Par Didier Pitelet, CEO Henoch Consulting, MoonPress, studioMP2
Tribune. L’effet miroir de la pause imposée par la pandémie nous a permis de nous retrouver face à nous-mêmes. Les jeux de rôles sociétaux, le chef, le cadre, l’ouvrier, le chômeur, l’étudiant, ont cessé. Tous confinés, on ne pouvait plus assumer le rôle pour lequel on est payé tant ceux du quotidien se sont mêlés les uns aux autres ; s’occuper des enfants en sautant d’une visio à une autre, préparer les repas tout en rédigeant le mémo tant attendu, sortir Medor avant d’enchainer un call…
La suppression du clivage artificiel, vie privée, vie professionnelle, a mis en exergue le fait essentiel à savoir que notre métier ne nous définissait pas, il n’est qu’un rôle. De même le temps dont la réalité est de nous filer entre les doigts, n’est que ce que l’on décide d’en faire. Les addicts au tout boulot ont découvert que leur existence était potentiellement infiniment plus riche et que ce qu’ils croyaient être les symboles d’une vie réussie ne sont que des moyens de vivre artificiels et non la vie.
En égrenant les chiffres quotidiens des décès, la communication gouvernementale a entretenu une peur mais surement, sans le vouloir, elle a aussi ouvert une opportunité de conscience face à notre propre finitude. Cette conscience a pris plusieurs formes, la vertu du télétravail, l’absurdité des temps de transports dans les métropoles, le lien social authentique face aux liens artificiels des discours corporate sur le capital humain…
Contre tous les discours politiques et syndicaux, elle a remis concrètement l’humain au cœur de tout. Il y a fort à parier toutefois, qu’il n’y aura aucun grand soir en humanité dans les entreprises, il faut dés à présent rattraper ce qui a été perdu, comme s’il suffisait de le décréter. De fait les mesures seront plutôt inhumaines qu’humaines dans les mois à venir avec le cortège de licenciements et de restructuration.
Pourtant « la révolution du non » est bien lancée.
Parmi ses conquêtes on trouvera de plus en plus affirmée la quête d’authenticité – les faux cul du politiquement correct sont honnis-, le besoin de simplicité et de vrai, la maitrise du temps pour soi. Les 35h qui furent la plus grande erreur sociale qui soit, symbole d’un dogmatisme qui n’a fait qu’aggraver les inégalités, avaient volé aux salariés la plus belle conquête qui puisse être : le temps choisi.
Choisir de travailler beaucoup, peu, différemment selon les âges… devrait être du ressort non pas de législation du travail mais bien de l’intime de chacun. Respecter tous les temps de travail, dès lors que leurs utilités soient avérées devrait être une norme. Mais dans une société où l’égalitarisme tire tout vers le bas, le droit de choisir le temps de sa vie relève d’un privilège inacceptable alors que cela devrait être le sens même de l’existence dans une société dite civilisée.
Les syndicats, en particulier les plus extrémistes qui depuis 30 ans jouent contre les salariés et la méritocratie seront vent debout ; le patronat flairera la bonne aubaine d’une productivité accrue. Mais c’est sans compter la liberté et l’envie d’être de chacun. Une personne qui aura prouvé son efficacité en télétravail voudra t elle retourner à temps plein au bureau en subissant un management infantilisant la plupart du temps ? Une personne qui aura gouté à une nouvelle forme de vie, voudra-t-elle la sacrifier à 2h de transport quotidien ?
Une personne qui aura participé à des visioconférences qui commencent à l’heure et se terminent à l’heure supportera t elle les réunions physiques où on parle pour ne rien dire, où on commence toujours en retard ? L’effet miroir est un défi humain tant pour les personnes elles-mêmes qui doivent décider seules de ce qui est bon pour elles, tant pour les entreprises qui ont l’opportunité de se débarrasser de toutes ces modes en management et autres team building qui prennent les gens pour des c.
A l’image de la société civile qui tout en le critiquant aime le principe d’un Etat protecteur et sécuritaire, nous avons sous l’impulsion des 35h, entretenu la peur en entreprise au détriment de l’audace, de la prise de risque, de l’ambition saine. Chacun de nous a le choix face au miroir : soit se regarder et n’y voir que l’illusion de soi en retournant à sa vie d’avant, ses angoisses, ses plaintes, soit le traverser pour aller à la découverte de sa vie voulue, sa vie choisie, sa vie rêvée. L’envie d’être qui revient à « être en vie » sera surement plus forte que jamais dans les mois et années à venir.
A chacun de choisir sa vie en sortant des petites cases ; que faire de son temps, de sa vie, le confinement nous l’a rappelé c’est un choix à faire. Un choix de vie.