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Retraites : faut-il aligner le public et le privé ?

Une grande réforme des retraites devra être finalisée par le Gouvernement d’ici l’été 2019. Emmanuel Macron l’a encore rappelé récemment : l’objectif consiste en un choc de lisibilité et de simplification pour permettre à tous les affiliés de comprendre en temps réel où ils en sont de leurs droits à la retraite, et pour ne pas pénaliser ceux qui n’ont pas de carrière linéaire et qui sont passés d’un statut à un autre. Pour y parvenir, il n’aura pas d’autres choix que de rapprocher les systèmes de retraite privé et public.

Entreprendre - Retraites : faut-il aligner le public et le privé ?

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Une grande réforme des retraites devra être finalisée par le Gouvernement d’ici l’été 2019. Emmanuel Macron l’a encore rappelé récemment : l’objectif consiste en un choc de lisibilité et de simplification pour permettre à tous les affiliés de comprendre en temps réel où ils en sont de leurs droits à la retraite, et pour ne pas pénaliser ceux qui n’ont pas de carrière linéaire et qui sont passés d’un statut à un autre. Pour y parvenir, il n’aura pas d’autres choix que de rapprocher les systèmes de retraite privé et public.

Selon les données que l’iFRAP s’est procurées auprès du ministère des Affaires sociales, on obtient les résultats suivants (échantillon de 4 000 enregistrements) : l’application des règles du privé aux agents de la fonction publique représente un différentiel de pension (moindre pension) de 21 % en moyenne sur les 3 générations étudiées.

Alors que l’application des règles de la fonction publique conduit en moyenne à une retraite de 27 847 € sur l’échantillon considéré, elle ne serait que de 21 975 € par an avec les règles du privé. Ce calcul s’entend sans tenir compte des primes perçues pendant la carrière de l’agent puisqu’elles ne sont pas soumises à cotisations.

Cet écart doit conduire à remettre à plat le régime de pension de la fonction publique. Au-delà de ces mesures, la réforme systémique doit permettre de repousser l’âge de la retraite, pour nous aligner sur nos voisins européens (65 ans) et de revoir l’organisation complexe des régimes et des caisses qui pèsent sur les coûts de gestion (de l’ordre de 5 à 6 € d’euros de coûts par an).

Les retraites obligatoires: une organisation devenue illisible avec ses dizaines de caisses et de lourds coûts de gestion.

La réforme systémique voulue par l’exécutif doit être placée sous le signe de l’équité: revoir les différences entre régimes privés et publics; une remise à plat qui doit permettre près de 3 milliards d’euros d’économies par an d’ici 2030.

Cette réforme doit être également placée sous le signe de la transparence, la Fondation iFRAP propose un calendrier et une nouvelle architecture du système de retraites : un régime unique en points qui tienne compte des gains d’espérance de vie en relevant l’âge de la retraite à 65 ans (13,8 milliards d’euros d’économies pour le système de retraite d’ici 2025) ; un système réellement contributif qui tienne compte de la carrière complète.

RETRAITE : LE MILLEFEUILLE FRANÇAIS

Avec un peu plus de 26 millions d’actifs cotisants face à 17 millions de retraités, les régimes légalement obligatoires représentent près de 310  milliards d’euros de dépenses1 . Depuis 1945, le système de retraites français ressemble à un véritable millefeuille. La retraite est composée de régime de base et de régimes complémentaires obligatoires c’est-à-dire comptabilisés dans les dépenses publiques.

On cite fréquemment 37 régimes de base et plus de 100 régimes complémentaires, relevant le plus souvent du paritarisme de gestion, avec en interface des centaines de caisses employant un personnel important entraînant de lourds coûts de gestion. On les chiffre entre 4 et 6 milliards d’euros , ce qui n’est pas négligeable rapportés à d’autres pays.

L’augmentation considérable de l’espérance de vie à la retraite confrontée à la baisse de la productivité, a accéléré le déclin de nos régimes de retraite par répartition sans réserve suffisante pour faire face à ces défis. À la création des régimes, en 1945, l’âge de la retraite était de 65 ans, avec une durée de versement de 10 ans en moyenne. Aujourd’hui, l’âge moyen de départ à la retraite est de 62 ans et la durée potentielle de versement des rentes de plus de 25 ans, sans compter la réversion ! La France se singularise d’ailleurs par sa dernière place dans le classement de l’OCDE s’agissant de l’âge moyen constaté de sortie du marché du travail, à un peu plus de 60 ans, là où les autres pays sont en moyenne à 65 ans.

