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Faut-il unifier l’impôt sur les sociétés en Europe ?

Le débat est biaisé par la vision, erronée, que les autorités européennes ont de la concurrence. Et la Commission trompe son monde en parlant d'harmonisation. L’harmonie n’est pas l’uniformisation, mais l’accord des différences. Les institutions européennes ont raison de vouloir de l’harmonie entre les pays membres, mais elles ne l’obtiendront pas en gommant les différences.

Entreprendre - Faut-il unifier l’impôt sur les sociétés en Europe ?

Le débat est biaisé par la vision, erronée, que les autorités européennes ont de la concurrence. Et la Commission trompe son monde en parlant d’harmonisation. L’harmonie n’est pas l’uniformisation, mais l’accord des différences. Les institutions européennes ont raison de vouloir de l’harmonie entre les pays membres, mais elles ne l’obtiendront pas en gommant les différences.

À cet égard, la concurrence est par principe harmonieuse, du moins lorsqu’elle est respectueuse de certaines règles d’ordre déontologique. La concurrence suppose la diversité parce que, par elle-même, elle permet la distanciation de chacun par rapport aux autres, elle permet à chacun de suivre une voie autonome conduisant par nature à une expression distincte de chacun. Il serait d’ailleurs difficile d’avoir de la concurrence entre des robots identiques, entre des clones. L’harmonie pour sa part ne peut pas se trouver dans l’identité des conditions.

De la même manière que les fiscalités sont différentes, chaque pays a ses paysages et son climat, son histoire et sa culture, ses ressources naturelles et ses savoir-faire. Et ça n’est pas en gommant ces caractères que les pays peuvent développer leur économie, mais en valorisant leurs atouts.

Pourquoi faudrait-il uniformiser les assiettes fiscales sans le faire aussi pour les conditions de travail et de rémunération, les sources d’approvisionnement et les tarifs des prestations nécessaires à l’industrie ? S’il fallait égaliser ainsi l’environnement juridique, administratif, fiscal et social, il faudrait aussi égaliser les plaines et les montagnes, les températures et les saisons, les fleuves et les mers…

La concurrence n’est pas un jeu entre des pions façonnés dans le même moule, mais une compétition dans laquelle chacun peut utiliser des armes différentes pour offrir des services et des produits diversifiés. La concurrence n’est pas statique, linéaire, atone ; elle est dynamique et créatrice. Elle ajoute plutôt qu’elle retranche. Bien sûr, il peut y avoir des perdants en même temps que des gagnants, mais elle n’est pas un jeu à somme nulle.

Elle est plutôt productrice de richesses par essais et erreurs pour sélectionner ce qui réussit. Elle n’est pas un gâteau à partager, mais plutôt le fruit du travail des pâtissiers qui peuvent faire grandir le gâteau sans cesse. Bien sûr, les conditions de la concurrence pure et parfaite ne sont jamais réunies. Mais c’est dans cette imperfection que la comparaison continue permet d’améliorer le système si les hommes y sont libres de choisir.

C’était d’ailleurs bien l’objet du projet européen que de créer une vaste zone de liberté pour permettre que l’échange permanent et libre des hommes, des produits et des services contribue à l’enrichissement de tous, que chacun puisse voter avec ses pieds. A quoi servirait d’avoir créé une Union européenne si c’est pour obliger tous ceux qui y vivent à être soumis aux mêmes contraintes, pour les enfermer tous dans le même conditionnement ?

La concurrence fiscale et la liberté de chaque Etat de gérer ses règles d’imposition comme il l’entend, dans le cadre européen protègent le contribuable. Tout comme la concurrence entre entreprises protège les consommateurs. La concurrence fiscale entre les Etats évite les ententes que ceux-ci ne manqueront pas de former sur le dos des contribuables. Pourquoi d’ailleurs, l’Union européenne voudrait imposer la concurrence aux entreprises pour le prix de leurs produits et s’exonérer de cette même concurrence pour leurs impôts, qui sont le prix payé par les contribuables aux Etats ? Et contrairement à ce que craint la Commission européenne, la baisse des taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés a plutôt contribué à augmenter le produit de l’impôt de ceux qui l’ont pratiquée.

Elle n’a donc pas nui à leurs recettes fiscales et à la qualité de leurs services publics. La baisse d’impôt attire bien sur des entreprises extérieures, mais elle favorise surtout la création d’entreprises et l’investissement industriel et commercial au profit de toute l’économie. Contrairement à ce que craignent les économistes pusillanimes, la concurrence ne crée pas une course vers le bas, a race to the bottom, mais plutôt une course vers le haut. A l’inverse, une uniformisation de l’impôt sur les sociétés en Europe pourrait conduire à une érosion des flux de capitaux en Europe et une baisse des recettes fiscales ainsi que l’évoque le chercheur Enrique Mendoza.

Les Européens ne veulent plus faire grandir le mammouth européen qui risque de devenir bientôt aussi impotent qu’un dinosaure. Mais l’Europe pourrait agir utilement en veillant à ce que l’impôt sur les bénéfices des sociétés soit le plus neutre possible, ce qui serait le cas si les taux d’impôt sur les sociétés des Etats membres n’étaient pas supérieurs, dans chaque pays, au taux de l’impôt sur les revenus.

L’idéal serait que l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés soient à un taux unique (‘flat tax’) et identique. A défaut et pour le moins, il conviendrait que le taux marginal supérieur de l’impôt progressif sur le revenu ne soit pas supérieur au taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés. C’est une règle simple que l’Europe pourrait instituer sans remettre en cause la liberté essentielle des Etats de fixer, dans le respect de ces conditions, les taux d’impôt de leur choix.

  


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