Après avoir frôlé la disparition, la marque renoue avec la prospérité et ne craint plus de s’attaquer aux géants mondiaux avec de solides arguments.
Cette PME française, créée en 1988 par un ingénieur, Henri Crohas, a lancé le premier baladeur MP3 avec disque dur, la première tablette sous Android et la première tablette avec un clavier connecté ! Mais être un précurseur dans un environnement mondialisé ne garantit pas le succès.
En 2012, le CA (154 M€) recule de 9,6% par rapport à l’année précédente et l’entreprise enregistre une perte nette de 38,7 M€. Le cours en Bourse s’effondre, contraignant son fondateur à abandonner la direction exécutive au profit d’un nouveau directeur général, Loïc Poirier, passé par le constructeur de PC Packard Bell mais aussi pas l’équipementier automobile Faurecia.
Une expérience qui lui donne une vision stratégique en termes de diversification mais aussi de sourcing. Sa première décision stratégique ? S’attaquer au marché, pourtant très concurrentiel, des smartphones.
Des produits remarqués
En février dernier, lors du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone, le rendez-vous annuel de la profession, Archos a créé la sensation en présentant ses nouveaux smartphones, les Diamond 2 et Diamond 2 Plus, aux caractéristiques haut de gamme pour un prix inférieur à 250 €.
«Nous sommes devenus le 7ème acteur en Europe en 2 ans et demi seulement, et nous pouvons gagner encore des parts de marché. Une étude récente révèle que 86% des Français ne veulent pas dépenser plus de 250 € pour leur portable mais souhaitent le renouveler tous les ans. Nous sommes positionnés sur ce cœur de marché», explique Loïc Poirier, pour qui Archos a un fort potentiel de développement. Pas question cependant de négliger les tablettes, un marché où la marque française pointe actuellement à la 5ème place.
«Même si le marché est en légère décroissance, il représente 300 millions de pièces par an, plus que les PC. Beaucoup de nos concurrents abandonnent ce secteur, d’autres se montrent moins agressifs. Résultat ? Nous regagnons donc des parts de marché. Il y a un énorme potentiel pour nous, notamment dans l’éducation, où on attend prochainement de très importants volumes».
Archos ciblant principalement le créneau des tablettes connectées (80% de ses ventes), la conception et la production des produits sont très proches de celles des smartphones.
Excellence technique
Archos dispose également d’un autre levier de croissance : en rachetant en 2014 Logic Instruments, qui propose des produits durcis et un service complet de personnalisation de produits mobiles pour les grands comptes, la PME a attaqué le marché des entreprises.
Et la signature d’un partenariat avec l’américaine Sikur pour le développement d’un smartphone sécurisé, le Granitephone, ouvre de très intéressantes perspectives, sur des marchés à haute valeur ajoutée et donc à fortes marges.
Si, dans les années 2000, l’image de l’entreprise a été ternie par des produits, notamment des tablettes mal conçues et mal produites, cette page est définitivement tournée. Archos investit dans la recherche et développement, à l’image du réseau PicoWAN pour les objets connectés.
Ce savoir-faire est désormais reconnu par les institutions, l’entreprise ayant ainsi été retenue, aux côtés de Thales, SFR, Eolane et l’université Pierre et Marie Curie (Paris VI), dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir pour le développement de terminaux sécurisés. Une distinction dont se félicite Loïc Poirier : «Le choix de l’État, qui a sélectionné Archos comme partenaire technologique dans la fourniture de terminaux pour les réseaux de radiocommunications sécurisés du futur, confirme notre position de leader français en matière d’innovation».
Cet ambitieux projet représente un investissement de 55 M€, dont 23 M€ apportés par l’État, pour des premiers résultats à l’horizon 2018.
Croissance et rentabilité
Aujourd’hui, Archos affiche des résultats plus que satisfaisants, avec 160 M€ de CA en progression constante, des résultats positifs (26,1 M€ de marge brute en 2015) et une situation saine.
Ce qui permet à Loïc Poirier d’affirmer fièrement : «Archos a traversé des tempêtes mais va très bien aujourd’hui ! Nous n’avons pas de dettes mais de l’argent en banque et 35 M€ de capitaux propres. Nous sommes très satisfaits car nous réalisons 20% de croissance dans une industrie qui progresse peu. Nous devrions poursuivre sur cette tendance en 2016 et atteindre les 200 M€ de CA, ce qui nous positionnerait en tant que 2ème entreprise de taille intermédiaire du secteur en France, derrière Parrot».
Pour obtenir ce résultat, le directeur général a un credo : optimiser la chaîne de valeur. «Pour nous distinguer, nous devons être capables de lancer de nouvelles collections tous les 4 ou 5 mois, avec les derniers composants». Il mise également sur la réduction des charges d’exploitation. Par rapport aux géants comme Apple ou Samsung, Archos fait peu de publicité mais table beaucoup sur le marketing viral.
La PME souhaite désormais s’imposer comme un acteur incontournable de la mobilité sur le marché des smartphones, tablettes, ordinateurs et objets connectés, mais aussi améliorer sa marge brute grâce à une montée en gamme et une offre professionnelle enrichie, sans oublier l’international, après avoir attaqué les marchés égyptien, vietnamien et nigérian en 2015.
«Nous avons déjà des contrats signés en Pologne, où nous allons ouvrir un bureau dans les tout prochains jours. Nous comptons ensuite nous étendre sur l’ensemble de l’Europe de l’Est». Et les choses se présentent plutôt bien : l’entreprise, qui a déjà enregistré 15% de croissance au 1er trimestre 2016, vient de conclure un accord de financement sous la forme d’un prêt de 12 M€ avec la Banque européenne d’investissement (BEI). De quoi envisager l’avenir avec sérénité.