conservant les clés du nouvel empire au sein du clan familial.

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Créée en 1999 par Octave Klaba, l’ETI roubaisienne est le leader européen de l’informatique dématérialisée. OVH s’attaque désormais aux géants mondiaux du cloud (Amazon, Microsoft, IBM, Google) et affiche des ambitions gargantuesques, tout en conservant les clés du nouvel empire au sein du clan familial.

Ça a débuté comme ça. En 1999, un jeune étudiant en 3ème école d’ingénieur à l’Institut catholique des arts et métiers de Lille, arrivé de Pologne 9 ans plus tôt, lance une société informatique avec 7000 euros en poche. Octave Klaba nomme son projet « OVH ». Non pas, comme on le croit souvent, en guise d’acronyme de la phrase « On Vous Héberge », mais en référence à son pseudo sur IRC (Oles Van Herman), l’ancêtre des réseaux sociaux.

Toutes les grandes histoires débutent par une anecdote. Celle d’OVH ne déroge pas à la règle. Cet alias digital derrière lequel se cachait un geek qui maniait le code informatique dès l’âge de 10 ans – la légende veut qu’il avait bidouillé un système informatique permettant de payer les salariés du kolkhoze de son père – et ne parlait pas un mot de français lorsqu’il est arrivé au collège, s’est transformé en l’une des plus grandes réussites entrepreneuriales françaises de ces vingt dernières années.

 

Xavier Niel : « Octave est un génie »

Octave Klaba a démarré son aventure en exploitant l’électricité et l’infrastructure de la société employant sa mère à Roubaix pour faire tourner ses premières machines. C’est d’ailleurs elle qui accepte après des semaines de négociation de financer le premier serveur d’Octave. Bientôt, c’est dans un sous-sol parisien proche de la Bastille, gracieusement prêté par Xavier Niel, fondateur d’Iliad, de l’École 42 et de Station F, que les ambitions d’Octave Klaba vont se matérialiser.

« Octave est un génie. Ce garçon a une vie de roman et c’est un vrai héros français », s’enflammait Niel fin octobre. Ce premier data center – P19 – situé dans le 19ème arrondissement de Paris et ce premier prêt du fondateur de Free permettent à l’informaticien franco-polonais de déployer ses premiers outils et services. La suite est l’histoire d’une ascension continue d’une société qui passera de la PME roubaisienne à un géant européen.

« Quand j’ai créé OVH il y a 18 ans, racontait Octave Klaba fin décembre, j’avais une vision sur 20 ans. Aujourd’hui, j’ai encore une vision sur 20 ans. OVH est là pour durer. »

Un déploiement international réfléchi

 

A partir de 2006, OVH lance son expansion internationale avec l’ouverture de ses premières filiales étrangères. Ce processus démarre par la Pologne, pays d’origine du clan Klaba. La même année, deux autres filiales commerciales sont lancées au Sénégal et en Espagne.

Dès 2010, OVH mise sur le cloud et investit 10 M€ pour faire évoluer ses services. La pépite roubaisienne est aujourd’hui le numéro deux ou trois, selon les chiffres, du cloud, dans le sillage d’Amazon Web Services (AWS), Google, et Microsoft (Azure), même si le chiffre d’affaires des mastodontes américains est sans commune mesure avec celui d’OVH.

Mobiliser les énergies

En 2012, OVH accélère à l’international et se lance dans la course aux data centers, ces bâtiments équipés de centaines de milliers de serveurs informatiques. Les ouvertures se multiplient : Canada, Pologne, Australie, Singapour, Allemagne… Un an plus tard, OVH lance GRA, le plus grand centre de données d’Europe. En décembre 2014, pour répondre à ses ambitions mondiales, le groupe lève 267 M€.

Quelques semaines plus tard, Octave Klaba cède sa place de président à Laurent Allard, jusqu’alors CTO du groupe de services informatiques CGI, un des gros clients d’OVH, pour, dit-il, se « consacrer à la technique et à l’innovation ». Octave Klaba est toujours président du conseil d’administration et CTO (chief technical officer) d’OVH.

« Une grande partie de mon travail sera de renforcer la mobilisation d’énergie. Octave Klaba écrit les mélodies et j’assure le rôle de chef d’orchestre pour en faire une partition interprétée par 1 000 personnes aujourd’hui, et plus demain », avait expliqué le nouveau CEO à l’époque.

 

2018-2019 : entre 2 000 et 2 500 recrutements prévus

Après plus d’une quinzaine d’années d’existence, OVH joue désormais dans la cour des grands. Le groupe roubaisien va opérer un nouveau tournant dans son développement : passer de 2 000 salariés aujourd’hui (600 recrutements en 2017) à plus de 3000 fin 2018, pour s’affirmer comme une référence de l’informatique dématérialisée.

Selon Antoine Tison, responsable des ressources humaines de l’entreprise, OVH devrait « recruter entre 2 000 et 2 500 salariés entre août 2018 et septembre 2019 ». Selon le plan de vol, la licorne devrait compter 15 000 salariés en 2025.

Les données financières et matérielles de l’entreprise nordiste suivent la même courbe exponentielle : 400 millions de CA en 2017, 300 000 serveurs, 1,3 millions de clients et 27 data centers (15 en France, 12 à l’étranger). Avec 1,5 Md€ d’investissement prévus en 5 ans, OVH ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Angleterre, Allemagne, USA, Pologne, Canada…

Seront ainsi financés un deuxième campus adossé à son siège social de Roubaix, des bureaux à Nantes, Bordeaux et Londres mais aussi à Cork (Irlande), Milan et Brest. Fin 2016, OVH a ouvert son premier data center aux Etats-Unis, dans l’état de Virginie.

