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À Dijon, le groupe familial Urgo soigne sa croissance


C’est à l’origine une petite herboristerie créée à Dijon à la fin du XIXe siècle par deux hommes, Eugène Fournier et Pierre Bon. Et le début d’une histoire née au cœur de la Bourgogne où le groupe Urgo est toujours implanté. Le petit commerce vit en dents de scie jusqu’en...

De gauche à droite, Guirec, Tristan et Briac Le Lous

C’est à l’origine une petite herboristerie créée à Dijon à la fin du XIXe siècle par deux hommes, Eugène Fournier et Pierre Bon. Et le début d’une histoire née au cœur de la Bourgogne où le groupe Urgo est toujours implanté. Le petit commerce vit en dents de scie jusqu’en 1942, année durant laquelle les Laboratoires Fournier, spécialistes de l’adhésif, achètent l’entreprise et la sauvent de la faillite.

Mais ce n’est qu’en 1958 que l’entreprise change de dimension et devient la marque Urgo, entièrement dédiée au pansement. Et ce, sous l’impulsion de Jean Le Lous, alors pharmacien à la tête des Laboratoires Fournier de Dijon, qui gardait en mémoire les pénuries de pansements de la Seconde Guerre mondiale et souhaitait doter la France d’une filière industrielle dans ce domaine. Le décollage décisif date de 1973 et permet au Laboratoire Urgo de s’affirmer comme le premier partenaire des familles avec le lancement de son pansement « plein de trous », qui facilite la respiration de la plaie. Quelques années après, un slogan est lancé : « il y a de l’Urgo dans l’air, il y a de l’air dans Urgo ». Il restera dans la mémoire collective publicitaire.

Le temps de la croissance et de la ruée vers le monde

C’est ensuite Hervé Le Lous qui embrasse l’héritage de son père. Il lance Juvamine, dont le slogan, « Si juva bien, c’est Juvamine ! », rejoint celui d’Urgo dans le panthéon publicitaire. Cette marque mythique de la démocratisation des vitamines en vente libre devient l’une des premières sociétés du Groupe Urgo dans son organisation actuelle. Hervé Le Lous entreprend en parallèle une transformation structurelle du groupe, en en faisant un laboratoire innovant et, dans le même temps, le fait rapidement prospérer. Les années 1990 sont ainsi celles des acquisitions et de la croissance externe avec le rachat de plusieurs marques du paysage pharmaceutique français, comme Mercurochrome en 1996, Marie-Rose et Super Diet en 1997.

Cette tendance se poursuit dans les années 2000 avec l’achat d’Herbesan, OM3 et Alvityl en 2007, puis de l’alcool de menthe Ricqlès en 2008 et du charbon végétal Belloc en 2009. Aujourd’hui, le groupe conserve ainsi plusieurs des plus fameuses marques du marché dans son épais portefeuille, dont Humex, Juvamine ou encore Mercurochrome. Des incontournables de l’armoire à pharmacie, identifiés par les Français et partenaires essentiels de leur quotidien. Les années 1980 sont aussi celles de la projection internationale du groupe, qui consolide ses positions dans le monde, avec de premières implantations en Allemagne, puis en Asie dans les années 1990.

Cette tendance se poursuit dans les années 2000 et Urgo multiplie les implantations en Europe et plus récemment en Amérique latine, en Australie et en Amérique du Nord. Depuis 2010, le groupe réalise près d’une acquisition par an. Avec 20 filiales et des produits distribués dans 60 pays, la stratégie est payante et Urgo est désormais une marque internationalement reconnue. Cette croissance, qui permet au groupe de compter aujourd’hui 2000 marques enregistrées, se fait pourtant sans sacrifier l’ADN familial de l’entreprise. Le groupe a instauré une présidence familiale alternée tous les 3 ans, entre les trois fils d’Hervé Le Lous : Briac, Tristan et Guirec. C’est ainsi désormais Tristan qui est à la tête d’Urgo.

Et toujours, l’innovation comme ADN

56 ans ont passé depuis le premier pansement commercialisé. Il faisait, à l’époque, déjà figure de petite révolution. Et désormais, l’innovation est le cœur du réacteur de la machine Urgo et de ses 200 collaborateurs chercheurs, cliniciens et ingénieurs qui s’y consacrent chaque jour et déposent une quinzaine de brevets par an. Pas le choix, dans un écosystème ultraconcurrentiel. Parmi eux, le projet Genesis, qui promet la création d’une peau artificielle d’ici 2030 en collaboration avec Dassault Systèmes, l’Établissement français du sang et deux laboratoires. Le tout, financé par Bpifrance à hauteur de 22,8 millions d’euros. Le projet global est, quant à lui, estimé à 100 millions d’euros. En tout et pour tout, le groupe Urgo s’est engagé à un plan d’investissement de 300 millions d’euros en faveur de la R&D et 80 millions dédiés à l’industrie sur la période 2020 – 2030.

Parmi les réussites marquantes, UrgoTul, un pansement qui n’adhère pas à la plaie ou encore UrgoStart, qui réduit la durée de cicatrisation, dont les résultats ont permis à Urgo de recevoir les louanges d’une publication dans le Saint des Saints de la littérature scientifique, la revue britannique The Lancet, et de se voir récompensé du prix Galien. Citons encore le casque UrgoNight, pour améliorer le sommeil, primé au CES de Las Vegas, édition 2020. Quant au tournant numérique, il est aussi pris à bras le corps. Depuis une dizaine d’années, Urgo teste et lance plusieurs applications à destination des professionnels de santé pour les aider dans leur tâche quotidienne et encourager le partage d’informations, comme Healico, reconnue meilleure innovation e-santé de l’année 2021.

En Bourgogne, Urgo est toujours à la maison

Malgré sa croissance hors norme, le groupe Urgo est attaché à son identité bourguignonne. En 2025, le groupe prévoit ainsi de déménager sa division Healthcare dans le centre Dauphine nouvellement réhabilité, au cœur de Dijon, tout en maintenant son siège de Chenôve (agglomération de Dijon), consacré à Urgo Medical. Avec une structure industrielle à Chevigny-Saint-Sauveur, son centre de distribution à Gevrey-Chambertin et la construction d’un nouveau centre à Ouges, Urgo maintient 1 300 de ses 3 600 salariés dans la métropole de Dijon, où il est le premier employeur privé.

Victor Cazale

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