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Airbus supprime 2500 postes pour tenter de rester compétitif


En annonçant la suppression de 2 500 postes au sein de sa division Defence and Space, Airbus montre qu'il est prêt à prendre des mesures drastiques pour rester compétitif.

Photo de Austin Rucker sur Unsplash

Cette décision, qui survient dans un contexte de pressions économiques accrues, met en lumière les défis complexes auxquels fait face le géant européen de l’aérospatiale. Il ne s’agit pas simplement d’une mesure de réduction de coûts, mais d’un ajustement stratégique pour préserver sa rentabilité.

La division Defence and Space d’Airbus est en effet confrontée à des vents contraires depuis plusieurs années. En 2024, les résultats financiers du groupe ont accusé un net recul, avec des bénéfices divisés par deux au premier semestre, atteignant seulement 825 millions d’euros.

Cette baisse s’explique principalement par les difficultés persistantes de son activité spatiale, malgré un carnet de commandes bien rempli. Mais comment expliquer que, malgré la demande, Airbus lutte pour maintenir sa rentabilité ?

La réponse réside en partie dans la montée en puissance de la concurrence internationale. Le secteur spatial est aujourd’hui dominé par des acteurs américains et chinois, à commencer par SpaceX, qui a bouleversé les règles du jeu avec des technologies disruptives et des coûts de lancement considérablement réduits.

Soutenus par des subventions publiques massives, ces concurrents bénéficient d’un soutien politique et financier que les entreprises européennes peinent à égaler. Pour Airbus, il s’agit donc de rester dans la course tout en absorbant les coûts élevés de la recherche et du développement, essentiels dans un secteur aussi technologique.

Une restructuration risquée

La décision de réduire les effectifs dans la division Defence and Space n’est pas prise à la légère. Avec un marché des satellites en déclin, Airbus a vu ses activités se contracter : seules une dizaine de satellites géostationnaires se vendent chaque année, un chiffre en nette baisse par rapport à il y a dix ans.

Les difficultés à rationaliser la gestion des projets et les interruptions dans la chaîne d’approvisionnement ont conduit à des pertes importantes, et l’entreprise a dû provisionner plus de 15 milliards d’euros pour faire face à ces problèmes. Dans ce contexte, la réduction des effectifs apparaît comme un moyen inévitable de contrôler les coûts et de restaurer la compétitivité.

Côté défense, le tableau est tout aussi préoccupant. L’A400M, avion de transport militaire développé par Airbus, peine à séduire de nouveaux clients. En 2023, seulement huit appareils ont été livrés, contre dix l’année précédente. Sur les 178 appareils commandés au total, 129 ont déjà été livrés, et les perspectives de nouvelles commandes restent incertaines. Les enjeux pour Airbus vont bien au-delà de la simple production d’avions : il s’agit de préserver sa réputation et sa capacité à innover dans un secteur clé de la sécurité européenne.

Compétitivité européenne

Les défis d’Airbus illustrent un problème plus vaste pour l’industrie aérospatiale européenne. Fragmentée et marquée par des divisions internes entre les États membres de l’Union européenne, l’Europe a du mal à adopter une stratégie industrielle unifiée pour soutenir ses champions.

Les entreprises américaines et chinoises profitent d’un soutien national fort, tandis que les acteurs européens doivent souvent naviguer seuls dans une mer agitée. Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, a souligné la nécessité d’adapter l’organisation à un « environnement commercial complexe ». Les suppressions de postes s’inscrivent dans cette logique, visant à économiser plusieurs centaines de millions d’euros d’ici mi-2026.

Inutile de préciser que les syndicats n’ont guère goûté l’annonce, dénonçant une décision brutale qui pourrait entraîner une perte de compétences stratégiques pour l’Europe. Airbus tente tant bien que mal de les rassurer en laissant entendre qu’elle pourrait explorer des partenariats stratégiques pour renforcer sa position. Un rapprochement avec Thales Alenia Space, par exemple, pourrait créer des synergies nécessaires pour surmonter les défis du secteur spatial. Mais Thales Alenia Space connaît elle aussi ses propres difficultés, et une fusion ou une collaboration plus étroite est loin d’être évidente.

La réorganisation d’Airbus pose une question plus large : l’Europe peut-elle encore tenir tête aux États-Unis et à la Chine dans les domaines du spatial et de la défense ? Si la réponse passe sans doute par des ajustements internes et une réduction des coûts, elle dépend aussi de la capacité des gouvernements européens à soutenir leurs entreprises. La compétitivité de l’industrie européenne repose sur un écosystème d’innovation, de coopération et de soutien public. Sans une vision stratégique commune, les fleurons de l’aérospatiale risquent de perdre du terrain face à des rivaux mieux préparés et plus soutenus.

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