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Pourquoi le RSI est à bout de souffle

Trop lourd, trop lent, trop cher... le Régime social des indépendants (RSI) est considéré comme un «cauchemar» par ceux auxquels il est censé garantir une protection sociale efficace : artisans, commerçants, professions libérales et industriels indépendants,

Entreprendre - Pourquoi le RSI est à bout de souffle

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Trop lourd, trop lent, trop cher… le Régime social des indépendants (RSI) est considéré comme un «cauchemar» par ceux auxquels il est censé garantir une protection sociale efficace : artisans, commerçants, professions libérales et industriels indépendants,

La député UMP Bruno Le Maire, Christian Person, président du Club des Entrepreneurs de Croissance et P-DG fondateur du groupe Umalis et Jean-Guilhem Darré, délégué général du SDI (Syndicat des indépendants) expliquent la colère des indépendants et explorent les pistes qui permettraient de résoudre le désastre su RSI.

Entreprendre > Selon une récente enquête, près de 9 affiliés au RSI sur 10 sont insatisfaits. Comment expliquer un tel rejet quasi unanime ?

Christian Person >

Il est intéressant de noter qu’enfin cette insatisfaction est mesurée objectivement. Nous, entrepreneurs, avions le sentiment jusque-là que personne n’arriverait à comprendre que le RSI était un vrai problème. Le cauchemar des travailleurs indépendants a enfin été dévoilé.

C’est le premier pas vers la résolution des difficultés considérables posées par ce régime. L’entrepreneuriat est basé sur la confiance. C’est le sentiment moteur des entrepreneurs. Or, nous avons perdu confiance dans le RSI. Il faut imaginer le désespoir de ces entrepreneurs qui font ouvrir le courrier du RSI par leurs femmes, présageant qu’une mauvaise nouvelle supplémentaire va s’abattre sur eux. Ce sentiment de déception et de défiance a été renforcé par l’espoir né par les annonces répétées concernant la création d’un système moderne facilitant la vie des entrepreneurs indépendants. Aucun entrepreneur ne peut comprendre que le RSI ait été géré avec tant d’amateurisme à leur détriment.

Jean-Guilhem Darré >

Précisons d’abord que les indépendants sont attachés à leur régime de protection sociale. En exprimant un rejet massif du RSI, ils dénoncent une institution dans l’incapacité d’assurer correctement les services auxquels elle s’engage en contrepartie des cotisations versées. Le RSI réalise ce tour de force de symboliser tout ce que les professionnels indépendants détestent : la lourdeur administrative, l’impossibilité de dialogue, les défaillances dans les missions.

Si tous les professionnels ne sont pas personnellement concernés, 70% d’entre eux ont connu au moins une difficulté depuis la mise en place du RSI en 2008, et chacun connaît un collègue en butte avec le RSI à ce jour. Le RSI a perdu la bataille de la confiance. Il n’est plus audible aujourd’hui, quels que soient les efforts qui ont pu être consentis.

Comme l’a démontré un rapport de la Cour des comptes en 2012, les conditions de mise en place du RSI ont conduit à une «catastrophe industrielle». L’ISU (Interlocuteur social unique) résulte d’une pure volonté politique. Les pouvoirs publics ont imposé sa mise en place à date fixe, le 1er janvier 2008, alors que les organismes en charge de l’ISU n’étaient pas encore prêts, tant sur le plan institutionnel que technique.

Les luttes de compétences entre l’Urssaf et le RSI ont donné lieu à des arbitrages politiques incohérents sur le plan technique. Alors que l’Urssaf et le RSI sont amenés à collaborer très étroitement pour que l’ISU puisse fonctionner correctement, les responsables de ces institutions se sont longtemps ignorés et aucun n’a cédé sur la question de son informatique interne, si bien que les systèmes informatiques sont incompatibles entre eux.

 

Bruno Le Maire >

Si son objectif initial était de simplifier la vie des entrepreneurs indépendants, le régime actuel fait vivre un cauchemar à des milliers de Français, qu’ils soient entrepreneurs, commerçants, artisans ou médecins libéraux. Le problème n’est pas nouveau.

