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Avec Metavisio, le PC français part à la conquête de l’Inde


Rien ne semble pouvoir entraver la spectaculaire croissance de Metavisio (Thomson Computing) qui s’est mis en tête de conquérir l’Inde. Dirigée par Stephan Français, l’ambitieux entrepreneur qui a relancé la marque iconique Thomson, l’entreprise spécialisée dans les produits informatiques poursuit son ascension vertigineuse. Cotée en Bourse et présente dans 15...

Stephan Français a su relancer la marque iconique Thomson

Rien ne semble pouvoir entraver la spectaculaire croissance de Metavisio (Thomson Computing) qui s’est mis en tête de conquérir l’Inde. Dirigée par Stephan Français, l’ambitieux entrepreneur qui a relancé la marque iconique Thomson, l’entreprise spécialisée dans les produits informatiques poursuit son ascension vertigineuse. Cotée en Bourse et présente dans 15 pays, Metavisio vise 350 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 3 ans.

Vous avez réalisé deux importantes levées de fonds en l’espace d’un an pour un montant de 8 M€ (3,8 M€ en juillet 2022, puis 4,2 M€ en décembre 2022). Quelles perspectives vous ouvrent ces augmentations de capital ?

Stephan Français : Après avoir été cotés sur le marché libre Euronext Access+ en décembre 2021, nous avons opéré une bascule sur le marché non réglementé Euronext Growth en juillet 2022. Grâce à ces deux levées de fonds records de 8 millions d’euros (montant maximum annuel autorisé par Euronext validé en levée de fonds, Ndlr), de nouveaux actionnaires nous ont rejoints dans l’aventure.

Cette très belle expérience nous a permis de consolider nos fondations pour densifier notre développement à l’international et accélérer notre croissance. Malgré un contexte géopolitique complexe assombri par la guerre en Ukraine, nous avons également réussi à transformer 4 millions d’obligations convertibles en actions. Nous nous réjouissions d’autant plus de cette réussite que la majorité des levées de fonds ont périclité en cette période trouble.

2022 fut un succès en termes de cash, de trésorerie et de capitaux puisque nous sommes passés de 7 millions de capitaux propres fin 2021 à 20 millions fin 2022. Cette évolution positive a renforcé la confiance des actionnaires qui croient fermement en l’avenir et au développement de notre société.

Alors que le marché de l’informatique connaît un fort recul en 2022 (-30% au niveau mondial et entre -40 et -50% en Occident) après deux années record, êtes-vous malgré tout confiant pour 2023 ?

2023 sera la consécration du travail que nous avons accompli l’année précédente à l’international. Nous sommes désormais référencés dans plus de trente pays, dont l’Inde, qui représente un potentiel de développement considérable suite aux turpitudes politiques ayant conduit à l’interdiction des marques chinoises sur le marché public indien.

Nous travaillons depuis plus d’un an afin d’ouvrir cet immense pays d’Asie du Sud. Nous avons déjà décroché nos premières commandes indiennes et nous recevrons des produits certifiés aux normes locales courant avril. Nos produits étant référencés sur les grands sites web indiens, les premières commandes officielles sur les circuits BtoB et BtoG devraient suivre assez naturellement. Les perspectives avec l’Inde, qui compte 1,4 milliard d’habitants, sont gigantesques.

Quel accueil la marque française iconique Thomson a-t-elle reçu en Inde ?

Leur envie de travailler avec des Européens est manifeste. Tout le monde connaît la marque Thomson en Inde, c’est assez sidérant ! C’est un atout majeur pour séduire et travailler avec ce pays au potentiel de développement extrêmement élevé. Nous allons donc profiter de l’aura de cette fabuleuse marque et capitaliser sur le fait que les Indiens aient une très bonne image de la France avec laquelle ils travaillent pourtant très peu. Nous avons notamment reçu un accueil très favorable à l’occasion de notre participation au Global Investors Summit d’Uttar Pradesh en février.

Nous étions la seule société française présente à ce salon parmi une nuée de sociétés coréennes, américaines et européennes. L’Inde cherchait à signer pour environ 50 milliards de dollars d’investissements et a obtenu des engagements à hauteur de 500 milliards pour le développement du pays.

Le gouvernement indien a en effet pris la décision d’interdire les marchés publics aux marques chinoises. Comment avez-vous saisi cette opportunité ?

Nous avons créé Métavisio India (filiale à 99 % de Métavisio, Ndlr) le 15 février 2023 pour nous positionner sur les appels d’offres du gouvernement indien concernant les tablettes, les notebooks et les serveurs. Nous avons constitué une petite équipe sur place afin d’être en mesure de répondre aux appels d’offres des premières commandes officielles sur les circuits BtoB et BtoG devraient suivre assez naturellement. Les perspectives avec l’Inde, qui compte 1,4 milliard d’habitants, sont gigantesques.