Réformer les retraites : les étapes déjà franchies

Selon l’OCDE, « la France se situe, avec la Grèce et le Japon, dans le trio de tête des pays où les systèmes sont les plus fragmentés, [avec un] nombre de régimes différents extrêmement élevé ». Certes, des progrès ont été accomplis. L’information sur les droits s’est progressivement enrichie de la possibilité de liquider auprès d’un seul point de contact les droits à la retraite acquis auprès de différents régimes (régimes alignés uniquement). Cette nouvelle étape doit être renforcée avec la mise en place d’un répertoire de gestion de carrières unique (RGCU).

La réforme des retraites de 2014 a également instauré la Lura (Liquidation unique de retraite de base des régimes alignés) qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2017. Sont concernés les polypensionnés, c’est-à-dire ceux qui auront cotisé à au moins deux régimes de base obligatoires (Cnav, MSA, RSI).

Promue comme une mesure de simplification et d’équité entre les mono et les polypensionnés, cette réforme modifie le calcul des retraites des polypensionnés et peut amener à une importante diminution des retraites, en particulier pour les grands cotisants, avec des cotisations « à fonds perdus » . Ces réformes qui ont en commun d’avoir su mettre en œuvre une simplification utile pour l’affilié et une convergence des règles entre régimes, ne sont qu’une simplification de façade car elles ne s’attaquent pas à l’empilement des régimes ni à la multiplicité des caisses.

LE DIFFÉRENTIEL PUBLIC/PRIVÉ

Le constat

Les règles applicables aux salariés du privé diffèrent encore de celles appliquées aux agents de la fonction publique et, dans une certaine mesure, de celles appliquées aux salariés des régimes spéciaux (SNCF, RATP). De nombreuses règles diffèrent encore : salaire de référence et taux de liquidation, réversion, majoration pour enfants, surcote, catégories actives, bonifications…

Il y a cependant une différence plus importante encore : dans le cas des régimes publics, il s’agit de régimes à prestations définies. La retraite est fonction du salaire de fin de carrière tandis que dans le privé la retraite est fonction des cotisations versées. Cela signifie que la retraite des fonctionnaires est décorrélée des cotisations versées et que le niveau de retraites des fonctionnaires est beaucoup plus « aléatoire » que dans le privé. Rapprocher le fonctionnement des deux systèmes est donc indispensable mais s’avère difficile.

Les résultats de l’étude réalisée par l’iFRAP

On retient que la pension moyenne serait inférieure de 21 % à celle obtenue avec le régime de la fonction publique.

Il y a donc un gain potentiel d’économies qui certes sera faible dans un premier temps (uniquement sur ceux qui partiront à la retraite l’année n) mais se cumulera dans le temps. Ce gain sera de l’ordre de 300 M€ pour la FPE en 2025 et de 1 Md€ en 2030. Pour les trois fonctions publiques, il serait de 600 M€ en 2025 et de 2 à 3 Mds€ en 2030.

PROPOSITIONS POUR LA RÉFORME DES RETRAITES

Le calendrier

Les modalités de transition des régimes de la fonction publique

Il est nécessaire de créer une caisse de retraite pour les fonctionnaires d’État, seule solution pour clarifier le système. Elle pourrait aussi permettre un rapprochement avec la CNRACL.

La cristallisation permettra de calculer une pension de transfert selon les règles du public et convertir cette pension en valeur monétaire en points sur la base de la cotisation d’achat. Toutes les rémunérations seront soumises à cotisation, ce qui signifie y compris leurs primes durant le reste de leur carrière pour les agents publics.

La suppression des différents avantages (catégories actives, réversion, bonifications, etc.) représente également un potentiel d’économies important dans le futur système de retraites.

Les bonifications qui permettent actuellement de majorer la durée d’assurance et donc d’atteindre plus rapidement le taux plein, représentent 32 millions d’euros. Le dispositif de la surcote qui s’applique pour les agents publics sur la totalité de la retraite alors qu’elle ne s’applique que sur la part Cnav dans le privé coûte, elle, 78 millions d’euros. Les règles de la réversion sont également plus généreuses puisqu’il n’y a pas de condition d’âge pour la percevoir. Il n’y a pas non plus de condition de ressources comme c’est le cas pour les pensions de la Cnav.

