Arnaud Montebourg a parcouru du chemin depuis les années Valls/Hollande. Le tout récent sexagénaire s’est lancé depuis plusieurs années dans le secteur de l’agroalimentaire et a des idées bien arrêtées sur la souveraineté industrielle française.
L’ ancien ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique français a su réussir sa transition en se positionnant en tant que chef d’entreprise et défenseur de l’industrie made in France. Devenu le chantre de la souveraineté alimentaire, il intervient aujourd’hui un peu partout sur le territoire national afin de défendre son approche, prêchant sa bonne parole auprès des structures territoriales, au salon de l’Agriculture, comme dans les médias.
DES CONVICTIONS PROFONDÉMENT ANCRÉES
Il y a déjà plus de dix ans, le ministre alors en exercice déclarait que la troisième Révolution industrielle française se ferait autour du made in France. Cette idée de patriotisme économique n’a fait que s’approfondir avec la nouvelle vie d’Arnaud Montebourg, devenu chef d’entreprises. Parfois moqué, parfois admiré, son parcours est pour le moins atypique, mais il ne cesse de parcourir la France pour mettre en avant la voie que doit suivre le pays, des pistes qui ressemblent parfois à un programme.
LE « DÉMONDIALISATEUR », UN SURNOM QUI LUI VA COMME UN GANT Arnaud Montebourg est fidèle à ses idées de démondialisation. Selon ses dires, la crise climatique ne peut qu’aboutir à sa véritable décroissance, signalant par là même l’avènement d’un Nouveau Monde. Ce « rétrécissement du monde » pour le citer est absolument irrésistible, les trente années d’internationalisation à tout crin ne vont plus dans le sens de l’histoire. Circuit court, réindustrialisation, reconstruction doivent être les nouvelles priorités. Cohérent dans sa démarche, il s’applique à lui-même ce discours de par ses choix entrepreneuriaux.
MIEL, AMANDES, PRODUITS LAITIERS, TRANSPORT…
L’ancien ministre a commencé par une initiative qui ne pouvait que séduire, l’apiculture et les abeilles, dont la survie est en jeu. Et pour être parfaitement clair, il a dénommé son entreprise Bleu, Blanc, Ruche, une autre façon de mettre en avant ses idées, comme lorsqu’il avait porté sa fameuse marinière. Avec une autre de ses initiatives, la naissance de la marque « La Mémère » pour des glaces naturelles et biologiques, l’idée mise en avant est de privilégier le circuit court, voire ultra-court.
Avec la Compagnie des Amandes et son offre écoresponsable et équitable, le nouvel entrepreneur poursuit en s’associant avec des agriculteurs qui restent propriétaires des terrains dans le but commun de parvenir à recréer une filière de l’amande française. Il ne s’agit pas de ses uniques initiatives, la dernière porte d’ailleurs sur un autre terrain que l’alimentaire.
Ferromobile est son dernier coup de coeur. Imaginez un véhicule électrique de série placé sur rail, une innovation dans laquelle a investi Arnaud Montebourg. Il s’agit de trouver une solution pour transporter les citoyens sur les petites lignes TER qui ne trouvent plus leur public.
Cette sorte de taxi ferroviaire est appuyé par des partenaires tels que Stellantis ou Alsthom. Un test doit intervenir dans le Sud-Ouest.
Les critiques ont beau parfois fuser, comment reprocher à un ex-ministre de se lancer, tester, tenter de nouvelles approches dans les TPE « à bénéfice public » qu’il a créées ou dans lesquelles il investit. La notion de partage de la valeur est l’un de ses chevaux de bataille. D’autant qu’il a suivi la célèbre formation de l’Institut de Management de l’Insead pour mieux se préparer à sa nouvelle mission.
Une façon également de se heurter aux multiples réglementations qui viennent compliquer, parfois empêcher, les initiatives. Un challenge intéressant pour ce fils de fonctionnaire, lui-même ancien parlementaire et responsable
gouvernemental.
MONTEBOURG DÉCROISSANT ?
Il se défend de l’être. Ou plutôt il dit ne pas avoir d’idéologie sur le sujet étant donné que dans la nouvelle économie qui se profile, certains secteurs seront non seulement décroissants, mais en voie de disparition, tandis que d’autres vont exploser. Il va même jusqu’à prédire la naissance du siècle des origines, le consommateur souhaitant absolument connaître quoi, quand, comment sur tous les produits qu’il achète.
Si cette tendance existe effectivement, elle est cependant contrariée par les approches budgétaires des foyers français. Le succès de nouvelles enseignes telles qu’Action ou de e-commerce comme Shein est là pour mettre un bémol. Le prix reste une donnée incontournable.
L’homme est clair quant aux financements possibles pour aller de l’avant, il est possible de réindustrialiser pour revenir au niveau notamment grâce au plan de relance européen de 50 milliards qui est sur la table. Autre source de financement, l’épargne des Français, soit quelques 3000 milliards d’euros dont un pourcentage pourrait être dédié à l’économie industrielle, par un système obligatoire lors de la collecte par exemple.
LA QUESTION DE LA DÉFENSE
Arnaud Montebourg a évoqué à plusieurs reprises l’ITARisation des entreprises, du nom de cette loi nord-américaine qui liste les produits sensibles donnant lieu à une autorisation avant exportation. Une loi qui touche les entreprises américaines, mais aussi les entreprises étrangères. Cela a mené notre homme à prendre position dans l’affaire de l’entreprise Segault qui équipe des bâtiments militaires et des centrales nucléaires. Une offre officielle de reprise a été déposée par Arnaud Montebourg, en association avec Otium Capital pour contrecarrer la tentative d’achat américaine. Reçu par le gouvernement, cette option a été bien accueillie, l’optique étant qu’effectivement, Segault reste une société française.
Arnaud Montebourg ne peut laisser indifférent, quelle sera sa prochaine initiative entrepreneuriale, nul ne le sait. Sans être protectionniste, il veut une France forte, sur la voie de la décarbonation, pourquoi pas avec du nucléaire, fière de son made in France et de ses relocalisations. Une France qui ne veut pas céder de terrain face aux États-Unis ou à la Chine sur le sujet de la souveraineté Un programme séduisant dont on ne sait plus vraiment s’il est celui de l’entrepreneur ou de l’homme politique. Cela tombe bien, on a besoin des deux.
Anne Florin