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Mohed Altrad, histoire d’un self made man à la française

Nommé «meilleur entrepreneur de l’année», invité par Barack Obama... Le patron d’Altrad est un self made man à la française. L’histoire de ce Syrien arrivé en France à 17 ans avec 200 francs en poche est un véritable roman.

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Nommé «meilleur entrepreneur de l’année», invité par Barack Obama… Le patron d’Altrad est un self made man à la française. L’histoire de ce Syrien arrivé en France à 17 ans avec 200 francs en poche est un véritable roman.

Mohed Altrad, un homme du Sud

La carrière de Mohed Altrad est indissociable de Montpellier. C’est là qu’il a débarqué pour faire ses études, avant de monter à la capitale ; c’est là qu’il a bâti sa vie professionnelle et familiale. Pourtant, pendant de nombreuses années, il n’a pas vraiment été intégré, l’incontournable Georges Frêche (maire de Montpellier puis président de Région) allant même jusqu’à voir en lui «un agent secret syrien» !

Ce n’est d’ailleurs qu’après la mort de Frêche que Mohed Altrad a pris la présidence du Montpellier Hérault Rugby. «Je ne l’aurais pas fait avant». Et en licenciant un tiers des effectifs pour assainir les comptes du club, il a rompu avec les habitudes locales.

1 franc symbolique

Le succès de Mohed Altrad est né d’un hasard. Après avoir créé une entreprise d’informatique revendue à Matra, il rachète à la barre du tribunal de commerce pour 1 franc symbolique une entreprise d’échafaudages, un secteur auquel il ne connaît rien, située à Florensac, sur les bords de l’étang de Thau, à une cinquantaine de kilomètres de Montpellier.

Vingt-cinq ans et une centaine d’acquisitions d’entreprises plus tard, Altrad, n°1 sur son secteur, réalise 870 M€ de CA. Avec le rachat en mars dernier du néerlandais Hertel, l’ETI va doubler son CA en 2015, à plus de 1,6 Md€, et totalisera 17.000 salariés.

Charme discret de la bourgeoisie

Si le siège social du groupe Altrad est toujours situé à Florensac, le comité de direction, une douzaine de personnes, se réunit dans la maison personnelle du patron, La Bergerie, à Montpellier, où il vit avec ses trois jeunes enfants (il en a deux autres nés de son premier mariage, une fille qui s’occupe de la communication du groupe et un fils qui dirige la filiale tunisienne).

Une maison bourgeoise, avec une piscine, mais sans rien d’ostentatoire. Avec un salaire de 2 M€ par an, le patron d’Altrad a pourtant les moyens de s’offrir des plaisirs luxueux, à l’image de ses voitures, une Bentley et une Ferrari.

 

Mohed Altrad, l’enfant du désert

Les médias ont largement raconté l’histoire de ce Bédouin né dans une tribu du désert, «entre 1948 et 1955» (son passeport indique 1951), dont «le cordon ombilical a été coupé avec les dents par sa mère», une épouse violée et répudiée, qui «a connu la fin et la soif», et finalement étudiant en France après avoir obtenu une bourse en raison de ses excellents résultats au baccalauréat…

Une histoire aussi belle devait être écrite. Mohed Altrad n’a laissé ce soin à personne d’autre, en publiant en 2002 une «autobiographie romancée», Badawi (bédouin en arabe).

Invité par Barack Obama

2015 est décidément l’année de la reconnaissance mondiale pour le patron français, invité par la Maison Blanche à prononcer un discours lors du sommet international des entrepreneurs GES 2015 (Global Entrepreneurship Summit) à Nairobi. «J’ai reçu une lettre très simple de la Maison Blanche me disant que le président Barack Obama souhaitait que je m’exprime lors de ce sommet. Cela surprend et fait plaisir. On a l’impression d’être utile», a commenté Mohed Altrad.

Reconnaissance internationale

Représentant la France parmi les 64 sélectionnés internationaux de 53 pays, Mohed Altrad a reçu le prix EY de l’entrepreneur de l’année, décerné par le cabinet du même nom.

