Debussy, premier casque audio autonome et intelligent, a été inventé par un Français : Arnaud Perret. Fils et petit-fils d’industriels, l’entrepreneur savoyard de 31 ans a su s’entourer des meilleurs pour concevoir un produit haut de gamme. Le fondateur de Funky Sound Studio compte vendre ses casques aussi bien à Dubaï qu’à San Francisco.
« On ne savait pas qu’il allait être là. Lorsqu’on l’a su, tout le monde trépignait, on était excités. » Derrière ce « il » se cache un mythe : Stevie Wonder. De passage au dernier CES de Las Vegas, la légende de la pop, réputée pour ses facultés auditives hors normes, chemine nonchalamment dans les travées du salon phare de la high-tech lorsqu’il croise la route d’Arnaud Perret.
L’entrepreneur français, fondateur de la start-up Funky Sound Studio, alpague les gardes du corps du chanteur aux 22 Grammy Awards et s’adresse directement à Stevie Wonder.
« Après lui avoir donné le casque, explique-t-il, j’ai eu peur… Jusqu’au moment où il m’a dit que le son était bon. » Pour la petite anecdote, Stevie Wonder a placé sur ses oreilles un prototype créé quelques mois plus tôt dont la particularité est d’avoir cassé quelques heures avant le départ d’Arnaud Perret pour Las Vegas.
« Nous avons quitté la Haute-Savoie pour dormir à l’hôtel à Paris avant de partir pour Las Vegas, raconte le startuper. J’ai dû trouver à 18h un prototype pour changer la pièce en urgence. Le matin du départ, je me suis levé à 5h pour réparer l’original, alors que mon avion décollait à 6h30 ! »
Gucci, Orange, Free, Spotify…
Cette course contre-la-montre valait le coup : la vidéo a dépassé les 500.000 vues sur YouTube et des millions de personnes ont découvert l’un des tous premiers modèles de casques produits par Funky Sound Studio sous la marque Debussy. Au-delà de l’anecdote, le CES, « une plateforme de visibilité unique », a permis à Arnaud Perret de faire connaître son produit après tout le travail accompli autour de ce projet hors normes.
« J’en ai vraiment bavé, on ne m’enlèvera pas cette récompense. » Les casques Debussy ont été cités dans plus d’une centaine d’articles déclinés dans une quinzaine de langues différentes aux côtés de grandes marques comme Sony ou AKG.
« Nous avons aussi réalisé beaucoup de vidéos, effectué des rencontres avec des investisseurs, des partenaires, des prestataires… Nous avons eu la chance de rencontrer des stars, mais aussi des grands groupes comme Gucci, Orange, Free, Spotify, Kickstarter, Indiegogo (financement participatif, Ndlr)… » Arnaud Perret a également été contacté par des ingénieurs du son du groupe Coldplay.
Fusion entre « un casque pour audiophile et d’un iPhone X »
Un mois après, Arnaud Perret, qui était suivi par deux caméramans de Canal+ lors du CES, assure ne pas encore réaliser l’impact d’un tel « coup marketing ». Cet engouement s’explique d’abord par la révolution que propose le produit. Premier casque autonome et intelligent, fusion entre « un casque pour audiophile et d’un iPhone X », le bijou de la start-up française Funky Sound Studio a la particularité de pouvoir se passer d’un smartphone : il fonctionne en 4G et permet même de passer des appels.
L’utilisateur peut ainsi le contrôler directement depuis son écran tactile situé sur l’oreillette, par commande vocale ou depuis sa smartwatch. Fonctionnant sous Android, ce casque permettra également d’installer toutes sortes d’applications (Skype, Whatsapp…).
Outre l’aspect ludique de l’objet, Arnaud Perret compte bien adresser le marché B2B. « Un collaborateur travaille mieux les mains libres, dit-il. Il pourra répondre à un appel avec la commande vocale tout en tapant sur son ordinateur. » Les casques Debussy sont en outre évolutifs et de nouvelles fonctionnalités verront le jour via de nouvelles applications, un traducteur d’appels en temps réel notamment.
« Le casque audio le plus performant au monde »
L’acoustique des casques a été réglée par Antoine Chabert, qui a reçu trois Grammy Awards pour son travail sur l’album « Random Access Memory » des Daft Punk.
« Le casque proposera des couleurs de musique différentes selon le type de musique écoutée, glisse Arnaud Perret. Le but, c’est de faire le casque audio le plus performant au monde. » Le projet s’est déjà attiré les louanges de startupers aguerris. A l’image des instigateurs de iBubble ou Hexo+ (Antoine Level, CEO d’Hexo+, a des parts dans Funky Sound Studio, NDLR) qui n’hésitent pas à affirmer que le projet d’Arnaud Perret « est du niveau d’Apple ».
« C’est une révolution ! »
« Au niveau français, poursuit l’entrepreneur français, c’est une révolution. Aucune start-up n’a jamais porté un projet d’un tel niveau et d’une telle ambition. »
Si 250 personnes sont à l’oeuvre sur le projet, cela tient à la méthodologie particulière d’Arnaud Perret qui fait appel à des prestataires répartis dans le monde entier. « Je prends les meilleurs dans chaque domaine. »
Parmi les partenaires du projet, on retrouve donc A-Volute, spécialiste français du son 3D, la PME grenobloise Sogilis, le fabricant américain de produits technologiques Whiz Systems, implanté dans la Silicon Valley, ou encore le constructeur japonais S’Next. Sans compter des ingénieurs du son de France 3, plusieurs designers et une équipe marketing fournie. Une petite armada au service d’un projet déjà financé avant même d’avoir commercialisé le moindre produit.
