Xavier Niel continue d’étonner. Toujours fourmillant de projets et d’idées, le voici qui se lance dans un monde qui pensait-on, lui était quelque peu étranger, l’agriculture. L’homme d’affaires créé un campus agricole de 600 hectares à 1h30 de Paris pour inventer l’agriculture de demain.
Le campus agricole n°1
600 hectares en région parisienne, dans le parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse, un château du XVIIe siècle, acheté pour 18,4 millions d’euros, voici qui permet d’imaginer bien des réalisations. De l’immobilier, une zone d’activités, un parc naturel ? Non, il s’agit d’Hectar, un campus de formation, mais aussi un accélérateur de startups susceptible de générer des innovations dans un domaine bien précis : l’agriculture (…)
Vers une agriculture régénératrice
Mais attention, pas la traditionnelle, non, il s’agit ici d’agriculture régénératrice, pour mettre en place des méthodes et pratiques du présent et du futur, et dans ce raisonnement le respect de l’environnement n’est plus un choix, il est une évidence. Comme toujours avec Xavier Niel, les moyens sont au rendez-vous, une ferme pilote, des actions de sensibilisation envers les jeunes afin de les amener à revoir l’image parfois négative qu’ils ont du secteur agricole. Les formations s’adressent également aux personnes en reconversion professionnelle souhaitant par exemple reprendre une exploitation et qui veulent s’y préparer afin de mettre toutes les chances de leur côté.
Pourquoi ce nouveau défi
Xavier Niel intervient à travers NJJ Exclusive, sa société personnelle, en tant qu’actionnaire d’Hectar. On peut se poser la question de ce nouveau défi, lui qui a déjà cofondé l’Ecole 42. En réalité, son raisonnement est en totale cohérence avec ce qu’il a déjà réalisé, et ceux qui le connaissent ne sont pas vraiment surpris. Avec l’Ecole 42, il intervient sur un secteur en danger et en pénurie, celui des développeurs informatiques. Avec Hectar, le secteur change, mais il s’agit de la même volonté de préparer l’avenir. Xavier Niel a déjà provoqué bien des réactions avec cette école permettant à des étudiants, diplômés ou pas, d’apprendre à coder en travaillant sur des projets. D’autant que le type d’enseignement, une méthode participative innovante sans cours et sans professeurs a aussi interpellé le corps enseignant.
Encore une école inédite
Participer à la redynamisation du secteur agricole, voici le mouvement que Xavier Niel veut faciliter à sa manière en créant cette école inédite, dans un esprit d’entrepreneuriat, avec un modèle totalement inédit. A la différence de l’École 42, les étudiants devront obtenir ou détenir le CPA, la Capacité Professionnelle Agricole, un examen permettant de s’installer en tant qu’exploitant agricole.
Des motivations personnelles
Xavier Niel n’a pas investi dans cette aventure sur un coup de tête. L’homme d’affaires s’était déjà fait connaître pour ses engagements en faveur d’une agriculture respectueuse de l’environnement, et avait mis en avant ses préoccupations quant au bien-être animal. En effet, il avait déjà souscrit à une pétition demandant la fin de l’élevage intensif et en cage. Non pas un simple geste dans l’air du temps, mais une véritable conviction. Cette pétition avait également été signée par deux autres personnalités du monde économique français, Marc Simoncini et Jacques-Antoine Granjon.
Un challenge intergénérationnel
Xavier Niel a de quoi être sensibilisé personnellement sur cette question agricole. Après tout, ses grands-parents travaillaient dans ce secteur. Il avance aussi un autre argument : il a deux enfants, jeunes majeurs pour qui l’alimentation fait partie des défis actuels, l’un deux est d’ailleurs devenu végétarien, une surprise pour l’homme et le père pour qui la consommation de viande n’était pas une question. Comme dans bien des foyers, les changements d’attitude des jeunes générations poussent les aînés à se repositionner sur ces questions, souvent liées à l’écologie. Un élément aurait déjà dû mettre la puce à l’oreille. Xavier Niel a déjà investi dans des projets travaillant sur les substituts de viandes.
Il a même participé au lancement de la première usine de production des « Nouveaux Fermiers ». Au-delà de ses convictions personnelles, Xavier Niel a en tête certains chiffres, concernant notamment la difficulté permanente à attirer de nouveaux exploitants pour remplacer ceux qui partent. Son souhait est d’attirer une « génération entière de jeunes pour changer l’agriculture, produire mieux, moins cher et plus intelligemment ».
Une véritable continuité
Hectar n’est donc pas le résultat d’un coup de tête. Bien au contraire, il existe une vraie continuité entre l’Ecole 42 et Hectar. Cette dernière accueillera d’ailleurs des étudiants d’Ecole 42 dans les domaines d’intelligence artificielle. Le projet inclut une ferme pilote qui travaille en transition bio et agriculture régénératrice sur 250 hectares. Un peu plus loin, une ferme laitière renaît avec 60 vaches normandes et un objectif de 200 000 litres de lait bio dès mars 2022.
Connaissance et reconnaissance
Ces deux mots reviennent dans la bouche des fondateurs. Tout est prévu pour sensibiliser et former 2000 personnes par an, le tout gratuitement. Les portes ont ouvert en septembre 2021. L’accélérateur de startups travaille en partenariat avec HEC Paris, et les premiers candidats doivent intégrer la structure en janvier 2022, ils pourront collaborer avec les 150 startups accompagnées par l’incubateur d’HEC. L’objectif est déjà fixé : la création de 80 startups en deux ans, en priorité sur quatre domaines de l’Agritech (Intelligence Artificielle, robotique, équipement), de la foodtech (alimentation respectant la biodiversité, la gestion des déchets), le « future farming » (production en environnement contrôlé) et l’agriculture régénératrice (respect des sols et séquestration du carbone).
Pour que le monde change
Avec 30 mentors, 500 experts et quelques 50 hectares d’expérimentation, les résultats ne devraient pas tarder. Les quatre secteurs vont attirer des profils différents qui vont discuter et travailler ensemble, une occasion assez unique de supprimer les frontières entre informatique, biologique, rentabilité agricole avec des points de vue différents, donc enrichissants. Le directeur général de la structure, Francis Nappez, est clair sur le sujet « le secteur agricole, au sens large, est à un moment clé de son histoire. Nous avons dix ans devant nous pour définir ce que sera le futur de l’agriculture. Les enjeux sont à la fois vertigineux et passionnants ! »
Un duo mixte aux commandes
On parle beaucoup de Xavier Niel, l’homme d’affaires bien connu, mais il est aussi accompagné dans cette aventure par Audrey Bourolleau, un nom moins familier du grand public même si elle a fait partie du cabinet d’Emmanuel Macron. Cette Niortaise qui a étudié à Sup de Co La Rochelle a commencé sa carrière chez BIC sur les zones Afrique et Moyen Orient avant de se tourner vers le secteur viticole. Dix années passées chez Baron Philippe de Rothschild, France Boissons, avant de prendre une autre orientation avec le poste de présidente du syndicat des Côtes de Bordeaux, ce qui la mènera à prendre d’autres responsabilités en 2012 pour défendre la filière viticole française auprès des pouvoirs publics.
Cette action de lobbyiste lui a permis de rejoindre l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, dont elle intégrera le cabinet en tant que Conseillère agriculture, pêche, forêt et développement rural jusqu’en juillet 2019. C’est Xavier Niel qui l’a convaincue de rejoindre son projet, pour être la cofondatrice du campus agricole Hectar.
A.F.