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Qui se cache derrière le vin français dont raffole Francis Ford Coppola ?


Pionnier en matière d’études de marché, Jean-Louis Croquet a quitté Versailles pour devenir l’un des meilleurs vignerons du Sud-Est. Le réalisateur Francis Ford Coppola est un grand amateur des productions du domaine.

Entreprendre - Qui se cache derrière le vin français dont raffole Francis Ford Coppola ?

Pionnier en matière d’études de marché, Jean-Louis Croquet a quitté Versailles pour devenir l’un des meilleurs vignerons du Sud-Est. Le réalisateur Francis Ford Coppola est un grand amateur des productions du domaine.

Un belle reconversion ! Car avant d’avoir la tête dans les pieds de vigne, Jean-Louis Croquet, 72 ans, a longtemps enfilé d’impeccables costume-cravate pour vivre le rythme effréné de l’entrepreneur. D’abord avec Motivaction, créée en 1973, spécialisée dans les études de marché, puis chez TNS Sofres.

Mais incapable de tenir en place et toujours en quête de challenge, cet ancien joueur de rugby quitte, en 1997, son statut de cadre dirigeant à l’institut de sondages pour racheter Château Thuerry et vivre de sa passion.

D’une vie à l’autre

«J’ai deux passions dans la vie : le rugby et le vin. Je suis un véritable épicurien ! J’aime les traditions, notamment déguster de bons vins. Alors autant essayer d’en produire», explique ce natif de Versailles. Ainsi, en 1975, il achète un petit vignoble à Chablis, en Bourgogne. Associé à un vigneron local, il apprend année après année les rudiments du travail de la vigne et de la vinification.

«C’est l’un des rares métiers où l’on devient meilleur avec le temps», ironise-t-il. Après 25 vendanges bourguignonnes, l’ancien joueur du Versailles Rugby Club souhaite s’émanciper totalement, quitter TNS Sofres pour devenir vigneron à temps plein. «55 ans, le bon âge pour entamer ma seconde vie. Grâce à l’expérience acquise en Bourgogne, je me suis senti capable de devenir véritablement vigneron, voire si possible un grand vigneron». Encore faut-il pour cela trouver le bon domaine…

Vers l’excellence

En 1997, libéré de ses obligations parisiennes, Jean-Louis parcours plusieurs mois les routes de France à la recherche de la perle rare. «J’ai visité beaucoup de châteaux et domaines dans le Bordelais, en Bourgogne, en Champagne, du côté de la Loire… J’ai même poussé jusqu’aux vignobles de la Rioja en Espagne… mais rien ne m’emballait».

Septième sur sa liste de 15 noms, Château Thuerry, situé au cœur du parc régional naturel du Haut-Var-Verdon, fait pourtant craquer le quinqua. «Lorsque j’ai vu Thuerry, j’ai eu un véritable coup de foudre pour la bâtisse templière, le paysage, les arbres… Tout me plaisait ! J’ai aussitôt annulé toutes les autres visites. Je venais de trouver la perle rare !». Il faut dire que ce domaine viticole, qui couvre 340 hectares, dont 45 hectares de vignes et quelque 750 oliviers, a de quoi séduire.

Pour acquérir le château implanté en plein milieu de la campagne provençale, Jean-Louis Croquet débourse 45 millions de francs (8,8 M€). Et le nouveau propriétaire n’a qu’une idée en tête : «En faire le Petrus du Sud-Est». Le nouveau maître des lieux ne va pas lésiner sur les moyens, notamment avec la construction en 2000 d’un chai de 2.300 m² pour près de 7 M€. Surnommé «la cathédrale», ce chai, réalisé par le cabinet d’architectes Leibar-Seigneurin à Bordeaux, fait désormais parti des plus beaux chais du monde.

Là où certains y voit de la démesure, le pétillant propriétaire parle de nécessité : «Pour devenir le meilleur, vous avez besoin de vérifier que le terroir est de bonne qualité, puis faire les plantations en conséquence. Il vous faut ensuite les bonnes techniques de vinification… sans oublier un chai à la hauteur de vos ambitions». Pari réussi pour l’ancien rugbyman puisque ses vins tranquilles, qui comptent parmi les fleurons du vignoble provençal, sont présents sur les tables des plus grands chefs comme Ducasse ou Robuchon.

Des perspectives internationales

Si la région est surtout connue pour ses rosés, Jean-Louis Croquet a, dès le départ, souhaité une production diversifiée. «Sur les 180.000 bouteilles que nous produisons chaque année, 45% sont des vins rouges, 45% des rosés et 10% des blancs. À terme, je souhaite même diminuer la production de rosé en faveur du rouge et du blanc».

Un parti pris qui séduit la clientèle locale, nationale et internationale puisqu’un tiers de la production part à l’étranger, notamment en Europe du Nord, (Belgique, Hollande, Norvège, Suède). Une ouverture sur le monde que Jean-Louis Croquet n’a pourtant pas recherché. «Nous avons la chance d’être au cœur d’une région très touristique.

Menton, Monaco, Nice, Cannes attirent chaque été des millions de touristes étrangers qui consomment et boivent local. Beaucoup de nos importateurs ont ainsi découvert notre production au cours d’un séjour en Provence».

Francis Ford Coppola en ambassadeur !

Encore peu présents aux États-Unis, les vins étant uniquement vendus dans l’État de New York, en Floride et au Texas, Château Thuerry dispose pourtant d’un ambassadeur de choix sur le sol américain ! Francis Ford Coppola, metteur en scène mais également producteur de vin californien depuis 35 ans.

Si le réalisateur d’«Apocalypse Now» connaît si bien les vins du Château Thuerry qu’il apprécie énormément, c’est grâce à sa fille Sophia, épouse depuis 2011 de Thomas Mars, le fils de Jean-Louis Croquet. De quoi donner des idées d’export vers la Californie au vigneron français…

«Il est difficile de s’implanter aux États-Unis, mais Francis me pousse à investir. D’ailleurs, depuis quelque temps, nous réfléchissons à un achat commun, peut être un vignoble en Argentine… Et nous l’appellerions la Wine Croquolat Connexion». Un projet motivant pour ce Versaillais qui n’envisage pas une seconde de prendre sa retraite.

 Château Thuerry, un domaine à déguster

CA : 1,5 M€

Production annuelle : 180.000 bouteilles

Actionnariat : 100% Jean-Louis Croquet

Concurrence : Domaine de La Croix de Vincent Bolloré, Château l’Hospitalet de Gérard Bertrand, les Domaines Paul Mas

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