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Maisons d’édition : les femmes prennent le pouvoir

De plus en plus de femmes sont à la tête de maisons d’édition. Même si la parité ne progresse pas assez vite, une nouvelle génération d'éditrices arrive aux commandes.
 

Entreprendre - Maisons d’édition : les femmes prennent le pouvoir

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De plus en plus de femmes sont à la tête de maisons d’édition. Même si la parité ne progresse pas assez vite, une nouvelle génération d’éditrices arrive aux commandes.
 

D’après le rapport annuel de l’Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication, la parité progresse encore trop peu dans le monde du livre et de l’édition.

Que ce soit en termes de rémunération ou d’accès aux postes à haute responsabilité, les femmes sont toujours loin derrière. Les écarts de salaires entre hommes et femmes stagnent autour de 20%. Parmi les 10% de salariés les moins bien rémunérés dans les entreprises culturelles, 59% sont des femmes. Et plus on monte dans la hiérarchie salariale, moins on voit de femmes.

Parité et salaires : peut mieux faire

La part des femmes à la direction des 100 plus grosses entreprises culturelles n’a pas non plus changé depuis l’année dernière. Seulement 9% de femmes sont à la tête d’entreprises du monde du livre, de la presse et de l’édition.  

74 % des effectifs du monde de l’édition sont des femmes (proportion stable d’une année sur l’autre), mais on compte plus de femmes parmi les employés et techniciens (80 % de femmes) et moins chez les cadres (71 %). Certains métiers sont très majoritairement féminins : 100 % chez les documentalistes iconographes, 93 % chez les attachés de presse et les assistants commerciaux et 89 % chez les assistants d’édition.

Par contre, les directions de fabrication sont un dernier bastion masculin  avec 65 % d’hommes. A l’équilibre, on trouve les fonctions de responsables des ventes directes, délégués pédagogiques, représentants et directeurs artistiques.

Le dernier rapport social de branche du secteur de l’édition montre que les femmes sont souvent moins bien payées que les hommes, à poste égal dans ce secteur d’activités. Le salaire médian annuel d’une femme était de 13 % inférieur à celui d’un homme. Dans le métier d’éditeur – le plus emblématique du secteur -, le salaire médian des 357 femmes recensées dans l’étude atteint 36 327 euros, soit 6,4 % de moins que leurs homologues masculins.

Le salaire médian des femmes est supérieur chez les directeurs artistiques, assistants commerciaux, directeurs du marketing, attachés de presse, techniciens de fabrication, responsables cession acquisition de droit. Il est inférieur chez les éditeurs, assistants d’édition, lecteurs correcteurs, représentants, maquettistes, concepteurs graphiques, responsables commerciaux en raison d’une ancienneté moindre.

 

Il en a fallu du temps…

Il en a fallu du temps pour que les femmes commencent à prendre des postes à responsabilité dans le monde de l’édition. La première à qui l’on pense est évidemment Françoise Verny (1928-2004) qui a montré la voie en lançant « les nouveaux philosophes » à la fin des années 1970. Puis, ce fut au tour de Teresa Cremisi de transformer l’essai en devenant le n°2 de Gallimard puis le n°1 de Flammarion jusqu’en mai 2015, où elle a fait venir de nombreux auteurs à succès. D’autres ont créé une maison à leur nom et gagné une belle renommée : Anne-Marie Métailié en 1979, Viviane Hamy en 1990, Joëlle Losfeld en 1992, Sabine Wespieser en 2001. 

D’autres ont depuis pris le relai avec brio : Stéphanie Chevrier, fondatrice en 2008, des éditions Don Quichotte, Marie-Christine Conchon, PDG de Poche depuis 2010, Emmanuelle Vial, à la tête des éditions Autrement depuis 2011, Hélène Fiamma, directrice éditoriale de Payot & Rivages depuis janvier 2014. 

Témoignage :  Hélène de Castilla, dirigeante d’InterEditions

« Je suis historienne de formation. Avant mon entrée chez InterEditions, je travaillais aux côtés des Compagnons du devoir, à l’élaboration de leur monumentale encyclopédie des métiers. J’avais auparavant travaillé dans une association de la Ville de Paris qui montait des expositions culturelles, principalement sur les rues et les monuments de la capitale.

Je m’occupais notamment du catalogue de ces expositions. Comme depuis toujours j’adore les livres, j’ai toujours désiré travailler dans l’édition. D’autre part, les mots et le défi intellectuel que représente le passage d’idées et d’émotions d’une langue à l’autre me passionnent. Aussi, quand, en 1991, je suis tombée sur une offre d’emploi proposant un poste de secrétaire d’édition chez InterEditions, j’ai sauté sur l’occasion.

J’étais tout le contraire de ce qui était inscrit sur la fiche descriptive : on cherchait une scientifique bilingue, j’étais une littéraire qui n’avait pas passé l’anglais au bac (rire). J’exagère un peu : j’avais en réalité appris l’anglais en autodidacte, par passion pour la littérature anglo-saxonne.

En revanche, je n’avais rien d’une scientifique : quand lors de l’entretien, on m’a parlé de RMN, j’ai pensé aux Musées Nationaux. Alors qu’il était question de Résonance Magnétique Nucléaire! (rire) Mais, ce jour-là, on a aussi parlé de Michel Crozier, dont la lecture des essais sur le comportement français m’avait beaucoup marquée. Quoiqu’il en soit, c’est bien moi qu’ils ont engagée ! Il ne faut donc jamais se priver d’une chance. »

Ces éditrices qui comptent

La relève est désormais assurée à la tête des maisons d’édition françaises, y compris les plus grandes ; et ces femmes s’avèrent à la fois de fines négociatrices et de grandes révélatrices de talents. De plus, au cours de ces quinze dernières années, une grande majorité des maisons d’édition indépendantes ont été créées par des femmes comme par exemples celles de Laurence Teper et Sabine Wespieser.

