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Alexandre de Vigan : « Nfinite a vocation à devenir le leader mondial de la création d’images synthétiques »


Start-up d’origine française créée en 2017, Nfinite connaît un succès retentissant depuis 2021 et le lancement de sa plateforme SaaS de e-merchandising, permettant de créer des visuels automatiquement à partir d’une modélisation produit en 3D. Alexandre de Vigan, son fondateur, évoque avec nous son parcours et ses ambitions et nous révèle en exclusivité le lancement imminent d’une technologie de création de data synthétiques, appelée à révolutionner le monde de l’IA en offrant à ses clients (GAFAM, créateurs d’Apps, poids lourds du retail) la possibilité de créer des visuels sur-mesure et de qualité de façon illimitée, économique, sûre et en évitant les problèmes de droits d’auteur.

Alexandre de Vigan

Vous avez créé Nfinite en 2017, société spécialisée dans la création d’images pour le secteur de l’immobilier, désormais spécialiste de la création de visuels en 3D pour les e-commerçants, via la technologie CGI (computer-generated imagery). En quoi la CGI se rapproche-t-elle de l’IA générative ?

La CGI est la capacité à générer des images par ordinateurs : que ce soit sur la base d’un moteur 3D, d’outils de Computer Vision ou sur la base de l’intelligence artificielle. Il faut dissocier la technologie de création de son résultat : le résultat est l’image (CGI) qui peut être générée par une multitude de supports combinés ou indépendants.

Chez Nfinite, cela fait 7 ans que notre équipe d’ingénieurs travaille sur le développement et l’amélioration d’une plateforme permettant de créer des images par ordinateurs de manière illimitée, photoréaliste et contrôlée. Il y a 7 ans, cette plateforme était basée sur la 3D et la computer vision. Aujourd’hui, nous avons rajouté le machine learning, l’intelligence artificielle et l’IA générative afin d’augmenter nos capacités de création tout en garantissant une qualité et une contrôlabilité des images uniques sur le marché.

L’histoire de Nfinite est celle de tâtonnements successifs, avant le lancement de votre plateforme SAS à l’usage des retailers en 2021, qui verra s’accélérer les choses : première levée de fonds en série A de 15 millions de dollars, multiplication par 10 de vos revenus et implantation aux Etats-Unis la même année, seconde levée de fonds en série B de 100 millions de dollars et triplement de vos revenus en 2022. Quels sont vos objectifs à l’horizon 2026, alors que le secteur de l’e-commerce devrait connaître une croissance de 50 % d’ici là, pour atteindre 7 400 milliards de dollars ?

Nfinite a vocation à devenir le leader mondial de la création d’images synthétiques (CGI). Depuis 2021, nous nous sommes développés en France, puis aux États-Unis et maintenant en Europe dans la verticale du retail et du e-commerce en permettant aux commerçants de créer des images/vidéos illimitées afin d’augmenter leurs ventes sur tous leurs canaux.

Si nous continuons de nous développer fortement dans le secteur du e-commerce – lequel s’accompagne d’une croissance vertigineuse de la consommation des expériences produits (visuels, vidéos, 3D etc.) – aujourd’hui, nous nous apercevons que notre plateforme peut avoir de nombreux autres cas d’applications : Publicité, Communication, Sécurité, Technologie, Industrie et notamment une application de plus en en plus directe avec l’intelligence artificielle (soit en aval (combinaison de la 3D et de l’IA pour servir des clients enterprise) soit en amont pour améliorer la performance de l’IA via la 3D et les images synthétiques).

Comptez-vous poursuivre cette stratégie de croissance organique ou envisagez-vous des rapprochements dans les années à venir ?

Aujourd’hui, nous poursuivons notre croissance organique via 3 leviers : extension des zones géographiques, extension de nos marchés, et expansion de nos clients dans les marchés existants. Cependant, nous croyons aux partenariats stratégiques dont la complémentarité des offres permet d’apporter une valeur unique à nos clients existants ou futurs.

Vos clients semblent essentiellement issus de l’industrie du meuble et de la décoration, quelle proportion de votre CA ce segment représente-t-il ? Dans quels autres secteurs êtes-vous présents ou projetez-vous de vous imposer ?

Jusqu’à la fin 2023, nos clients étaient principalement les grands retailers aux US, en France et en Europe. Ces clients ne sont plus seulement dans l’univers du meuble et de la décoration mais dans beaucoup d’autres univers : PGC, Food & Beverage, Maison, Brico et accessoires fashion. Depuis la fin 2023, nous observons une accélération significative d’autres segments (GAFAM et Big Tech) qui viennent utiliser notre plateforme pour créer des datas synthétiques d’entraînement. Aujourd’hui, 50% de nos clients sont des retailers et 50% sont des acteurs de l’IA venant chercher chez Nfinite des data d’entraînement pour améliorer la performance de leur LLM ou de leurs applications de génération de visuels via des IA génératives.  

Votre entreprise utilise une banque de données autogérée par l’IA que vous avez développée pour fournir des visuels et des images aux retailers. Quels sont les avantages de cette technologie par rapport à des méthodes plus traditionnelles de photographie de produits ?