Au total, OVH aura mis en service sept data centers en 2017 (Londres, Francfort, Roubaix, Gravelines, Strasbourg, Beauharnois au Canada, Vint Hill aux Etats-Unis) et compte passer à la vitesse supérieure en lançant de nouveaux centres en Pologne et en Allemagne…

L’entreprise qui vise 5 Mds€ de CA en 2025 est également un incubateur de start-up. Nommé « Digital Launch Pad », le programme d’accompagnement « made in OVH » met l’infrastructure et ses services de cloud à disposition des jeunes pousses triées sur le volet. « Ce dispositif se distingue des incubateurs classiques par sa volonté d’accompagner les projets retenus jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à leur mise sur le marché », explique-t-on chez OVH.

Une menace pour les géants de la Silicon Valley ?

Devenu un acteur global de la tech européenne, la licorne se positionne désormais comme une menace directe pour les géants de la Silicon Valley. Ce que n’a pas manqué de noter le mécène de la première heure d’OVH, Xavier Niel. « OVH, une boîte installée pas loin de la frontière entre la Belgique et la France, créée par un Polonais venu habiter en France, est en train d’attaquer Amazon, Apple et Google de face sur leurs produits de cloud. Tranquille. Il crée de l’attractivité et des emplois. Il va exploser les États-Unis et devenir le premier hébergeur au monde. C’est un truc de malade, probablement l’une de nos plus belles start-up. Le gars est parti tout seul de Roubaix et il y va. Alors oui, peut-être que la prochaine lettre dans ‘GAFA’ sera un ‘O’. ‘GAFAO’, c’est pas mal. »

Face aux géants du cloud, OVH n’a effectivement pas l’intention de jouer les figurants. Et la course à l’armement est d’abord financière. Ainsi, en 2016, la licorne a vécu une petite révolution. Alors qu’elle avait privilégié un développement sur fonds propres et endettement afin de préserver son indépendance, l’ETI familiale a ouvert son capital pour la première fois à des investisseurs – les fonds américains KKR et TowerBrook Capital Partners.

Accélération de l’internationalisation

Cette opération conçue pour ouvrir des portes à OVH aux Etats-Unis a fait grand bruit. D’autant qu’elle a été suivie d’un nouvel emprunt massif du spécialiste du cloud en octobre 2017. Avec cette nouvelle ligne de crédit de 400 M€ à son actif, OVH peut envisager sereinement l’accélération de son internationalisation. « Cela ne veut pas dire que l’on a besoin aujourd’hui de cet argent. Mais nous pouvons en disposer si nécessaire dans les cinq à sept années à venir », précise Nicolas Boyer, le directeur financier de l’entreprise.

Selon les documents communiqués par OVH, le taux d’endettement se situe à un « ratio normal », un chiffre qu’il n’est toutefois pas possible de vérifier. Une chose est sûre : cette manne financière doit aider l’ETI française a conquérir des marchés.

« Nous devons capter cette croissance qui nous échappe actuellement faute d’être considéré comme un acteur allemand, anglais, polonais, suédois, américain ou autre, expliquait Octave Klaba. Il faut aller dans ces pays, s’adapter aux législations et aux réalités locales. La difficulté, c’est qu’OVH ne veut pas apparaître comme le leader, même si notre taille est déjà supérieure à celle de tous nos confrères. »

Aux Etats-Unis, OVH a créé une nouvelle entreprise totalement autonome pour se conformer au Patriot Act. Une structure dotée d’un comité exécutif et d’un patron américains.

Dans sa stratégie d’expansion internationale comme dans sa diversification, c’est cette incroyable nécessité à aller toujours plus vite qui prédomine chez OVH. Mais la route est encore longue. Le chiffre d’affaires du leader du secteur, AWS, devrait avoisiner les 17 Mds€ cette année. Et prochainement, Amazon ouvrira son premier data center en France. Sur les plates-bandes de l’entreprise nordiste. La guerre du cloud aura bien lieu.

Chez OVH, de la clim aux serveurs, tout est « fait maison »

Ingénieur de formation, le père d’Octave Klaba (photo) a mis à profit ses connaissances en génie thermique pour construire un système de refroidissement hydraulique maison qui a la particularité d’aller puiser l’eau à 60 mètres de profondeur pour la faire cheminer dans les locaux.

Ce système permet à OVH de réduire drastiquement ses dépenses d’énergie – l’ingéniosité du père d’Octave Klaba aurait ainsi permis à OVH de réduire de 75% sa consommation et donc de baisser ses prix. Les serveurs refroidis par ce système cousu main sont également produits en interne, dans l’usine du groupe. OVH préserve ainsi une totale autonomie en ne dépendant pas des grands constructeurs américains tels que IBM ou HP.

 

OVH : le clan Klaba aux commandes

La réussite d’OVH, c’est aussi un peu celle de la famille Klaba qui a quitté la Pologne peu après la chute du mur de Berlin. Le père, Henryk, est cofondateur et président de l’entreprise. C’est lui qui donnera à son fils le goût de l’informatique en lui achetant son premier ordinateur en 1985.

La mère, Halina, officie au contrôle de gestion, le frère cadet Miroslaw évolue dans le département R&D, tandis que l’épouse du fondateur d’OVH, Stéphanie, s’occupe de la communication du groupe. Ce contrôle du clan familial s’exprime également dans la gestion du capital. Les Klaba sont encore largement majoritaires.

« Nous avons choisi de réinvestir tous nos bénéfices dans l’entreprise, afin d’aller vite et d’être moins chers que nos concurrents », expliquait Octave Klaba fin 2011. Finalement, fin 2016, OVH a ouvert son capital à deux fonds américains pour financer son développement, notamment outre-Atlantique.


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