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Agriculture : Cyclair, le premier robot désherbeur intelligent


À 34 ans, Sébastien Gorry, fils d'agriculteur, lève 2,1 millions pour financer Cyclair, une jeune pousse de la Vienne qui va changer la vie des paysans.

Entreprendre - Agriculture : Cyclair, le premier robot désherbeur intelligent

Le désherbage, une activité saine pour certains jardiniers du dimanche, une corvée pour d’autres et une tâche parmi d’autres pour les agriculteurs. Le respect des consignes européennes oblige ces derniers à trouver des solutions plus écologiques, mais pas seulement. L’enjeu est aussi financier, car les aides de la politique agricole commune sont à présent sous conditions environnementales.

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Le robot de Cyclair prêt à travailler

Les robots ont déjà fait leur apparition sur les terres paysannes, et font partie du paysage comme les tracteurs et autres moissonneuses-batteuses. La startup Cyclair, née en 2019, travaille depuis plusieurs années à la mise au point d’un robot destiné aux professionnels capable de désherber de façon intelligente et autonome en grande culture. Pour tester et finaliser les mises au point nécessaires, la startup a levé 2,1 millions d’euros, ce qui lui permet de concrétiser la fabrication en série de sept nouveaux robots aptes à travailler dès ce printemps. Ils tourneront sur des champs de tournesol et de maïs dans un premier temps.

Deux coopératives agricoles parmi les investisseurs

Preuve de l’intérêt que représente cette solution en cours de lancement, parmi les investisseurs qui ont participé au tour de table, on retrouve deux coopératives agricoles, Centre Ouest Céréales et Cérèsia, directement intéressés par cette innovation. Le président de Cérèsia, Antoine Hacard, a d’ailleurs déclaré vouloir devenir « le leader de la transition écologique » avec des objectifs précis en matière d’accompagnement de ses adhérents.

La structure se dit convaincue que « la technologie telle que la robotique constituera un levier essentiel pour faire évoluer les pratiques agricoles ». D’autres structures sont également intervenues dans cette levée comme le fonds de Nouvelle Aquitaine NACO, le BAdGE (Business Angels des Grandes Écoles), et le Crédit Agricole de Touraine et du Poitou. À noter que Cyclair avait déjà été lauréate du trophée émergence du Top des entreprises du groupe la Nouvelle République en 2021. L’offre de Cyclair cible les coopératives, les exploitants ayant l’habitude de mutualiser l’usage des machines agricoles sans oublier les distributeurs habituels d’équipement agricole.

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Une solution autonome afin de détruire et de maîtriser les plantes adventices

La mission que se sont donnée les fondateurs est de « casser le mur du désherbage en grande culture ». Le robot électrique de Cyclair permet en effet de préserver les rendements, de protéger les cultures, et de réduire de façon drastique les intrants chimiques, dont le fameux glyphosate de sinistre réputation. Les exploitations biologiques d’une certaine surface sont aussi concernées par cette offre.

La jeune équipe de Cyclair a fixé son objectif il y a plusieurs années et est en passe de réussir son pari de trouver une solution autonome afin de détruire et de maîtriser les plantes adventices. Ce progrès permet aux cultures de se développer parfaitement, fait gagner du temps aux exploitants agricoles, le tout sans déverser de produits toxiques. Le résultat s’est concrétisé l’an dernier, il s’agit d’un robot, un « rover agricole » intelligent capable d’identifier les herbes qui sont sa cible, histoire de ne pas toucher aux bonnes plantations et d’analyser la situation en temps réel, le tout connecté et sans intervention humaine. Ce n’est pas un gadget, loin de là vu sa taille, mais un outil destiné aux professionnels, y compris ceux qui disposent de grandes étendues à traiter, comme cela est le cas dans les cultures de tournesol, colza, céréales ou betterave.

2024, année de lancement

La jeune entreprise est implantée dans la Vienne, entre Angoulême et Poitiers, une zone rurale parfaite pour tester les prototypes. La startup est présidée par Sébastien Gorry, qui sait ce dont il parle, lui qui est fils d’agriculteur, mais aussi ingénieur. Il a commencé par travailler une dizaine d’années chez Air Liquide en tant que salarié avant de se lancer dans la création d’entreprise. En 2019, il décide de créer sa startup sur le terroir familial de Pressac, grâce à un programme d’incubation de la technopole du Grand Poitiers. Ses deux associés, Quentin Guillemot et Camille Auger, rejoignent l’aventure fin 2020. Ils disposent de compétences complémentaires, le premier est également ingénieur axé notamment sur l’intelligence artificielle, l’autre mécanicien d’hélicoptère est expert en systèmes embarqués, l’équipe comprend 35 personnes au total.

Le modèle économique qu’ils ont choisi est de proposer leur offre sous forme de prestation de services, or l’avenir s’annonce plutôt bien avec des commandes déjà inscrites dans le planning de Cyclair. Cette année est cruciale pour la startup qui entre dans le cycle classique du développement de l’entreprise, avec l’étape de commercialisation et la production des premiers chiffres d’affaires, sans oublier un objectif de rentabilité très rapproché dans le temps, dès 2026.

Le travail est loin d’être terminé, les projets se succèdent. Développée sur une motorisation électrique, la machine sera par ailleurs disponible en biocarburant. Les critères environnementaux jouent en faveur de l’innovation Cyclair, car l’utilisation des herbicides est de plus en plus restreinte, comme c’est le cas depuis peu pour le prosulfocarbe, très utilisé en France. Autre voie à explorer, l’internationalisation. Le robot de Cyclair qui répond au doux nom de « Grillon » est un outil idéal pour les immenses fermes de certains pays, tels que les États-Unis entre autres. La jeune pousse de la Vienne espère avoir de nouvelles avancées à annoncer dans le courant de l’année qui vont accélérer sa croissance. Le créneau est très porteur, y compris à l’export.

Anne Florin

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