Quelles sont les chances de Thomson ?

Nous avons de grandes chances de décrocher une large partie des commandes d’État, car nous avons séduit par nos prix, notre positionnement technologique, le graphisme et le design français associé à la marque Thomson. Nous avons rencontré à plusieurs reprises des ministres indiens qui ont également rendu visite à des membre du gouvernement français à Paris. Nous attendons désormais les premières commandes courant avril.

Quelles sont vos ambitions en matière de commandes auprès du gouvernement indien ?

Nous pensons drainer un volume d’affaires oscillant entre 20 et 200 millions de dollars sur 2023, et nos ambitions sont encore bien supérieures pour les années à venir. La fourchette de notre estimation est très large car il serait présomptueux d’annoncer directement 200 millions de dollars de commandes. Nous allons nous positionner sur tous les appels d’offres publics portant aussi bien sur les tablettes que sur les PC.

Alors que des élections très importantes se tiendront dans deux ans en Inde, le gouvernement s’emploie à équiper les habitants et les étudiants du pays en tablettes afin qu’ils continuent de pouvoir accéder à la technologie. Nous sommes particulièrement bien perçus par les autorités indiennes : ils ont compris que notre politique tarifaire nous permettait de proposer des produits avec des budgets contenus.

Nous avons travaillé avec notre vice-président, Pierre Krasnovsky, en nous appuyant sur son important background informatique (ancien distributeur de Sony en France sur la partie PC, Ndlr) pour monter une équipe en Inde. (…) C’est pourquoi nous indiquons une fourchette large qui reflète les potentialités de développement. Nos ambitions de développement sur le marché indien grandiront à mesure du temps. Les possibilités seront exponentielles dans les années à venir.

Quelles sont vos velléités de développement en Europe ?

L’arrivée dans le groupe d’un directeur Europe du Nord (Kim Ulmer Koldby, ancien directeur commercial de Medion Nordic et de TrekStor, Ndlr), nous a ouvert de larges perspectives de développement, notamment en Allemagne, au Danemark, en Suède, en Finlande et en Norvège. Nous avons renforcé notre présence en décrochant un référencement sur Notebooksbilliger, qui est le plus grand site de ventes de PC en Europe (plus d’un milliard de ventes de PC, Ndlr), et auprès d’enseignes comme Lidl.

Nous sommes en train d’ouvrir d’autres comptes, à l’image de la chaîne de magasins allemande spécialisée dans l’électronique et l’électroménager grand public Media Markt (n°1 européen avec 22 milliards d’euros de CA, Ndlr). Nous venons par ailleurs de recruter un expert dans le commerce de produits haut de gamme, Alessio Cavaliere, afin d’asseoir notre développement en Europe du Sud. Il est en train d’ouvrir de nombreux pays d’Europe du Sud (Italie, Espagne), ainsi que d’autres pays plus à l’Est (Roumanie).

Nous avons également ouvert des distributeurs de renom à Chypre comme Asbis qui pèse 3,7 milliards d’euros. Les perspectives en Europe sont donc très intéressantes. Nicolas de Saint-Rémy, notre Directeur export, Kim Ulmer Koldby et Alessio Cavaliere réalisent un important travail de présentation, de référencement et de prise de commandes sur ce continent.

Vous venez de recruter un directeur BtoB et BtoG (business-to-government), spécialiste du secteur informatique et des marchés publics depuis 30 ans. Quelles sont vos ambitions ?

Philippe Louchet, fort d’une très solide expérience dans la vente de solutions matériels et logiciels, nous a rejoints en mars afin d’assurer la direction commerciale BtoB et BtoG et développer ces deux segments stratégiques à haut potentiel. Nous avons eu d’excellents retours suite à notre participation à l’IT Partners en mars dernier (évènement fédérant la communauté du Channel IT, Télécoms & Audiovisuelle, Ndlr). Nous allons commencer à générer du chiffre d’affaires en BtoB sur lequel nous n’étions pas positionnés jusqu’alors.

Et le marché français ?

Les perspectives de développement y sont très fortes. Alors que nous célébrons nos dix ans cette année, nous pouvons nous réjouir d’avoir réussi à ouvrir toutes les enseignes françaises, dont la Fnac que nous venons de réactiver. Le potentiel de développement en France reste substantiel car des enseignes comme la Fnac, Boulanger ou Darty avec lesquelles nous venons de signer un contrat, vont commencer par nous tester à travers quelques références produits, avant de référencer progressivement d’autres articles de notre gamme.