Nfinite est une plateforme d’automatisation de création de visuels. Nous permettons à nos clients retailers de créer automatiquement l’intégralité de leurs expériences produits via notre plateforme sans aucune logistique, ou élément physique. Tout est virtuel. Cela permet de gagner en temps, en efficacité et en coût. Surtout, cela permet de gagner en performance. En effet, en créant des expériences produits complètes, consistantes et immersives à grande échelle pour des catalogues de produits entiers, nous permettons à nos clients d’augmenter significativement leurs performances e-commerce (trafic, engagement, ajouts panier et vente).

Quelle est votre valeur ajoutée par rapport à des solutions gratuites concurrentes comme Blend et le Generative Background Creator de PixelBin, qui exploitent l’IA générative ? Vos cibles sont-elles les mêmes ?

Nfinite se distingue par sa capacité à créer à très grande échelle des visuels photoréalistes grâce aux différentes technologies citées ci-dessus. Elle s’adresse particulièrement aux très grands acteurs enterprise ayant des besoins pour  plusieurs dizaines de milliers de références. Notre plateforme leur permet de générer plusieurs dizaines de visuels par produit en garantissant une consistance absolue de ces derniers et un respect de leur image de marque. Cette approche économise un temps et un coût significatifs par rapport aux shootings photos traditionnels, mais elle permet aussi une personnalisation et une variabilité à l’infini, ce qui est crucial pour répondre aux attentes croissantes des consommateurs en matière d’expérience d’achat.
 

Vous investissez en parallèle dans une technologie capable de générer à l’envi des data synthétiques, c’est-à-dire des images 100 % artificielles. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que sont des data synthétiques ? En quoi cette technologie est-elle différente de DALL-E par exemple, le générateur d’images artificielles d’OpenAI (ChatGPT, Sora…) ? Quels sont ses avantages ?

Les données synthétiques, notamment sous forme d’images 100% artificielles, représentent des informations générées par ordinateur qui imitent les données réelles et qui permettent d’entraîner des modèles d’IA générative comme DALL-E d’OpenAI. Cet acteur et beaucoup d’autres (Stability, Meta, Google etc) se sont lancés dans une course effrénée pour construire le meilleur modèle de génération de visuels par réseau de neurones. Pour garantir le succès commercial de ces modèles, ils doivent pouvoir les entraîner avec une quantité phénoménale de données, dont des images répondant à des critères très spécifiques : quantité, qualité, absence de propriété intellectuelle, spécificité etc. En générant des sets d’images synthétiques “sur demande”, Nfinite permet à ces acteurs d’enrichir leurs modèles sans les innombrables contraintes des sets d’images auxquels ils pourraient avoir accès habituellement (moteurs de recherche, bases de données privées etc.)

Les analystes de Gartner prévoient que 60 % des données utilisées pour entraîner les systèmes d’intelligence artificielle dans le monde seront synthétiques dès la fin de cette année, contre 1 % en 2021. Comment comptez-vous vous imposer sur ce marché appelé à exploser dans les prochains mois ?

La littérature scientifique (white paper, études des laboratoires et communications des entreprises de l’IA) indique que la donnée réelle sera insuffisante à court terme pour entraîner les moteurs d’intelligence artificielle. Pour deux raisons au moins : la prochaine itération des moteurs d’IA nécessitera un entraînement largement plus conséquent que les moteurs actuels. Et, de plus, l’application des solutions d’IA aux besoins des entreprises nécessite un entraînement particulier sur des données spécifiques pour répondre aux cas d’usages des entreprises. Seule la donnée synthétique peut répondre à ces besoins. En conséquence, le time to market est parfait pour les acteurs positionnés sur la création de data synthétique répondant à l’équation suivante:

  • Volume
  • Qualité
  • Spécificité/Contrôlabilité
  • IP 
  • Efficience 
  • Tagging

Quelles typologies de clients ciblez-vous ? Géants du numérique, créateurs d’App, retailers ? Savent-ils tous ce que sont des data synthétiques, et à quel point elles seront incontournables dans les mois et les années à venir ?

Nous avons 3 types de clients potentiels. Les éditeurs de LLM visuels (Big Tech) qui ont besoin de données d’entraînement en grande quantité pour entraîner leurs modèles de fondation. Les éditeurs d’applications d’IA visuelles qui ont besoin de données d’entraînement pour entraîner leurs applications verticalement à des cas d’usages. Et enfin les entreprises déployant/implémentant des applications d’IA pour répondre à leurs besoins opérationnels (supply chaine, Sécurité, marketing etc.). Chaque use-case a besoin d’être entraîné avec de la data spécifique au cas traité. C’est ce qu’on appelle le “last mile quality gap” destiné à faire le pont entre le LLM et/ou l’application et les besoins spécifiques de l’entreprise.

Ces trois typologies de clients n’ont pas la même maturité quant à leur compréhension des enjeux de l’IA et a fortiori de la nécessité de la data synthétique – les plus “en avance” étant bien évidemment les éditeurs de LLM. 

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