Côte d’Ivoire, Sénégal, Gabon… si les grands comptes investissent massivement dans les pays africains, les PME et les ETI doivent également profiter de ces marchés en plein essor.
Le business explose en Afrique ! En décembre, en présence du président de la République ivoirienne Alassane Ouattara, le centre commercial PlaYce ouvrait ses portes à Abidjan. Un symbole du renouveau du pays après des années de guerre civile, mais aussi de l’extraordinaire boom économique de la région subsaharienne.
Si Carrefour, promoteur du projet avec CFAO, a investi plus de 50 M€ dans ce complexe de plus de 20.000 m² et 55 boutiques, c’est que le potentiel commercial est là. Si 8 centres commerciaux PlaYce devrait ouvrir en Côte d’Ivoire d’ici 2025, Carrefour cible aussi les autres pays, Cameroun, Gabon, Ghana, République du Congo, Nigeria, République démocratique du Congo et Sénégal. À terme, l’enseigne vise 100 ouvertures sur le continent.
CFAO et Carrefour ont également mis en place le Club des marques, un réseau d’enseignes de la distribution, dont de nombreux français (La Grande Récré, Bonobo, Cache Cache, Jules, Kaporal, La Halle !, Brioche Dorée, Baïla Pizza, El Rancho, Jeff de Bruges…) qui souhaitent se développer en Afrique.
«PlaYce Marcory est la vitrine d’une nouvelle génération de centres commerciaux en Afrique qui offrent en une destination à la fois plus de choix, plus de modernité et plus d’attractivité. Nous souhaitons créer de la valeur dans chacun de nos 8 pays en transformant localement, en structurant les filières et en soutenant les références locales. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, nous avons déjà signé plus de 170 contrats avec des fournisseurs locaux dans l’alimentaire ou dans le textile», indique Xavier Desjobert, directeur général de CFAO Retail. Une stratégie très offensive, partagée par de nombreuses grandes entreprises.
Un énorme potentiel
Tous les analystes sont d’accord : l’Afrique n’est plus le «parent pauvre» de l’économie mondiale mais bien le moteur de la croissance. Alors que la Chine ou le Brésil s’essoufflent, les 54 pays du continent représentent «la Chine d’il y a 15 ans», selon une formule consacrée. Et c’est juste le début, estime Alain Pénanguer, associé pour l’Afrique francophone au sein du cabinet Deloitte, qui vient de publier une étude sur la consommation de ce continent.
«Les entreprises ne peuvent ignorer le très gros potentiel d’un marché de plus de 1 milliard d’habitants, où la population est appelée à doubler d’ici à 2050. Les consommateurs sont aussi très attachés aux marques internationales, à condition qu’elles s’adaptent à un niveau de vie encore bas et aux habitudes locales».
Ainsi, Danone propose des yaourts plus sucrés et colorés. L’Oréal a développé des lignes de soins dédiés aux peaux et cheveux africains, avec une production en partie sur place, par le biais de partenariats et d’acquisitions qui leur ont apporté usines, marques locales et réseaux de distribution.
Pour le cabinet Bearing Point, qui estime que les dix prochaines années, les investissements français en Afrique devraient y croître de 75%, tout se joue aujourd’hui : «D’ici 2020, les PME qui n’auront pas fait leur transition africaine seront en retard».
Traditionnellement, les entreprises occidentales, et notamment françaises, allaient en Afrique pour les ressources naturelles et les grands travaux. Mais, alors que le PIB par habitant augmente sensiblement et qu’on assiste à l’émergence d’une classe moyenne estimée entre 150 et 300 millions de consommateurs potentiels, c’est la distribution qui a le vent en poupe. L’Observatoire du développement international 2015 note que l’exploitation des ressources n’est citée que par moins de 10% des entreprises présentes sur le continent.
Transition numérique
Autre préjugé à jeter aux oubliettes, le retard technologique. Le marché des télécommunications a accompagné cette montée en puissance des classes moyennes. Sur les cinq dernières années, c’est en Afrique que leur croissance a été la plus rapide.
Avec, en pole position, les smartphones. Dans les dix prochaines années, leur nombre devrait être multiplié par 5, passant de 70 millions en 2015 à près de 360 millions en 2025. Un vivier dont peuvent notamment profiter les Fintech, puisque près de 80% de la population africaine n’est pas bancarisée alors que l’Afrique subsaharienne est aujourd’hui la région du monde où les transferts d’argent par téléphone sont les plus nombreux.
Le commerce en ligne ne doit pas non plus être négligé. «Le continent a concentré 2,2% des ventes mondiales de e-commerce en valeur en 2013, une augmentation de 31% depuis 2011. En outre, l’Afrique devrait doubler son CA dans le domaine du e-commerce BtoC d’ici à 2017», insiste Jérémy Hodara, codirecteur d’Africa Internet Group (AIG), filiale du groupe allemand Rocket Internet et leader du e-commerce en Afrique. Et ce n’est que le début : d’ici 2025, la contribution du numérique au PIB annuel africain rattrapera celui de Taïwan ou de la Suède.
Pour le spécialiste français du numérique Gilles Babinet : «Le continent africain est le laboratoire du monde de demain. Il nous incite à repenser les innovations d’usage et de rupture tout comme les modèles traditionnels. Les solutions imaginées et conçues par des individus, entrepreneurs, étudiants, chercheurs, scientifiques doivent inspirer durablement le reste du globe. Les multiples situations d’urgence – sanitaires, agricoles, écologiques, politiques, économiques… – qui traversent le continent depuis plusieurs décennies sont des occasions concrètes pour appréhender la complexité du monde qui vient. S’il faut globaliser l’innovation africaine, il s’agit aussi d’africaniser l’innovation globale pour insuffler une vision du numérique davantage inclusive, durable, créative et utile».
Avec Stephan-Éloïse Gras, Gilles Babinet lance en octobre prochain Africa 4 Tech, un bootcamp d’open innovation avec pour objectif de concevoir des solutions innovantes pour l’Afrique dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’agriculture et de l’énergie.
Se lancer maintenant !
C’est le moment : la Banque africaine de développement (BAD) table sur une croissance de 6,7% en Afrique de l’Est en 2016, 5,8% en Afrique centrale et 6,1% en Afrique de l’Ouest.
Le continent africain restera ainsi la deuxième zone dans le monde de forte croissance après l’Asie. Selon les économistes de Coface, le Kenya, l’Éthiopie et l’Ouganda présentent les meilleures perspectives. Les pays francophones, notamment la Côte d’Ivoire, le Sénégal, ont également le vent en poupe. Attention, si le succès peut être au rendez-vous, réussir en Afrique nécessite donc des capacités d’adaptation aux particularités régionales, au manque de routes et d’entrepôts, à l’électricité défaillante et à une distribution atomisée.
Pour les PME qui souhaitent se lancer dans l’aventure, une règle de base : miser sur les talents locaux. L’époque où des «expats» venaient à prix d’or développer une activité sur place est révolue. Une approche plus modeste, basée sur des partenariats avec des entreprises locales et surtout l’embauche de salariés du cru, est le meilleur gage de réussite.