En 2012, la Cour des comptes attirait déjà l’attention sur les problèmes de traitement de dossiers, de recouvrement de cotisations et de remboursement des frais médicaux des assurés.

Et en septembre 2013, une proposition de résolution demandant l’instauration d’une commission d’enquête sur l’organisation et les dysfonctionnements du RSI avait déjà été déposée à l’Assemblée nationale. Car la première chose à faire, c’est de faire un état des lieux précis.

 

Entreprendre > La situation est-elle explosive sur le terrain ?

Christian Person >

Oui ! Nombreux sont les entrepreneurs tentés de se «désaffilier» pour profiter d’une couverture privée plus efficace et moins chère. Quant à l’illégalité de cette désaffiliation, les débats juridiques sont ouverts. Les entrepreneurs ont le double sentiment d’être des moutons et des pigeons face au RSI.

La colère est justifiée. Nombreux sont ceux qui n’ont toujours pas de carte vitale, qui se voient prélever plusieurs fois de sommes indues, ou encore relancés de façon injustifiée. Il faut noter que c’est la Cour des comptes elle-même, et on connaît son sérieux, qui a estimé que ce nouveau régime est encore aujourd’hui moins efficace et plus coûteux que les trois auxquels il a succédé.

Jean-Guilhem Darré >

Le fort mécontentement à l’égard du RSI a amplifié des mouvements de contestation pré-existants avec les réseaux sociaux comme caisses de résonance.

Dans un contexte de difficultés économiques, et au constat des grandes difficultés pour le RSI à assumer ses missions en regard des niveaux de cotisations versées, les professionnels indépendants sont devenus plus sensibles à la question de solutions alternatives. C’est pourquoi on entend beaucoup parler de possibilités de désaffiliation ou du sujet des charges, sujet cependant périphérique au regard du cœur de la problématique du RSI qui reste la question d’une protection sociale fiable et viable pour les indépendants.

Pour autant, les indépendants restent légalistes et nous ne notons pas, parmi nos adhérents, de mouvement d’ampleur pour une désaffiliation.

Bruno Le Maire >

Lors de mes déplacements en province, j’ai rencontré de nombreuses TPE, commerçants, artisans, professions libérales. Tous m’ont dit avoir des problèmes avec le RSI : cotisations exagérées, recouvrements demandés par huissiers, pensions jamais arrivées…

Des dysfonctionnements qui mettent en difficulté des dizaines de milliers de personnes en France.

 

Entreprendre > Le poids du RSI a-t-il des conséquences sur l’activité économique dans son ensemble ?

Christian Person >

Oui, très clairement. André Frossard dans son ouvrage intitulé Les Pensées affirmait : «Dans les guerres, ce ne sont peut-être pas les enfants que l’on vise, mais c’est eux que l’on tue». Nous pourrions, pour décrire au mieux la réalité de ce que vivent les entrepreneurs Français, le paraphraser et constater que «avec le RSI, ce ne sont peut-être pas les entrepreneurs que l’on vise, mais c’est eux que l’on tue».

J’ai la conviction que l’entrepreneur et l’entrepreneuriat doivent être promus avec force parce que l’enjeu est vital pour notre économie. Chacun sait que les entrepreneurs sont effrayés par la situation économique et les prévisions toujours plus compliquées à formuler, mais cet effroi est considérablement aggravé par l’existence de dispositifs tels que le RSI. Il décourage l’entrepreneuriat, l’entrepreneur et donc l’emploi.

La création d’emplois et l’inversion de la courbe du chômage promises ne peuvent dépendre que des entrepreneurs que nous sommes. Il est donc de l’intérêt de tous que les entrepreneurs français retrouvent la foi en leurs institutions et la confiance en l’avenir.