La particularité de la start-up savoyarde est en effet d’avoir déjà levé des millions avant de générer le moindre chiffre d’affaires : 3 M€ en quelques mois, alors que les pré-ventes débutent en mars via une campagne de crowdfunding sur Kickstarter et que les premiers casques seront envoyés entre 12 et 18 mois plus tard.
« C’est le premier million en fonds privé qui a tout déclenché », précise Arnaud Perret. Derrière, Debussy a tapé dans l’oeil de la BPI et a obtenu un prêt bancaire (1 M€). Commune aux Etats-Unis, cette précocité dans le financement est plus rare en France. Comment l’expliquer ? Les précédents projets sur lesquels avaient travaillé Arnaud Perret (Hexo+ et iBubble Camera) ont sans doute aidé à crédibiliser celui-ci. « On avait fait de grosses campagnes ayant démontré notre méthodologie. »
Quelles furent les principales postes de dépenses ? « La R&D, le marketing, la préparation de la campagne KickStarter, les réseaux sociaux, l’identité de marque, les partenariats avec des marques, des influenceurs… »
Des industriels de la région ont mis la main au portefeuille
L’amorçage de la start-up a été assuré par des figures du tissu industriel local. Fils et petit-fils d’industriels de la vallée de l’Arve – son grand-père a créé le groupe HPO (Holding Perret Olivier) -, Arnaud Perret n’a eu aucun mal à convaincre les autres industriels de la région d’apporter leur pierre à l’édifice : Jean-Claude Bontaz (Léman Indutries, 30 M€ de CA), Louis Pernat (Bouverat-Pernat, 9 M€) et Julien Dussaix (Alpen Tech, 76 M€) ont aidé au lancement de la jeune pousse locale.
« Ces industriels se situent tous au rang 2, ils sont des sous-traitants de Valeo, Radiall, PSA… Avec ce projet, ils accèdent vraiment au marché. » Fleuron mondial du décolletage (usinage de pièces métalliques), la vallée de l’Arve est depuis longtemps un des hauts lieux de l’industrie française, dont l’automobile est friande.
Au niveau du modèle économique, Funky Sound Studio a opté pour le multi-canal. La raison ? Avec ses produits à forte valeur ajoutée, la marque Debussy sera en mesure de proposer des systèmes d’abonnements et de location avec engagement, à l’image de ce qui se pratique déjà dans la téléphonie. Mais les casques Debussy présentent un autre atout : la multitude de données générées par les utilisateurs.
« La data, c’est de l’or. On saura où ils se trouvent, ce qu’ils font, ce qu’ils écoutent… » Autre caractéristique de Debussy : la start-up française, qui possède déjà un bureau à San Francisco, ne se cantonne pas au marché hexagonal. « Mon marché est international », affirme Arnaud Perret. Fin janvier, plus de 80% des pré-commandes venaient de Californie. Le modèle le plus cher, le Nathaniel (5000 euros), serait quant à lui très demandé à Dubaï. L’entrepreneur de Haute-Savoie qui se rêve en Steve Jobs français vise en premier lieu le marché américain, puis le marché chinois et enfin l’Europe.
Bêtises, prisons et start-up
Agé de 31 ans, Arnaud Perret n’a aucun diplôme. « Pas même le brevet des collèges. » Sa famille détient toujours la holding Perret et Olivier et fils, entreprise basée à Marnaz qui possède plusieurs usines de décolletage et de frappe à froid. « J’étais un peu turbulent, j’avais un potentiel mal maîtrisé. Du coup, j’ai navigué, j’ai quitté l’école à 17 ans et j’ai bossé dans l’industrie avec mon père, mais cela ne me plaisait pas. »
Cette enfance quelque peu chaotique va déboucher sur un court passage en prison et le port d’un bracelet électronique durant plusieurs mois. A sa sortie, il a 24 ans. Le gamin agité enfile le costume du startuper et la mue opère.
Il crée sa première entreprise, Mobile System Access. Très vite repéré par l’accélérateur grenoblois Startup Maker, il participe à deux projets : le drone sous-marin iBubble et le drone autonome Hexo+. C’est à ce moment-là qu’il découvre les stratégies propres aux start-up et rencontre ses mentors, des business angels, des avocats…
« C’est aussi à cette époque que le livre « The Lean Startup » d’Eric Price (entrepreneur américain, NDLR) est devenu ma Bible. » Entrepreneur, Arnaud Perret a toujours aspiré à l’être. « Je l’ai toujours su. Je savais que je ne roulerai que pour moi. Je suis un battant. Je ne me cache derrière personne et j’en récolte les fruits. »
En guise de mot de la fin, le premier Français à avoir placé son propre casque sur la tête de Stevie Wonder évacue la question de l’argent. « Dans notre société, glisse-t-il, ce qui est décisif, ce n’est pas l’argent qu’on gagne mais la façon dont on le gagne. »