Impossible de donner une liste exhaustive de cette nouvelle génération d’éditrices qui comptent dabs le milieu fermé de l’édition, nous retiendrons quelques portraits, en nous excusant pour toutes celles qui ne sont pas citées.

Charlotte Gallimard, PDG de Casterman

Casterman, fondé en 1780, label mythique de la bande dessinée (Tintin, Alix, Corto Maltese, Bilal, Geluck…)  appartient aujourd’hui à Madrigall, maison-mère de Gallimard et troisième groupe d’édition français. Dirigée par Charlotte Gallimard, la maison a respectivement confié les directions éditoriales de son département jeunesse à Céline Charvet et de son département bande dessinée à Benoit Mouchart.

Celle qu’on surnomme l’héritière tient la barre du vaisseau Casterman, qui publie 300 titres par an et emploie 40 personnes. « Je ne me pose plus la question de mon nom, je vais de l’avant », assurait Charlotte Gallimard il y a peu à L’Express.

Héloïse d’Ormesson, Présidente des Éditions Héloïse d’Ormesson 

Héloïse d’Ormesson, la fille du célèbre Jean, raconte « Très jeune, après avoir voulu être patineuse ou infirmière, je me suis senti une vocation d’éditeur. Chez mes parents, il y avait des bibliothèques du sol au plafond, remplies de livres, et j’ai été très tôt fascinée par l’objet-livre. » 

En 2004, elle fonde sa propre maison d’édition avec Gilles Cohen-Solal son compagnon (ancien représentant chez Laffont). Dans un premier temps, elle fait le choix de ne pas travailler avec son père afin de se faire son propre nom et mène donc sa vie d’éditeur.

Le premier livre a été publié en 2005. Avant de lancer sa maison éponyme, elle  a conquis ses galons au sein de grands groupes, d’abord chez Flammarion puis chez Denoël : « Avec  Gilles [NDR Gilles Cohen-Solal], nous avons plus de vingt ans d’expérience dans le milieu de l’édition,  lui  dans le domaine de la distribution et de la diffusion,  moi dans celui de la littérature française et étrangère… Chez Denoël, j’étais la 2ème de la boîte.

C’est ainsi que j’ai pu travailler au contact de tous les professionnels du livre. J’ai appris aussi à diriger une équipe. Au début, si tant est qu’on nous ait vu arriver comme de gentils amateurs, ou moi comme « la fille à papa », « l’héritière », On s’est vite aperçu que 20 ans d’expérience, ce n’était pas rien. »

Sophie de Closets, PDG de Fayard

Sophie de Closets, née en 1978, fille de François de Closets, est PDG de la maison d’édition Fayard depuis le 1er janvier 2014. Ancienne élève de l’École normale supérieure de Lyon, agrégée d’histoire, titulaire d’un DEA, elle rejoint Fayard en 2004 en tant qu’assistante d’édition, avant d’en gravir les échelons jusqu’à devenir la Présidente.

Elle est également l’auteur de Quand la télévision aimait les écrivains : Lectures pour tous (1953-1968), mémoire de DEA dirigé par Jean-Noël Jeanneney et récompensé par le prix de d’encouragement à la recherche de l’INA avant d’être publié en 2004 chez De Boeck.

Pour Sophie de Closets, spécialiste de sciences humaines, d’histoire, de documents et d’essais, le principal défi à relever est d’assurer l’adaptation au numérique d’une maison comme Fayard qui plonge ses racines dans le 19e siècle et doit actuellement s’adapter à une véritable révolution éditoriale et commerciale.

Elle témoigne : «  J’ai commencé il y a dix ans comme assistante d’édition et j’ai gravi tous les échelons. Mon travail ? Animer une équipe d’éditeurs, de commerciaux, d’attachées de presse, arbitrer les problèmes entre les services. Mais aussi avoir une vision stratégique et, comme Fayard est en pleine mutation, m’intéresser au numérique, aux réseaux sociaux. »

Cécile Boyer-Runge, PDG des éditions Robert Laffont

Après une double formation Sciences Po et Essec, Cécile Boyer-Runge débute sa carrière professionnelle en tant que Chef de produit auprès d’Europe 1/Régie 1.

Elle rejoint l’Edition dès 1992 en intégrant le groupe Hachette Livre où elle occupe différentes responsabilités. D’abord Chargée de mission auprès du Président-directeur général, elle occupe ensuite les fonctions de Directrice Marketing puis Directrice d’Hachette Tourisme, avant de prendre la direction du Livre de Poche début 2006. L’éditrice a été nommée PDG des éditions Robert Laffont le 13 janvier 2015. Filiale d’Editis et éditeur majeur dans le domaine de la littérature générale, le groupe Robert Laffont rassemble quatre maisons: Robert Laffont, NiL, Julliard et Seghers, s’illustrant à travers tous les genres littéraires. Robert Laffont publie environ 200 nouveautés par an et gère un fonds éditorial de 4 500 ouvrages.

Toutes les éditrices ne sont donc pas toutes des « héritières » ou des « filles de… », même si leur célèbre filiation n’enlève rien à leurs qualités et à leurs compétences. Elles ont cependant toutes en commun l’envie d’exercer un métier passion, le souhait de promouvoir de nouveaux talents et le profond désir de moderniser une profession et des maisons souvent plus que centenaires par une ouverture au numérique et l’élargissement de leur catalogue aux écrivains de demain.


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1 commentaires sur « Maisons d’édition : les femmes prennent le pouvoir »

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