Tribune. Depuis la révolution industrielle du XIXème siècle, l’art de l’innovation trouve toute sa justification dans une économie en constante accélération. Le principe de destruction créatrice, cher à Joseph Schumpeter, s’est aujourd’hui développé à un niveau qu’on n’aurait jamais pu imaginer alors.
Il y a cent ans et plus, les innovateurs étaient des bâtisseurs d’industrie : Thomas Edison, Henry Ford, Walt Disney. Plus récemment, ce sont des « disrupteurs » : Steve Jobs, Jeff Bezos, Richard Branson. Aujourd’hui, les nouveaux barbares bousculent l’ordre établi, comme Elon Musk (Paypal, Tesla, SpaceX) ou Brian Chesky (Airbnb).
Tous ces leaders de l’innovation sont-ils des extra-terrestres, des gens qui disposent d’un don particulier, d’un chromosome unique ? Certainement pas. Chaque chef d’entreprise – c’est la conviction de Rowan Gibson, spécialiste de l’innovation et auteur de nombreux ouvrages – a la possibilité d’infuser de la créativité dans son organisation.
Un modèle émerge. Les nouveautés ne viennent généralement pas d’un individu, aussi brillant soit-il, mais d’une façon radicalement différente de regarder le monde. C’est ce qui ressort de la plupart des exemples d’innovations transformées en succès et qui caractérise les entrepreneurs qui en sont à l’origine.
- Contester l’orthodoxie
Un leader innovant n’accepte ni l’ordre établi ni les pratiques immuables. Il les conteste systématiquement et n’hésite pas à remettre en cause les principes les mieux ancrés dans l’ADN d’une entreprise. C’est ainsi que Nicolas Hayek a bouleversé l’industrie horlogère suisse avec la Swatch, d’un côté, le luxe de l’autre ou qu’Ingvar Kamprad d’Ikéa a pressenti les efforts (transport, montage) que le consommateur était prêt à consentir pour payer ses meubles moins chers.
- Dépister les tendances
Repérer les modèles qui, en évoluant, peuvent substantiellement changer les règles du jeu fait partie du quotidien des leaders innovants. Ils veillent à détecter les signaux faibles, les tendances naissantes et les amorces de ruptures. Jeff Bezos a compris, dès 1994, l’extraordinaire révolution que serait l’e-commerce sur Internet. Il s’est ensuite demandé quel business-model avait le plus de chance d’en profiter rapidement et s’est orienté sur la librairie en ligne, donnant naissance à Amazon. Reed Hastings de Netflix a, lui, saisi que le streaming de vidéos remplacerait inéluctablement la location de DVD.
- Valoriser ses ressources
Il vaut mieux considérer son entreprise comme un portefeuille de spécialités que comme un pourvoyeur de produits ou de services. Cela permet aux leaders innovants de chercher de nouvelles voies en redessinant, en redéployant ou en recombinant les ressources de l’entreprise vers des opportunités créatrices. C’est Walt Disney qui évolue du dessin animé vers le film, puis vers l’univers du loisir ou Richard Branson qui, à partir d’un petit éditeur de disques, déploie un groupe de plus de 400 sociétés.
- Comprendre les besoins
Les leaders innovants vivent dans la peau de leurs clients. Ils savent donc, d’abord, comment sont reçus leurs produits et leurs services, ensuite, ce qu’ils désirent à l’avenir. C’est ainsi qu’ils créent leurs nouveautés. Fred Smith avait compris la nécessité d’un service postal rapide. Il en est né Fedex. Personne n’a demandé à Steve Jobs un i-Pod, un i-Phone ou un i-Pad. Grand amateur de musique il en ressentait le besoin pour lui-même, en tant que consommateur.
Que peut-on apprendre des grands innovateurs ? Qu’il faut, même quand tout va bien, rester en éveil, contester sa propre réussite, toujours rester proche de son public et de la société, en général, pour en détecter les évolutions avant les autres. Et accepter l’échec, encore et encore.
Ainsi que répétait régulièrement Thomas Edison (inventeur de l’ampoule électrique) : « Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé 10 000 solutions qui ne fonctionnent pas. »
Par Alain Goetzmann
Alain Goetzmann, Coach et Conseil en Leadership & Management