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À la Réunion, les fréquences télécoms déchaînent les passions


La nouvelle est tombée. Le 24 mai 2022, l’autorité de régulation des télécoms (ARCEP) a attribué les très stratégiques fréquences basses à la Réunion et Mayotte. Si Orange, SFR et Free s’en sortent le mieux, l’opérateur réunionnais Zeop Mobile, grand perdant des enchères, n’obtient que le plus petit bloc possible...

Entreprendre - À la Réunion, les fréquences télécoms déchaînent les passions

La nouvelle est tombée. Le 24 mai 2022, l’autorité de régulation des télécoms (ARCEP) a attribué les très stratégiques fréquences basses à la Réunion et Mayotte. Si Orange, SFR et Free s’en sortent le mieux, l’opérateur réunionnais Zeop Mobile, grand perdant des enchères, n’obtient que le plus petit bloc possible de fréquences dans la bande des 700 MHz et se désole d’une procédure d’attribution qu’il juge trop favorable aux gros opérateurs. Un destin qui pourrait bien être partagé par les autres petits opérateurs des départements et régions d’outre-mer, déjà peu dotés en entreprises locales sur des secteurs aussi stratégiques.

Comme en métropole, dans les DROM aussi, la concurrence entre les acteurs des télécoms bat son plein. Sur l’île de la Réunion, quatre acteurs se disputent ainsi un marché de plusieurs centaines de milliers d’usagers. D’un côté, les géants que sont Orange, Free et SFR. De l’autre, le petit opérateur familial local Zeop Mobile, filiale d’Océinde, qui s’est engouffré sur le marché de la téléphonie mobile réunionnaise en 2016, grâce à une politique d’ouverture du secteur à la concurrence, réalisée sous l’impulsion de l’ARCEP. Acteur historique de la Réunion, ZEOP y a de longue date, ciblé une grande partie de ses investissements. L’opérateur s’est ainsi illustré comme un pionnier de la technologie Fiber to the Home (FTTH), permettant à l’île d’accéder au titre enviable de « premier département fibré de France, après ceux de la région francilienne ».

Les fréquences basses, le nerf de la guerre

Si elles déchaînent les passions et les ambitions, c’est parce que les fréquences basses sont, dans le domaine de la téléphonie mobile, particulièrement stratégiques. En effet, leurs propriétés de propagation leur permettent d’augmenter la couverture d’un opérateur mobile avec moins d’antennes relais, ce qui les rend moins chères à déployer, et de pénétrer plus efficacement à l’intérieur des bâtiments. En bref, disposer de fréquences basses, c’est bénéficier d’un avantage concurrentiel indéniable. À l’inverse, un opérateur mobile qui ne dispose que de fréquences hautes devra déployer plus d’antennes que ses concurrents, ce qui augmentera par définition ses coûts. Pas étonnant donc que, dans ce contexte, les fréquences basses aient fait, ces derniers mois, l’objet d’une bataille rangée entre les différentes entreprises opérant sur l’île de la Réunion.

Une procédure pointée du doigt

Pour la première fois dans l’histoire de l’île et d’un département ultra-marin, l’ARCEP a décidé d’attribuer les lots de fréquences basses aux enchères. Une procédure qui, selon Zeop Mobile, désavantage fortement les plus petits acteurs, dont les capacités financières sont plus modérées que les multinationales du secteur, ce qui les empêche de s’aligner sur les standards des plus gros opérateurs.

Une prophétie qui s’est malheureusement réalisée pour l’opérateur réunionnais : au terme de ces enchères, et bien qu’elles aient été au « second prix », — chaque lot étant attribué au plus offrant, mais au prix donné par le deuxième plus offrant — Zeop Mobile, qui ne bénéficiait d’aucune fréquence basse avant le lancement de la procédure, n’a obtenu aucun des 2 lots de 5 MHz mis aux enchères. Il n’a obtenu que le plus petit lot possible, soit 5 MHz. Zeop Mobile devra donc désormais faire face à des concurrents qui disposent chacun d’un portefeuille de fréquences basses (700, 800 et 900 MHz) cinq à six fois plus important. Les débits s’en ressentiront automatiquement et l’opérateur affirme qu’il sera handicapé sur plusieurs années. Plus inquiétant pour les petits opérateurs ultramarins : ce mode d’attribution des fréquences aux enchères devrait se dupliquer, à terme, dans l’ensemble des DROM et ainsi fragiliser davantage tous les acteurs locaux.

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