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Logement premier taxé, premier oublié ?

En qualité d’acteur et d’observateur du logement et de l’immobilier depuis 35 ans, je suis plus que jamais attentif à l’évolution des propositions dans le contexte politique actuel où les risques de basculement sont grands.

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Le logement (mal)traité

Depuis trop longtemps, j’observe avec tristesse et désarroi que, quelles que soient les élections ou les programmes, toutes les formations et les hommes politiques se désintéressent de l’immobilier ou le relèguent dans les dernières lignes de leur programme. Et pourtant, le logement est le secteur le plus taxé et le premier budget de dépense des Français.

De surcroît, chaque année dans le budget national, le logement rapporte plus à l’État qu’il ne lui coûte (près de 90 milliards de recettes pour 55 milliards de dépenses en 2022). Et pourtant, jamais l’immobilier n’a été aussi peu considéré, sauf pour ponctionner les locataires, les propriétaires et complexifier le travail des professionnels. En prime, une crise sévère sévit avec force depuis 18 mois dans toute la filière et s’aggrave parce qu’elle n’est pas traitée.

La surprise Bardella

Si aucun politique ne parle du logement, une surprise est néanmoins venue là où on ne l’attendait pas et en plusieurs actes. Ce 18 juin, Jordan Bardella a publiquement exposé des mesures simples qu’attendent tant les professionnels de l’immobilier que les citoyens français, qu’ils soient locataires ou propriétaires.

« Nous voulons remplacer l’impôt sur la fortune immobilière par l’impôt sur la fortune financière. Alourdir la fiscalité sur le patrimoine immobilier et l’alléger sur les transactions financières me pose un problème de philosophie politique parce que je veux qu’on puisse transmettre la France, y compris dans son aspect matériel, à ses enfants et ses petits-enfants. Je souhaite décharger la pierre et l’immobilier de fiscalité. Je veux une fiscalité qui soit juste. »

Dont acte au moment où le nouveau front populaire souhaite un retour à l’antique ISF et le camp macroniste un maintien de l’injuste IFI. Et il ne s’arrête pas là. Le 19 juin, il déclare vouloir abandonner l’interdiction de louer les logements classés G dès le 1er janvier 2025 et F dès le 1er janvier 2028 tout en maintenant le diagnostic de performance énergétique (DPE) comme un outil de mesure pour réaliser des travaux de rénovation. Bref, l’une des mesures phares de la loi climat et résilience de 2021 serait purement et simplement abandonnée.

À défaut d’être en accord, prenons acte de son pragmatisme dans ce monde de normes et d’interdictions en tous genres. Il est clair qu’entre le manque de moyens pour les propriétaires pour entreprendre ces rénovations et les contraintes administratives, la mesure est de bon sens dans un marché de la location atone. Cette mesure serait prise en urgence dès l’été. Réaction outrée du ministre du logement qui parle d’immobilisme dans l’immobilier alors que le gouvernement a opéré un coup de rabot d’1 milliard d’euros sur MaPrimeRénov’, moteur de la rénovation énergétique en 2024.

Et ce n’est pas fini. Le RN ne veut pas poursuivre le zéro artificialisation nette (ZAN), c’est-à-dire l’interdiction de bétonner les sols sans tenir compte de l’aménagement du territoire. Trop souvent, selon le parti présidé par Jordan Bardella, cette disposition est un handicap pour construire du logement neuf mais aussi pour permettre l’installation d’entreprises. Elle serait donc contre-productive, au moment même où la réindustrialisation de la France est défendue par une large partie de la classe politique. Un groupe de travail serait mis en place à l’automne en cas de victoire du RN pour réfléchir à l’évolution du ZAN.

Pas de réussite possible sans traiter la crise en profondeur

Alors encore un petit effort Monsieur Bardella, et je m’adresse bien sûr à tous les responsables politiques. Une bonne politique est une politique globale et équilibrée. Si vous aviez enfin la bonne idée de supprimer l’inepte encadrement des loyers, en vous attachant à créer enfin un statut fiscal au bailleur privé, en relançant l’offre de logement en chute libre et notamment les logements étudiants (il en manque environ 250 000). Mais encore, il faut aussi prélever une partie des revenus de la location de courte durée qui paralyse un peu plus le marché de la location de longue durée.

Enfin, comment relancer le secteur de la transaction en chute libre depuis deux ans si on n’exige pas des banques d’adapter les conditions d’accès au crédit, si on ne pénalise pas ceux qui attaquent les permis avec un intérêt financier, si on n’allège pas les conditions de dépôt de permis de construire ou si on ne supprime pas l’obligation de construire en quotas de logements sociaux intermédiaires dans la promotion neuve, car ce sont les accédants qui paient la note tel un impôt supplémentaire?

Le marché de l’immobilier est dans une crise si profonde qu’il faut lui porter secours de toute urgence. Pour sauver le logement et, à travers lui, l’économie paralysée du pays, il faut aussi retrouver la modestie de Pascal et le bon sens cher à Descartes. Dans le mot immobilier, il y a immobile, c’est-à-dire le monde de l’enracinement, celui du « somewhere » par opposition au « anywhere ». Vladimir Fedorovski, diplomate et écrivain russo-ukrainien reconnu, m’avait confié cet adage que j’ai fait mien : celui qui n’aime pas l’immobilier, n’aime pas la France.

Didier Camandona
Chef d’entreprise
Ancien président de la chambre des métiers de l’immobilier, de la FNAIM du Grand Paris et du bureau exécutif national


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