Jean-Guilhem Darré >

Le 1er janvier 2008, au jour de la fusion, 100.000 dossiers ont disparu des systèmes informatiques. Encore à ce jour, les appels de cotisations ne sont pas totalement fiables. Pour préserver ses droits à recouvrement, le RSI utilise les moyens juridiques à sa disposition, à savoir l’émission de contraintes, des procédures par huissiers de justice et des assignations devant le TASS (Tribunal des affaires de Sécurité sociale).

La grande majorité des professionnels concernés est minée psychologiquement par une situation qui les dépasse. Ils n’obtiennent pas d’explications à propos des courriers contradictoires qu’ils reçoivent. La plupart n’arrivent pas à identifier l’origine et les modalités de calcul des sommes réclamées.

Par hypothèse, placés dans un contexte contentieux à l’issue aléatoire pour le paiement de sommes indéterminables, les chefs d’entreprise jouent la prudence et restreignent leurs investissements matériels et humains. D’autres abandonnent la lutte et cessent leur activité.

Bruno Le Maire >

Il est, en effet, nécessaire de quantifier l’impact économique de ces dysfonctionnements sur l’économie française. Il s’agit probablement de plusieurs points de PIB perdus.

 

Entreprendre > Qu’attendez-vous des pouvoirs publics à court terme ?

Christian Person >

Une remise à plat de la situation. C’est pour cela que j’ai soutenu l’initiative portée par Bruno Le Maire et 106 députés afin de demander au président de l’Assemblée nationale la création d’une mission d’information sur le RSI, pour évaluer le dispositif et faire rapidement des propositions législatives.

Cependant, un simple audit ne suffira pas à éteindre l’incendie et c’est bien la question du monopole de la Sécurité sociale qui pose la crise du RSI. Il faut simplifier pour rassurer. Il faut alléger ensuite parce que les indépendants se sentent étouffés par ce régime.

 

Jean-Guilhem Darré >

À court terme, le SDI souhaitait que les pouvoirs publics mesurent l’ampleur des dysfonctionnements du RSI, malgré les statistiques et propos rassurants de ses dirigeants.

Cette première étape aujourd’hui franchie, et au constat des très grandes difficultés de communication entre le RSI et les indépendants, nous demandons la mise en place d’une procédure d’urgence qui pourrait être suivie par toute personne contestant de bonne foi les sommes qui lui sont réclamées par le RSI.

L’objectif serait de pouvoir, à bref délai, disposer d’une explication orale avec une personne compétente en charge d’échanger avec le cotisant sur le bien-fondé de sa contestation. Nous le voyons au niveau de nos services juridiques, beaucoup d’indépendants ont avant tout besoin de savoir comment fonctionnent les appels de cotisation et, dans leur cas particulier, si les sommes réclamées sont exactes.

Compte tenu du déficit de confiance des indépendants à l’égard du RSI, cette action ne peut être gérée en interne par le RSI, cette opération ayant par ailleurs déjà été tentée au travers de plates-formes téléphoniques externalisées difficilement joignables et composées de personnels sans formation ni informations leur permettant de renseigner utilement leurs correspondants. Les pouvoirs publics doivent désigner une ou plusieurs personnes de confiance qui auront le pouvoir d’exiger des réponses fiables en coordonnant les services concernés (Urssaf et RSI).

Les réponses fournies doivent engager la responsabilité de leurs auteurs de façon à éviter la transmission de courriers contradictoires. Pour le court terme, il convient donc d’apporter une réponse fiable, définitive et appuyée par des explications orales, aux interrogations des indépendants qui contestent de bonne foi les sommes qui leur sont réclamées par le RSI, y compris en ce qui concerne les contentieux en cours.

 

Bruno Le Maire >

Le RSI est un organisme doté d’une mission de service public. C’est le rôle des parlementaires de contrôler l’administration et d’évaluer les politiques publiques.

Avec Julien Aubert, nous avons adressé au président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, une lettre ouverte, signée par 117 parlementaires demandant la mise en place d’une mission d’information sur le RSI.

