Les nouvelles cessions d’actifs du groupe Casino dans le cadre global de sa stratégie de restructuration et de désendettement devraient donner lieu à des batailles rangées entre enseignes désireuses de reprendre pied dans la bataille ou d’accroître leurs parts de marché, comme Lidl. Une aubaine stratégique pour l’enseigne allemande qui souhaite conquérir 8% de parts de marché en 2020.
Les nouvelles du marché du retail se suivent et se ressemblent pour les grands distributeurs français. Les effets conjugués des tendances lourdes comme le e-commerce, avec une attractivité des hypermarchés en nette baisse auprès des consommateurs ou encore des changements de modes de consommation, conjugués avec des phénomènes plus conjoncturels et aux effets plus ardus à quantifier mais loin d’être négligeables comme le mouvement des “Gilets jaunes”, ont ébranlé ces derniers temps des positions qui paraissaient solidement acquises.
L’étude “Tendances Consommation et Enseignes” publiée par Kantar Worldpanel fin août a ainsi confirmé le recul des enseignes de grandes distribution françaises et la forte progression de l’allemand Lidl au-dessus des 6% de parts de marché au P3 en avril dernier. Cette tendance, loin d’être un épiphénomène, est révélatrice des mutations du secteur du retail en France et devrait conduire, dans les prochains mois, à une nouvelle séquence d’évolution structurelle du marché.
Du hard au soft discount, les ressorts de l’essor de Lidl en France
Lidl connait une progression constante depuis plusieurs années, passant de 4,9% de PdM en 2015, à 5,6% en 2017 et jusqu’à 6,1% en 2019, avec un objectif de 8% à l’horizon 2020. A bien des égards, le changement de stratégie du groupe a provoqué cette évolution, et cela passe tout à la fois par une refonte de la communication, allant de pair avec un nouveau positionnement, ainsi que l’élaboration d’une nouvelle gamme de produits. En parallèle, cette stratégie est appuyée par des investissements significatifs consistant, notamment, à racheter de la surface à ces concurrents directs. Inaugurée en 2015, soit trois ans après l’annonce de son nouveau plan stratégique de repositionnement, la signature de Lidl “le vrai prix des bonnes choses”, incarne le basculement du hard au soft discount que l’enseigne allemande souhaite incarner. Un pas de côté salutaire puisque le hard discount apparait aujourd’hui plus que jamais en perte vitesse.
Lidl, dans le cadre de cette stratégie de montée en gamme, poursuit un objectif précis qui consiste à devenir, d’ici à 10 ans, un “supermarché de proximité à l’assortiment sélectionné”. Pour y parvenir, outre la communication et la publicité, l’enseigne allemande s’est séparée de dizaines de magasins non profitables pour au contraire driver les investissements vers les assets les plus profitables du groupe. La surface moyenne des magasins est ainsi passée de 800 à 1200 m². Un chiffre qui, à lui seul, résume l’évolution des enseignes du groupe.
La guerre Lidl-Leclerc n’aura pas lieu
Pour atteindre son objectif de 8% de Pdm en 2020, Lidl se heurte au défi d’un déploiement plus large en France via l’acquisition de nouvelles surfaces commerciales. Pour y répondre, le distributeur a déjà racheté plusieurs magasins Leader Price, de supermarchés Casino et de Géant Casino comme en février dernier, lorsque Lidl a acquis un total de 34 magasins, dont 17 Leader Price au groupe Casino.
Face à ses concurrents comme
Leclerc, le groupe allemand parait aujourd’hui le mieux placé pour profiter des
cessions d’actif de Casino. Avec un chiffre d’affaires de 104,3 milliards sur
l’exercice 2018 pour le groupe Schwarz, la maison mère de Lidl et de Kaufland,
contre 37,75 milliards d’euros pour le groupe de Michel-Edouard Leclerc,
la rivalité entre les deux enseignes apparaît largement asymétrique. En
d’autres termes, le groupe Schwarz, tiré par l’expansion et le fort
développement de Lidl, dispose des ressources financières nécessairement pour
procéder aux achats d’actifs nécessaires à sa stratégie de développement sur le
marché français, quand le groupe E.Leclerc semble apparaître en retrait. S’il
ne fallait qu’un exemple pour illustrer cette dynamique à deux vitesses,
l’acquisition par Lidl de la majorité d’un lot proposé par Casino en février
2019 face à Leclerc apparait pour le moins révélatrice. Une aubaine stratégique
pour Lidl, qui n’en demandait pas tant pour se hisser à la mesure de ses
grandes ambitions sur le marché français.