Une nouvelle étape franchie pour le corridor Abidjan-Lagos : en juillet dernier, la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) a organisé une série d’ateliers techniques de pré-validation dans les pays concernés par le passage de cette future autoroute côtière transnationale. Long de 1 028 kilomètres, le corridor à six voies reliera, à terme, les capitales économiques de Côte d’Ivoire et du Nigéria, en passant par le Ghana, le Togo et le Bénin. Un chantier pharaonique, allégorie du long chemin parcouru par la Côte d’Ivoire depuis la fin de la crise post-électorale et l’élection, en 2011, d’Alassane Ouattara.
Transports, énergie, santé, BTP… : depuis une quinzaine d’années maintenant, la Côte d’Ivoire est un pays en chantier permanent. Dès son accession à la présidence, Alassane Ouattara a choisi de faire de la construction et de la modernisation des infrastructures, à genoux au lendemain de la crise de 2010, le moteur du développement du pays. Stratégiquement, il s’agissait de doper la croissance par l’investissement public, et d’accentuer la compétitivité de la Côte d’Ivoire en la dotant d’une « armature » à même de soutenir sa voie vers l’émergence. Un pari largement réussi, le pays s’étant, avec un PIB frôlant les 80 milliards de dollars en 2023, imposé sur la même période comme la locomotive économique de la sous-région.
Abidjan, épicentre de la fièvre bâtisseuse ivoirienne
Si le fracas des pelleteuses et des grues résonne à travers tout le territoire ivoirien, c’est à Abidjan que le tintamarre témoigne le plus bruyamment de la fièvre bâtisseuse qui s’est emparée du pays. Connue pour ses embouteillages monstres, la capitale économique ivoirienne et ses plus de 6 millions d’habitants vivent en effet au rythme, incessant, des travaux. Et pas des moindres : en quelques années seulement, la lagune sur laquelle s’étend la métropole s’est hérissée de plusieurs ouvrages d’envergure, destinés à désengorger le trafic. Ainsi du quatrième pont reliant les communes de Yopougon et Adjamé, ouvert en juillet 2024 ; ou du cinquième pont « Alassane Ouattara », qui avec ses 1,63 km de distance supporte un trafic quotidien de 45 000 véhicules entre la commune de Cocody et le quartier d’affaires du Plateau.
C’est qu’avec 9 millions de déplacements routiers par jour, les rues d’Abidjan saturent. D’où l’urgence de développer la multimodalité en écornant, un peu, le règne de la voiture individuelle. Une problématique à laquelle entend répondre le projet de futur métro, un train urbain dont le chantier a démarré en 2022 et qui devrait être livré en 2028. D’un coût total de 1,3 milliard d’euros, le métro parcourra 37 km et devrait transporter un demi-million de voyageurs par jour. Il sera en quelque sorte dédoublé par un futur réseau de Bus Rapid Transit (BRT), des bus express et électriques qui disposeront d’un couloir réservé et pourront, avec une fréquence de passage toutes les 30 secondes, eux aussi transporter 500 000 passagers chaque jour.
Depuis 2011, l’Etat a investi plus de 1 000 milliards de francs CFA dans les infrastructures routières de la capitale économique ivoirienne – sans oublier les 15 000 km de routes rurales, qui ont aussi bénéficié d’investissements substantiels grâce à un Projet de Connectivité Rurale (PCR) doté de 500 millions de dollars. Mais à Abidjan, bordée par l’océan et posée sur une lagune, l’eau est omniprésente. C’est pourquoi la mégalopole dispose, depuis que les autorités ont libéralisé le secteur, de plusieurs services de bateaux-bus facilitant les trajets multimodaux. Quant au Port autonome d’Abidjan, véritable porte d’entrée du pays et plaque tournante de la région (75 % des échanges entre la Côte d’Ivoire et l’étranger y transitent), il bénéficie depuis un peu plus d’un an d’un tout nouveau terminal à conteneurs (TC2), une infrastructure qui permet de tripler sa capacité annuelle.
Développer les énergies renouvelables tout en tirant profit des gisements fossiles
En plein renouveau urbanistique, la Côte d’Ivoire a besoin d’énergie pour entraîner son fulgurant développement économique, la consommation domestique d’électricité augmentant de 10 % tous les ans. Alors que le gouvernement s’est engagé, d’ici 2030, à réduire de 30 % les émissions ivoiriennes de CO2 et à porter la part des énergies renouvelables (EnR) à 45 % du mix énergétique national, les autorités jouent sur les deux tableaux. D’un côté, le pays met les bouchées doubles sur les EnR, comme en témoigne l’ouverture de plusieurs centrales aux quatre coins du pays : mise en service, en 2023, d’une première centrale solaire photovoltaïque à Boundiali, dans le nord du pays, qui devrait produire 80MWc d’ici à la fin de l’année et permettre d’économiser 60 000 tonnes de CO2 ; lancement des travaux de la plus grande centrale à biomasse d’Afrique de l’ouest, alimentée par les résidus agricoles du palmier ; ouverture d’une nouvelle centrale hydroélectrique à Soubré ; construction d’une ligne à haute tension permettant d’évacuer la puissance produite à Abidjan vers l’intérieur du pays ; etc.
De l’autre, les efforts d’exploration ont permis la découverte, au large du golfe de Guinée, d’importants gisements de pétrole et de gaz (« Baleine » en 2021 et « Calao » en 2024), disposant à eux deux d’un potentiel de 6 milliards de barils. Si la Côte d’Ivoire ambitionne de devenir un exportateur net d’hydrocarbures à l’horizon 2030, l’essentiel (70%) de sa production d’électricité demeure, pour l’heure, dépendante du gaz qui fait tourner les centrales thermiques, comme celle d’Azito – les 30 % restants étant majoritairement assurés par les centrales hydroélectriques, presque toutes situées dans le sud du pays, plus développé que le nord. Concilier modernisation et lutte contre les inégalités, accès de tous à l’électricité et développement économique durable, sera donc un défi de taille pour le pays des éléphants.
Les infrastructures de santé, l’autre priorité nationale
Les autorités misent en outre sur les infrastructures de santé. Des investissements massifs ont ainsi été consentis depuis l’élection d’Alassane Ouattara, permettant de doter la Côte d’Ivoire d’un système de santé robuste et moderne : près de 300 milliards de francs CFA ont été mis sur la table, permettant d’ouvrir plus de 250 nouveaux établissements sanitaires et d’en réhabiliter près de 800. Non sans succès : de 44 % en 2012, le taux d’accès aux services de santé est monté à 72 % en 2022, notamment grâce à l’instauration d’une couverture maladie universelle.