N’ayant pas reçu de réponse satisfaisante, nous allons, en accord avec les présidents des groupes UMP et UDI à l’Assemblée nationale, déposer prochainement une proposition de loi visant à apporter des réponses concrètes aux problèmes des indépendants affiliés au RSI.

 

Entreprendre > À plus long terme, quelle réforme du système vous semble-t-il souhaitable de mettre en place ?

Christian Person >

Outre une réforme de fond du RSI, puis du régime général de la Sécurité sociale, je milite pour que soit donné aux entrepreneurs français le libre choix de leur assurance-maladie et retraite, un choix aujourd’hui entravé par un monopole datant de 1945.

Si des Français sont chaque jour de plus en plus nombreux à quitter la Sécurité sociale pour des régimes d’assurances privées européens, bravant les huissiers des monopoles sociaux, c’est parce qu’ils sont moins chers, plus réactifs et beaucoup plus généreux !

Je veux pousser un coup de gueule dans votre magazine que je sais lu par de nombreux entrepreneurs, notamment ceux de notre club. Mon message va au gouvernement et à tous nos dirigeants. La classe politique doit se réveiller d’urgence et se reconnecter aux réalités du terrain. Ils n’ont pas vu venir le mécontentement des corbeaux contre le dysfonctionnement du Régime social des indépendants. Ils n’ont pas vu venir le mécontentement des pigeons contre le projet du gouvernement de taxer à hauteur de 60,5% la plus-value réalisée par un entrepreneur vendant son entreprise.

Ils n’ont pas vu venir le mécontentement des moutons contre les dysfonctionnements du Régime social des indépendants (RSI) et la hausse de leurs prélèvements. Ils n’ont pas vu venir le mécontentement des poussins contre le projet de réforme de Sylvia Pinel qui prévoyait de modifier le statut d’auto-entrepreneur et de limiter le CA annuel. Idem pour les mécontentements des abeilles, des tondus, des plumés et des déplumés…

Cela fait beaucoup d’attaques en règle contre l’entrepreneuriat qui a besoin qu’on lui offre les conditions d’agir dans un monde caractérisé par une compétition économique redoutable. Tous les États qui nous entourent cherchent à offrir à nos compétiteurs les conditions optimales d’action entrepreneuriale.

Cherchons à favoriser la prise de risques et à encourager les entrepreneurs français, au lieu de les considérer comme des ennemis intérieurs qu’il convient de surveiller, stigmatiser et contrôler.

Jean-Guilhem Darré >

Nous partageons le constat exposé par Manuel Valls le 9 avril dernier, pour qui : «Le RSI (…) est un désastre. Ça ne marche pas».

Le SDI, pour sa part, pose cette affirmation depuis plusieurs années. Il est toujours ressorti de nos échanges avec le RSI, comme avec les pouvoirs publics, que tout était mis en œuvre, ou allait bientôt être mis en œuvre, pour apporter une solution globale, rapide et définitive aux problèmes soulevés.

Nous avons pourtant constaté, sur la base des remontées de terrain de nos adhérents, que nous étions très loin d’un système, sinon optimal, du moins en capacité de rendre un service fiable. Le SDI ne croit plus dans la capacité de l’ISU à remplir ses objectifs de simplification en l’état et considère le RSI comme inapte à remplir son rôle, tant d’un point de vue factuel que subjectif au regard de la perception extrêmement dégradée du RSI que peuvent en avoir les professionnels indépendants.

L’ISU est affecté d’un vice caché lié à son organisation même dans le partage complexe des rôles entre les Urssaf et le RSI. C’est pourquoi le SDI propose d’unifier la gestion de la protection sociale des indépendants au sein des Urssaf, bien entendu à niveaux de cotisations inchangés.

 

Bruno Le Maire >

Ce sera le rôle de la mission d’information de proposer des améliorations au système actuel. Personnellement, je pense que réformer le RSI de l’intérieur n’est pas la bonne solution. Sans préjuger des discussions à venir, il faudra sans doute le rattacher au régime général.


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