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Ukraine : après la guerre, le temps de la diplomatie ?

Les données de la guerre en Ukraine n'ont pas fondamentalement changé depuis un an (cf. infra: interview du 7/07/2023); il importe de les rappeler alors que la guerre en Ukraine a actuellement quasiment disparu de nos écrans radars.

Entreprendre - Ukraine : après la guerre, le temps de la diplomatie ?

Il était alors affirmé que les scénarios militaires détermineraient la sortie de crise. La guerre d’agression, quelles qu’en soient les motivations, avait naturellement entraîné une réaction de Kiev; la Charte de l’ONU avait été violée et le système international s’en était trouvé perturbé; une guerre de haute intensité sur le continent européen ne pouvait pas ne pas handicaper la prospérité et le développement de l’Europe.

Mais le contexte avait déjà changé, plus d’un an après le début du conflit: si les Ukrainiens n’avaient pu aller au bout de négociations, « le révolver sur la tempe », une contre-offensive de leur part ne laissait pas augurer d’un succès; la puissante artillerie russe et la maîtrise du ciel par la Russie devaient être prises en compte; une lassitude de l’opinion (« war fatigue ») se faisait jour aux Etats-Unis comme en Europe; le coût de la guerre, tout autant que celui prévisible de la reconstruction, commençaient à apparaître comme des charges insupportables pour les soutiens de Kiev.

Vers la voie diplomatique ?

Des initiatives diplomatiques pointaient ça et là (cf. Chine, Afrique) qui, conjuguées, faisaient naître l’espoir de parvenir à un résultat. Les débats du G7 à Hiroshima avaient confirmé que les Etats-Unis s’étaient fixés des limites à ne pas dépasser; du côté russe, la question de la Crimée était une ligne rouge implicite, dévoilée par des déclarations plus que subliminales sur l’emploi éventuelle de l’arme nucléaire tactique. La France, qui s’était efforcée en amont de la crise, de préserver des canaux de communication avec Moscou, avait peut-être envisagé des négociations de manière prématurée et ne s’engageait plus vraiment quand il l’aurait fallu pour éviter l’enlisement ou pire l’escalade. Revient-on désormais à une voie diplomatique alors que vient de se tenir une première conférence internationale en Suisse ?

La guerre en Ukraine a profondément affecté la prospérité de l’Europe et perturbé ses mécanismes, au-delà même des Traités qui la régissent. Cela n’est pas tenable. « L’Otanisation » de l’Europe – après le diagnostic contraire de la « mort cédébrale » -, avec notamment l’adhésion de la Finlande et de la Suède, ne peut que ruiner les projets d’une « autonomie stratégique européenne » à terme qui ne se l’imiterait d’ailleurs pas aux questions militaires, mais engloberait aussi les hautes technologies. Il faudra également tenir compte dans la révision du système international, sinon sa refonte, des nouveaux pôles de puissance: ceux-ci considèrent le conflit en Ukraine comme une guerre parmi d’autres et ont des intérêts propres; ils aspirent aussi – légitimement – à un élargissement du Conseil de sécurité de l’ONU.

Dans la négociation qui se profile sur l’Ukraine, le discours de Kiev sur le recouvrement total de sa souveraineté est connu. La Russie, de son côté – absente de la conférence en Suisse, parce qu’elle n’y avait pas été invitée -, a abattu quelques cartes par la voix du président Poutine: Moscou demande le retrait de l’armée ukrainienne de quatre entités du Donbass; elle exige également le renoncement de l’Ukraine à une adhésion à l’OTAN et la neutralisation du pays; elle n’évoque aucunement la Crimée.

Ces positions de la Russie sont d’ailleurs conformes non seulement à celles qui avaient été exposées lors de la réunion d’Istanbul de mars 2022 – et, semble-t-il, acceptées tout au moins pour partie par Kiev (cf. Renoncement à l’OTAN) mais aussi à des positions plus anciennes de Moscou : alors que le torchon brûlait déjà entre les deux pays, dès la fin de l’Union soviétique, le président Eltsine, dans  un accès de rage, avait menacé l’Ukraine d’absorber la Crimée et certaines entités du Donbass.

Patrick Pascal
Patrick PASCAL est ancien ambassadeur et président du Groupe ALSTOM à Moscou pour la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie. Il est fondateur et président de « Perspectives Europe-Monde ». Sa carrière diplomatique a été centrée sur les questions Est-Ouest et Nord-Sud, l’ONU, le monde arabe, l’Europe et l’Asie centrale, à Berlin, Rome, New York, Moscou, Riyad, Damas, Londres et Achkhabad.


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