Valorisation en chute libre, rémunération mirobolante, actionnaires mécontents… Alors que le groupe Lagardère vaut deux fois moins qu’il y a 15 ans, les émoluments de son Pdg font jaser.
L’ex-grand magnat de la presse magazine mondiale, qui contrôle le groupe éponyme depuis le décès de son père, Jean-Luc Lagardère, en avril 2003, s’est-il enrichi pendant que son groupe accumulait les pertes ? Selon Le Canard Enchaîné, l’héritier de l’empire familial aurait empoché, à 58 ans, près de 500 millions d’euros depuis sa prise de fonction il y a 16 ans, soit 31 millions d’euros annuels. Au point que certains se demandent si l’héritier n’as pas muté du statut d’entrepreneur à celui de rentier.
En tant que dirigeant, Arnaud Lagardère (58 ans) a reçu 36 millions d’euros. Comme actionnaire, via la holding Lagardère Capital & Management (7,4% du capital), il a encaissé 410 millions d’ euros. Sa holding personnelle, qui détient 1% des titres, lui a permis de percevoir un « dividende statutaire », soit 50 millions d’euros sur l’ensemble de la période. Le souci, c’est que dans le même temps, l’entreprise a vu sa valeur fondre de moitié, passant de 6,4 milliards d’euros en 2003 à 3,2 milliards aujourd’hui. Sur la même période, la valorisation des sociétés du CAC 40 a été multipliée par deux…
Cette gestion baroque et ces résultats catastrophiques ne sont pas du goût de certains actionnaires. Ils ont même été au coeur d’un affrontement entre les principaux détenteurs de titres début mai. Le fonds activiste Amber Capital était en première ligne. Deuxième actionnaire commanditaire du groupe avec plus 5% des parts, l’institution dirigée par Joseph Oughourlian a violemment mis en cause les rémunérations et les performances des dirigeants actuels du groupe français. Les résultats financiers ? « Décevants », selon le fonds britannique. Les résultats de la gérance en place ? « Pas
satisfaisants ».
Au rayon des critiques, Amber Capital cite également le fait que l’action Lagardère qui « sous-performe », mais aussi que la gestion est « opaque » ou que les rémunérations sont « excessives ». Les dépenses de la holding personnelle d’Arnaud Lagardère, LC&M, sont également dans le viseur d’Amber. Selon le fonds, « les coûts facturés par LC&M à Lagardère sont passés de 11,7 millions d’ euros en 2003 à 21 millions d’ euros en 2018, soit une augmentation de 79% alors que le résultat net par action a baissé de 40% sur la même période ».
Le Qatar à la rescousse
Arnaud Lagardère n’a pu repousser les menaces de son turbulent actionnaire britannique que grâce au concours de l’actionnaire principal, Qatar Holding, qui détient toujours 13% des parts et 19% des droits de vote. La stratégie proposée par Amber Capital — une accélération des cessions pour enclencher le recentrage du groupe sur l’édition et le commerce aéroportuaire, et la vente des branches « structurellement déficitaires », soit la filiale dédiée aux médias (Europe 1, Paris Match, Le Journal du dimanche) et le département sports et divertissement (droits marketing et audiovisuels sportifs) — n’est donc plus à l’ordre du jour à court terme.
Finalement, si la tempête s’ annonçait houleuse, elle n’a pas perturbé le navire Lagardère. Au terme de l’assemblée générale, les principaux actionnaires ont renouvelé leur confiance au gérant en commandite, Arnaud Lagardère. L’héritier de l’empire Lagardère a désormais les coudées franches pour poursuivre son recentrage stratégique. L’heure glorieuse de l’épopée industrielle de Matra semble bien éloignée…