Chaque année, l’État distribue des centaines de millions d’euros à des journaux et à leurs propriétaires milliardaires comme Dassault, Drahi ou Lagardère.
Alors que les principaux candidats à l’élection présidentielle ne cessent de promettre des réductions dans les dépenses de l’État afin de réduire le déficit des caisses publiques, aucun n’ose aborder ce qu’on peut nommer gabegie : les aides versées à la presse écrite. Il est vrai que la remise en cause ces subventions pourrait s’attirer les foudres des journaux qui bénéficient de cette véritable manne.
« On peut vraiment se demander ce que signifie la liberté de la presse et l’indépendance des médias avec ce système pernicieux. Et comme si nos dirigeants politiques ne pouvaient pas consacrer ces énormes sommes d’argent à des priorités plus essentielles », confie à « L’Évènement magazine » un haut fonctionnaire du ministère de la Culture et de la Communication, totalement opposé à cette distribution qu’il juge « archaïque et inappropriée en cette période de crise économique ».
Aujourd’hui en France, Libération
et
Le Figaro
sur le podium
Dans le dernier rapport publié à la fin de l’année 2016 par les services de la rue de Valois (siège du ministère dirigé par Audrey Azoulay), on se rend compte que les principaux quotidiens nationaux ont reçu en 2015 des fonds importants…qui proviennent de l’impôt des contribuables !
Sur le podium, on trouve « Aujourd’hui en France » avec 7,8 millions d’euros, « Libération » avec 6,5 millions d’euros et « Le Figaro » qui a bénéficié d’une subvention de 6,45 millions. Viennent ensuite « Le Monde » (5,43 millions), « La Croix » (4,40 millions), « Ouest France » (4,1 millions) et « L’Humanité » avec 3,6 millions.
Pour ne pas être en reste, les pouvoirs publics n’ont pas oublié d’autres publications comme « Le Parisien », « Les Echos », « L’Équipe » ou « Le Journal du Dimanche » et les autres principaux titres de la presse quotidienne régionale comme « La Voix du Nord », « L’Est Républicain », « Le Dauphiné libéré », « Le Progrès », « La Dépêche du Midi », « Sud Ouest », « Presse Océan », « La République des Pyrénées » ou « Le Journal de la Haute Marne ».
128 millions d’euros
Toutes ces entreprises ont encaissé des chèques entre 1 et 1,6 million d’euros, sans avoir à les rembourser. Dans la loi de finances pour 2017, l’enveloppe pour les aides à la presse s’élève à 128 millions d’euros. Même si certaines mises sous condition ont été confirmées pour désormais recevoir ces sortes de « prêts gratuits » (un principe qui avait été instauré en juillet 2013 par l’ancienne ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti), ce dossier des aides à la presse suscite de plus en plus d’interrogations.
Pour le journaliste et spécialiste de l’économie des médias Sébastien Fontenelle, auteur d’un très intéressant livre publié en 2014 aux éditions Libertalia, « Éditocrates sous perfusion », il existe une véritable hypocrisie de la part de la plupart des directeurs ou propriétaires des journaux : « Fustiger la dépense publique en exhortant à la réduire est devenu une discipline à part entière dans la presse française. Certains s’illustrent par l’excellence de leurs performances en la matière : on pense ici à Franz-Olivier Giesbert qui reste rarement plus de deux semaines sans proclamer dans l’hebdomadaire « Le Point » (propriété de François Pinault) que « la France doit cesser de dépenser plus qu’elle ne produit. Autrement dit, faire maigre… »
Le propriétaire du « Figaro », le sénateur et avionneur Serge Dassault, réclame lui aussi régulièrement qu’ « on supprime toutes les aides », car « il ne faut pas que l’État aille donner de l’argent », sauf naturellement quand la puissance publique débloque 1 milliard d’euros pour moderniser l’avion de chasse produit par l’industriel… »