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Antoine de Saint-Affrique, l’homme qui redonne goût à Danone


Touché par une crise de gouvernance suite au départ d’Emmanuel Faber en 2021, le géant français de l’agroalimentaire aux 27,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires n’était plus que l’ombre de lui-même. Sous l’impulsion du nouveau patron, Antoine de Saint-Affrique, Danone semble retrouver une nouvelle dynamique.

Antoine de Saint-Affrique (Photo Photo by Laurent Zabulon/ ABACAPRESS.COM)

Lorsqu’il débarque chez Danone en septembre 2021, Antoine de Saint-Affrique (59 ans) prend la tête d’une multinationale en panne de croissance qui cherche un second souffle après la pandémie et une épiqe crise de gouvernance consécutive au débarquement d’Emmanuel Faber par le conseil d’administration.

Choisi au détriment de Max Koeune (ex-Danone, PDG du géant canadien McCain) et de Nathalie Roos (ex-L’Oréal, Kronenbourg, Mars), Saint-Affrique a entamé la relance de l’empire fondé par Antoine Riboud à sa manière : en se retroussant les manches. Antoine de Saint-Affrique n’est pas du genre à pantoufler. Quand Danone l’a appelé pour prendre la tête de l’empire, il n’a pas hésité une seule seconde.

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À l’époque, il venait de lever le pied professionnellement après six ans passés à la tête du groupe suisse Barry Callebaut, principal fournisseur de chocolat de Nestlé, Mondelez et Unilever. L’opportunité de participer au redressement d’une entreprise dans laquelle il a exercé dans les années 1990 — il travaillait pour la marque Amora à l’époque — était trop belle.

Plus entrepreneur que banquier d’affaires

Très vite, ce diplômé de l’ESSEC et d’Harvard insuffle une nouvelle dynamique. Avec une première décision marquante : alors que les marchés financiers l’incitent à orchestrer rapidement une vente à la découpe de Danone en se séparant de plusieurs activités stratégiques du groupe, Saint-Affrique, fin connaisseur du secteur, prend le contre-pied.

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Il décide de ne pas jouer au banquier d’affaires et fait le choix de transformer le groupe en douceur, en mettant en œuvre une « révolution à bas bruit », selon ses propres mots. Plus entrepreneur que banquier, le directeur général du géant de l’eau et des produits laitiers décide dans un premier temps de renouer le contact avec les salariés de Danone. Ces derniers, tourneboulés par la crise historique au sommet de Danone et à l’éviction de l’ancien PDG, Emmanuel Faber, en mars 2021, traversent une période de doute.

Pour relancer Danone, Saint-Affrique s’est retroussé les manches et est allé sur le terrain au contact des salariés. Le directeur général du leader français de l’agroalimentaire a réalisé une série de déplacements à travers le monde pour aller échanger avec ses troupes. Depuis son arrivée, il aurait consacré la moitié de ses jours à des déplacements internationaux. En septembre dernier, il était, par exemple, en Pologne pour rencontrer les équipes locales et officialiser un investissement de 50 millions d’euros dans une usine de nutrition médicale. À cette occasion, il a même mangé en compagnie de… Lech Walesa, leader historique de Solidarność.

Ce qu’il y a de frappant dans sa démarche, c’est que contrairement à de nombreux patrons du CAC 40, Saint-Affrique a pris soin de calquer ses décisions stratégiques au plus près des besoins exprimés par les clients, les salariés ou les fournisseurs. Une leçon à méditer.

Un redressement spectaculaire

Le nouveau plan de relance et la volonté de renouer avec le terrain fonctionnent. Depuis l’arrivée de Saint-Affrique, les résultats sont au rendez-vous. Le géant des produits laitiers, de la nutrition infantile et de l’eau s’est redressé. Les résultats financiers sont dans le vert, la croissance du chiffre d’affaires a plus que doublée et le recul de la marge opérationnelle a été stoppé.

En 2023, Danone a enregistré une progression de son chiffre d’affaires de 7 % à 27,6 milliards d’euros, tandis que sa marge opérationnelle est passée de 12,2 % à 12,6 %, grâce à la forte croissance enregistrée dans les pays émergents. Le chiffre d’affaires a même progressé en Europe (+ 5,9 %, à 8,9 milliards d’euros). Mais pour Saint-Affrique, la réussite de Danone ne tient pas seulement à la nouvelle feuille de route stratégique initiée en 2021.

« La culture des “Danoners” est incroyable, et d’ailleurs c’est ce qui a permis au groupe de tenir même dans les moments difficiles, assure le directeur général dans les colonnes du Figaro. Ce que nous avons réussi à faire dans un contexte d’inflation, d’instabilité géopolitique en Europe et de crise sanitaire prouve combien Danone en avait sous le pied. Et combien il en a encore. »

L’ancien officier de réserve navale, qui a passé plus de 20 ans à des postes de direction au sein du groupe britannique Unilever, a su garder la tête sur les épaules. Et si les transformations à l’œuvre au sein du géant des produits laitiers depuis son arrivée semblent porter leurs fruits, reste désormais à savoir si la bonne dynamique va se poursuivre jusqu’en 2025, année durant laquelle le mandat du sauveur de Danone arrive à échéance.

Victor Cazale

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