De même, il serait nécessaire de revenir sur la majoration de retraite pour 3 enfants et plus: celle-ci n’est pas plafonnée à 10  % comme dans le régime général. Une règle qui représente un surcoût de 234 millions d’euros selon nos calculs. Enfin, il convient de revoir sérieusement le principe des catégories actives. : Reporter l’âge au minimum à 62 ans représenterait une économie de 2,7 milliards d’euros pour les trois fonctions publiques, 1,5 milliard pour la seule fonction publique d’État.

Si toutes ces dispositions sont revues à partir de 2019, c’est un potentiel total de 2,2 milliards d’économies en 2022 et de 3,3 milliards d’euros d’économies en 2025.

CONCLUSION

La réforme systémique que le président de la République a promise pendant la campagne est non seulement faisable mais aussi nécessaire. Elle doit être l’occasion de dessiner un nouveau modèle de protection sociale pour le risque vieillesse, basé sur la solidarité au sein d’un régime unique par répartition qui tiendra compte du vieillissement de la population, complété par un vrai régime en capitalisation obligatoire.

Cette réforme doit passer par un alignement des régimes publics et privés. Le préalable à un régime unique est que tous les Français soient sur un pied d’égalité. Or les régimes à prestations définies, comme ceux de la fonction publique, sont des régimes à droits certains, tandis que les régimes du privé, particulièrement les régimes en points, sont des régimes à droits conditionnels, c’est-à-dire qui s’ajustent à l’espérance de vie.

Il semble donc important de faire progresser les systèmes de retraites vers plus d’équité et de transparence. Équité entre les régimes publics et privés, car les règles en vigueur actuellement montrent que le régime public est en moyenne plus généreux et financé de façon croissante par le budget général de l’État. Cette solidarité croissante de la contribution publique implique d’achever la convergence entre les régimes pour aller vers un « vrai régime général » et pose à terme la question du statut pour les fonctionnaires.

Et transparent, car il apparaît que du côté des régimes privés, les règles de plafonnement du salaire de référence et d’indexation des salaires pris en compte dans les 25 meilleures années, ont certes été très efficaces pour limiter le poids des pensions dans le PIB, mais ont complexifié le système de retraites. Au-delà de cette convergence dans les principes de fonctionnement, il y aura potentiellement des économies.

Cette réforme doit être associée au message selon lequel les Français devront travailler plus longtemps, sans quoi le système ne sera pas tenable. Le relèvement de l’âge doit intervenir rapidement pour que notre pays rejoigne la moyenne européenne. Seul le régime de base est en annuités mais ce type de conversion a déjà été effectué par le passé (CNAVPL).

Pour les régimes de la fonction publique et certains régimes spéciaux, il faudra faire un choix : soit cotiser sur toutes les primes, sachant que c’est la règle pour les salariés du privé, soit diminuer le rendement des retraites. Le basculement dans le nouveau régime ne doit pas créer de déficit additionnel pour l’État : il y aura un adossement du régime de l’État sur le « nouveau régime général » comme c’est le cas actuellement pour EDF.

En clair, cela signifie que la différence entre les cotisations payées et le poids des retraites des agents publics sera compensée par l’État, compensation qui s’éteindra progressivement dans le temps. Au-delà de ces mesures, la réforme systémique doit permettre de revoir l’organisation complexe des régimes et des caisses qui pèsent sur les coûts de gestion (de l’ordre de 5 à 6 milliards d’euros).

Il est certainement nécessaire de préparer très en amont la réforme à venir et il y aura des coûts de fusion au départ élevés. Ces grands projets coûtent cher (voir la mise en place de la plateforme Usine retraite à l’Arrco-Agirc qui a coûté près de 1 milliard d’euros ou encore le projet Chorus qui a coûté également 1 milliard d’euros ; le répertoire de gestion des carrières unique mis en place par la Cnav coûterait lui déjà près de 200 millions d’euros), cependant les gains à terme seraient considérables, tant pour les gestionnaires du système (même sans un gestionnaire unique) que pour tous les affiliés: cotisants, retraités et entreprises.


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