Le 1er opérateur hôtelier européen et 6ème mondial accélère sa transformation, visant le triplement rapide de son offre sur AccorHotels.com, et déclare la guerre à Booking.com.
Fin juin 2015, AccorHotels ouvrait sa plate-forme de distribution Internet aux hôteliers indépendants. Une petite révolution dans la continuité du plan global initié par son P-DG depuis l’été 2013, Sébastien Bazin, 53 ans, ex-Colony Capital, qui a déjà permis au groupe de faire progresser son résultat net de 77%, à 223 M€.
Surtout, la nouvelle version d’AccorHotels.com et son application sur mobile s’inscrivent dans le virage digital voulu par le P-DG, incontournable pour faire face à la main mise des OTA (Online Travel Agencies), notamment les mastodontes Booking et Expedia qui dominent le marché.
Pourquoi maintenant ?
225 M€ sur 5 ans, tel est le montant de l’investissement que le géant hôtelier aux 17 marques (Sofitel, Pullman, Mercure, Adagio, Ibis, HotelF1…) consacre au numérique pour faire face à la montée des sites de réservations hôtelières. Jusqu’à présent, AccorHotels.com utilisait les OTA comme un canal complémentaire à ses canaux directs.
Mais la récente évolution des stratégies de Booking.com et d’Expedia oblige aujourd’hui le groupe à revoir sa copie. «L’acquisition par Expedia de Travelocity, Orbitz, Wotif et sa prise de participation chez Despegar, et celle par Booking.com de Buteeq, hotelninja.com, Rocketmiles, Open Table et Price Match montrent leur volonté pour le premier de contrôler les flux de clientèle achetant sur le Web et pour le second d’élargir son influence sur les hôtels», explique Jean-Luc Chrétien, directeur des services digitaux d’AccorHotels.
«Il était donc nécessaire pour AccorHotels de définir une stratégie lui permettant de renforcer de manière significative sa présence sur lnternet en développant l’attractivité et la puissance de sa plate-forme de réservation, afin de maintenir des taux de croissance importants, conserver un bon équilibre dans sa relation avec les OTA et contrôler les volumes d’affaires qu’il réalise avec ces partenaires».
Le groupe, qui réalise 35% de ses ventes sur Internet (dont 15% par smartphone), 18% via ses sites maison et 17% par l’intermédiaire des agences en ligne (Booking, Hôtels.com…), espère à terme atteindre 40% de réservations sur téléphone mobile avec le lancement d’une nouvelle version de l’application mobile unique AccorHotels.
La qualité vs la quantité
AccorHotels, fort de 3.700 hôtels, entend porter d’ici fin 2018 son offre à plus de 10.000 établissements dans 80 pays et 328 villes. Pas question pour autant d’ouvrir la plate-forme au tout-venant. «Il est important que les hôtels retenus correspondent aux niveaux d’exigences que nos clients attendent et soient cohérents avec les valeurs de qualité d’AccorHotels», prévient Jean-Luc Chrétien.
«Nous utiliserons les notes Trip Advisor car elles constituent à ce jour un référent quasi universel pour les internautes. Par ailleurs, à la différence des OTA, chaque hôtel sélectionné sera visité par un représentant de Fastbooking [spécialiste des solutions de réservation en ligne, acquis par le groupe en avril, NDLR], afin de s’assurer de la véracité des informations communiquées par l’hôtelier».
Et pour cause, en interrogeant sa clientèle, AccorHotels a eu la confirmation que l’hyper-choix n’était ni gage de qualité ni de nature à répondre à leur principale préoccupation au moment de réserver pour être sûr de faire le bon choix. «Pour des voyageurs voulant se rendre à Barcelone, 11 hôtels Accor ne répondent pas nécessairement à tous leurs besoins, mais 1.500 hôtels comme on les trouve sur Booking.com ne facilitent pas non plus le choix. Nous pensons que 100 à 150 hôtels constitueront une offre plus équilibrée, rassurante et donc attractive», assure le directeur.
Maillage mondial
Pour les indépendants sélectionnés, le commissionnement s’établira à des taux compris entre 12 et 15% selon les pays, soit 30 à 50% moins chers que ceux pratiqués par OTA.
«N’ayant pas la même logique de distributeur qu’eux et partant d’une plate-forme qui bénéficie déjà de 200 millions de visiteurs uniques annuels, nous pouvons et devons proposer un taux plus bas. Par ailleurs, l’hôtelier pourra participer en tant qu’hôtel partenaire au programme de fidélité d’AccorHotels, et donc attirer nos porteurs de cartes AccorHotels Le Club. Il accédera également au catalogue des services de Fastbooking qui propose des outils technologiques et des services de Web marketing capables d’aider les indépendants à développer leurs ventes en ligne sur leurs propres sites», insiste encore Jean-Luc Chrétien.
Pour atteindre les 10.000 adresses dans le monde, AccorHotels entend se concentrer sur les destinations prioritaires et populaires, tant en loisirs qu’en affaires, pour les voyageurs des marchés émetteurs sur lesquels le groupe est d’ores et déjà un leader en matière de trafic et de ventes Internet, notamment la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Brésil et l’Australie.
Selon Jean-Luc Chrétien, «les premières destinations visées sont Paris, la Côte d’Azur et les Alpes en France ; Venise, Rome, Milan, la Toscane et Naples en Italie ; Londres en Angleterre ; Munich et Berlin en Allemagne ; Barcelone et la Costa Dorada, l’Andalousie, Madrid et les Baléares en Espagne ; Bangkok, Phuket, Pattaya, Chiangmai et Koh Samui en Thaïlande. Viendront ensuite progressivement, à partir de 2016, 80 autres pays dont le Brésil, les USA, le Japon, la Malaisie…».
Une décision qui va faire boule de neige en Europe
Booking.com met fin à ses clauses abusives décriées par les hôteliers français. Cette décision, qui a pris effet le 1er juillet, fait suite à une plainte déposée par l’Umih, le principal syndicat d’hôteliers, en 2013 à l’encontre de l’américain Booking, le leader du marché des réservations hôtelières sur Internet en Europe (8,4 Mds$ de CA pour le groupe Priceline auquel il appartient, 750.000 nuitées réservées chaque jour à travers le monde), mais aussi des 2 autres acteurs du secteur, l’américain Expedia (leader aux USA, 5,7 Mds$) et l’allemand HRS, dont l’instruction se poursuit précise l’Autorité de la concurrence.
Booking fait également l’objet de poursuites dans plusieurs autres pays européens. En février, AccorHotels s’était joint aux saisines en cours au motif d’abus de position dominante.