C’est la première fois que ce prix, créé en 1993 et qui met en lumière des parcours et des personnalités rares dans l’entrepreneuriat, récompense un patron français. «Ce prix, c’est la France qui l’a gagné. C’est comme la Coupe du monde de 1998, ce n’est pas Zidane ou Thuram qui l’a gagné, mais l’équipe tout entière», a modestement commenté l’entrepreneur.

Foot contre rugby

Difficile de trouver deux hommes plus différents que Mohed Altrad et le tonitruant président du football montpelliérain, Louis Nicollin, également chef d’entreprise prospère (son groupe réalise 300 M€ de CA). Les deux hommes, qui ne se fréquentent pas habituellement, se sont retrouvés au chevet du club de rugby menacé de faillite en 2011.

Mohed Altrad a investi 4 M€ de son argent personnel et remporté la mise, devant son rival, qui a ravalé sa déception en bougonnant : «Cela m’a permis d’économiser beaucoup de sous». Pas sûr que la pilule soit passée sans difficulté.

Rumeurs syriennes

Mohed Altrad, qui a obtenu une bourse du gouvernement syrien pour venir faire ses études en France, déteste officiellement l’actuel dirigeant de Damas. Pourtant, des rumeurs circulent depuis de nombreuses années sur ses liens avec le clan Assad, qui aurait financé son insolente croissance. Rumeurs qui n’ont jamais été prouvées et que Mohed Altrad se refuse à commenter.

Couscous et pudding

«Le mariage entre le couscous et le pudding, ça peut marcher». C’est avec cette phrase étonnante que l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin a remis la Légion d’honneur à Mohed Altrad en septembre 2014. Une référence pas forcément des plus élégantes aux origines anglaises de sa femme, Anne-Catherine.

Le patron écrivain

Après Badawi et L’hypothèse de Dieu, une réflexion sur la religion, Mohed Altrad a publié en 2012 un conte d’amour oriental, La promesse d’Annah, qui raconte la relation difficile entre un juif et une musulmane.

«Écrire, c’est à la fois une nécessité et un message adressé au pays qui m’a ouvert les bras, qui m’a permis d’être ce que je suis», déclare celui qui ne dort que 3 à 4 heures par nuit pour trouver le temps de sa passion pour l’écriture. Les mauvaises langues prétendent qu’il s’est fait aider, notamment par l’écrivain Jean Rouaud pour son 1er ouvrage.

L’incertitude du sport

Mohed Altrad déclare avoir investi à titre individuel «près de 14 M€» dans le club de rugby de Montpellier. S’il est moins présent que les frères ennemis Jacky Lorenzetti (Racing Métro) et Mourad Boudjellal (Toulon), le président du MRC s’est retrouvé au premier plan après avoir licencié l’entraîneur Fabien Galthié, remplacé par le Sud-Africain Jake White.

Une séparation qui n’a rien d’amiable, puisque le litige entre les deux hommes devra être tranché devant les prud’hommes, avec plusieurs millions d’euros à la clé.

Jardin secret

S’il ne fréquente pas les lieux habituels du gratin de Montpellier, Mohed Altrad sacrifie cependant à un rituel local. Une fois par mois, il dîne au Jardin des Sens, restaurant étoilé des frères Pourcel, dont il apprécie la créativité et l’originalité des mets, l’ambiance chaleureuse et surtout le professionnalisme : «La carte fait 10 pages, et le plat, fait maison, arrive 15 minutes après votre commande. Je suis fasciné par cette capacité à bien faire». On le croise souvent avec ses amis, Jean-Pierre Raffarin, François Léotard ou Pierre Gattaz.

Un mécène secret

Mohed Altrad est très impliqué dans le soutien du Comité de l’Hérault de la Ligue. Peut-être parce que le professeur Henri Pujol, ancien président de la Ligue nationale contre le cancer, est natif de Florensac.

L’entrepreneur a notamment contribué à l’opération «Un jardin extraordinaire» pour la promotion d’une alimentation équilibrée, à la création de  l’Escale Bien-être, un espace pour aider les patients à se reconstruire. Tout aussi discrètement, le patron montpelliérain est impliqué dans une trentaine de projets sociaux locaux.


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