Marion Carrette est connue jusqu’à présent dans le monde de la French Tech pour avoir lancé OuiCar. Aujourd’hui, cet Essec de 46 ans change de voie et se lance dans le traditionnel avec la reprise de la vieille marque Anny Blatt.
Diplômée de l’Essec il y a 25 ans, elle commence par travailler dans une agence web connue en tant que directrice de clientèle, mais sa personnalité la fait rapidement basculer vers la création d’entreprise.
Une pro de la tech
Ce sera d’abord Ecrito, une agence de contenus spécialisés pour le web. Sept ans plus tard, Zilok voit le jour, qui rencontre rapidement son public en proposant un site de location d’objets entre particuliers. L’économie collaborative en est encore à ses débuts, mais la startup ne tarde pas à réunir une communauté de plus de 400 000 membres. Cinq ans plus tard, ce sera OuiCar, plateforme de location de voitures pour les particuliers, dont le plus par rapport à la concurrence était d’inclure une assurance tous risques. Une idée qui lui vient alors qu’elle ne trouve pas de voiture de location à la gare de Marseille pour se rendre quête de nouvelles idées, de concrétisations, avec une appétence marquée pour la nouvelle économie et le service.
2018, le déclic
Marion Carrette cède la majorité du capital de OuiCar en 2015 à la SNCF, tout en continuant à en être la directrice opérationnelle. Ce n’est pas la pandémie qui la freine avec Marseille, et l’intention de consacrer plus de temps à sa famille. Femme d’action, elle ne s’imagine pas vivre sur ses lauriers bien longtemps, quand bien même la région prête au farniente. Elle est en quête d’un projet épanouissant qui puisse lui permettre de s’engager pour un nouveau défi, tout en restant dans le Sud. Le secteur n’est pas d’une importance primordiale, l’important est que le projet soit porteur de sens.
Du virtuel au concret
Peut-être le fait d’avoir toujours travaillé dans des activités directement liées à l’économie numérique lui fait ressentir à présent ce besoin de concret après avoir travaillé aussi longtemps dans le « virtuel ». Autre élément que Marion Carrette met en avant pour cette nouvelle aventure, la possibilité d’atteindre une rentabilité assez rapide, contrairement à ce qui a pu se passer avec OuiCar ou avec toutes les startups qui réalisent des méga-levées de fonds, mais ne parviennent pas à gagner de l’argent. Sa conviction personnelle est que trouver des fonds n’est pas un aboutissement en soi, mais uniquement le moyen de créer une activité qui pour être pérenne se doit d’être rentable dans un délai raisonnable.
Anny Blatt alors à l’agonie
Le textile n’a jamais été un secteur facile, mais la marque Anny Blatt a longtemps su résister. C’est la Filature Pierre de Loye située dans le Vaucluse qui en est propriétaire depuis des années. Mais la liquidation devient inévitable sans repreneur solide et intervient pendant l’été 2019. Marion Carrette décide alors de se lancer. Qui sait, ses racines lilloises sont peut-être en éveil face à ce secteur textile, longtemps industrie majeure du Nord de la France ? Sitôt trouvé, sitôt fait. Elle rachète la marque, mais ne peut reprendre la filature. Il lui faut donc trouver des solutions.
Un défi d’une autre nature
C’est un tout nouveau métier qu’aborde Marion Carrette, c’est aussi ce qui la motive, la découverte, le lancement, la recherche de la voie du succès, mais aussi la préservation et la création d’emplois. Elle décide de s’associer à l’ancienne styliste de l’entreprise. Il a fallu retrouver une production de fils angora en poils de lapin, une teinturerie, et un atelier situé en Mayenne qui fonctionnera à la demande. Il s’agit d’un business-modèle atypique, la commande génère la fabrication pour une livraison en moins de 15 jours. Pas de stock, ni de gaspillage, ni de soldes. Le processus imaginé est le plus simple et le plus efficace possible.
Entrepreneurs de père en fils
Marion Carrette est donc repartie à l’attaque, elle qui a la fibre entrepreneuriale dans le sang, comme son père et grand-père avant elle qui étaient eux-mêmes entrepreneurs. Elle dit avoir toujours vu son père travailler énormément et aimer faire ce qu’il faisait, elle ne s’est donc jamais posé de question dès le lycée sur sa vocation : il était évident qu’elle créerait sa société, avec l’aide des conseils paternels, un véritable plus. Les années lui ont appris à diriger en stressant moins, avec une vie et un caractère stable, en évitant les sautes d’humeur car un chef d’entreprise ou un manager ne peut être lunatique. Elle a également appris à couper le cordon ombilical qui la relie à l’entreprise pendant les moments de détente. Son conseil pour les jeunes qui voudraient se lancer ? Il est bon de monter son entreprise là où l’on a envie de vivre.
Une vision de la mission de patron
Pour elle, un patron dans le vrai sens du terme peut s’exprimer tout autant dans une société de quelques personnes que dans d’autres dimensions, plus impressionnantes. Quels que soient les discours existants sur les patrons, son avis est qu’il y en a de toutes sortes, mais que tous ne sont pas des entrepreneurs, raison pour laquelle elle ne se retrouve pas toujours dans l’image qu’on lui renvoie. La problématique face aux grandes aventures américaines, telles Mark Zuckerberg ou Elon Musk qui font rêver, est à son avis que les faits sont têtus. Face à ces géants, le marché français est tout petit. Quant au marché européen, il n’existe pas vraiment selon elle, du moins pas au sens du marché américain.