Après une année 2021 fulgurante, nous souhaitons aujourd’hui exploser en grand public, sur internet, et dans les magasins spécialisées (Fnac, Darty, Électro Dépôt…) grâce à l’enrichissement de notre gamme produits. Le lancement de notre nouvelle gamme nous a permis d’élargir notre offre et d’être désormais présents sur tous les segments des produits informatiques jusqu’au serveur, et plus uniquement sur les produits entrée de gamme à petits prix.

Quels sont vos projets sur le plan industriel ?

Après avoir lancé une filiale en Inde, nous avons pour projet de créer une chaine d’assemblage sur place dans les mois à venir pour assembler les produits français en Inde et bénéficier d’un abattement de 30% sur les taxes. Nous avons également un projet de lancement d’une ligne de production au Maroc, qui a été mis momentanément repoussé du fait de l’ampleur du projet indien, mais j’entends le finaliser avant septembre. Ce centre de production au Maroc nous permettra de desservir l’Afrique francophone en nous dédouanant des taxes à l’importation sur les produits finis.

Avez-vous toujours pour ambition de vendre des PC aux Américains ?

Nous avons signé avec un très grand distributeur canadien, Solutions 2 GO, également présent aux États-Unis et en Amérique latine. Nos produits ont remporté un franc succès : les Canadiens ont déjà passé leurs premières commandes. Nous attendons désormais les commandes américaines avec ce nouveau distributeur qui est d’un calibre très supérieur à nos anciens partenaires. Nous avons donc de très grands espoirs de développement aux Etats-Unis, même si vendre des PC français aux Américains peut s’apparenter à vendre du riz aux Chinois !

Comment poursuivre la réindustrialisation de la France malgré un contexte délétère lié à la flambée du coût de l’énergie ?

L’État a mis en place des aides pour permettre d’alléger les factures des acteurs qui consomment beaucoup d’électricité et de contenir les effets de bord de la crise énergétique. La réindustrialisation de la France doit se concentrer sur des produits moyen ou haut de gamme qui génèrent plus de marge et permettent ainsi de supporter un coût de la main d’œuvre supé- rieur en Europe par rapport aux autres pays. Il existe par ailleurs de nombreux avantages à produire localement, dont la capacité à produire des séries plus petites en bénéficiant de plus de souplesse sur ce type de produit.

Durant la crise sanitaire, nous avons créé un centre technique de réparation, de montage et de R&D en face de notre siège social situé à Pontault- Combault (Seine-et-Marne) pour lequel nous avons reçu le soutien de la région Ile-de-France (programme PM’up, Ndlr) qui nous a accordé un budget de 400 000 euros au titre de ce projet relocalisation et de réindustrialisation. Ce type d’aide et de mesures incitatives sont de nature à favoriser la réindustrialisation de la France et à promouvoir un assemblage français sachant que les composants sont disponibles dans le monde entier.

Quelle valeur ajoutée la France est-elle en mesure d’apporter ?

Diplômé d’un doctorat en Science politique portant sur le développement entre la Chine et la France d’un point de vue politique et économique, je connais particulièrement bien le sujet. J’ai par ailleurs travaillé sur la Chine durant 25 ans.

Mais aujourd’hui, nous devons nous adapter et nous ouvrir au marché indien dont les promesses sont pharaoniques. Nous devons nous positionner sur ce marché en commercialisant des solutions françaises à valeur ajoutée. Mue par la volonté d’accéder à la même technologie que les autres pays, l’Inde aspire aujourd’hui à s’équiper de produits offrant un bon rapport qualité-prix.

Quels sont vos objectifs pour 2023 en matière de volume d’affaires ?

Nous avons un objectif de réaliser une croissance de notre chiffre d’affaires supérieur à 150% cette année. Le potentiel de développement du chiffre d’affaires des nouveaux pays que nous avons ouverts, la nouvelle « road map » et le positionnement optimal de nos produits en termes de rapport qualité-prix nous poussent à viser les fameux 100 millions d’euros que nous ambitionnons d’atteindre depuis la création de la société.

L’atteinte de cet objectif confèrerait une valeur extrêmement forte, en particulier pour les actionnaires. La chute du cours de Bourse l’an dernier, du fait de l’effondrement du marché de l’informatique, a nécessairement suscité quelques frilosités. Aujourd’hui, notre société forte de ses dix ans d’existence bénéficie d’un important capital confiance au travers de ses 20 millions d’euros de fonds propres et des perspectives mondiales que nous n’avions jamais eues auparavant. Le marché de l’informatique est assez incroyable : il représente un chiffre d’affaires de 170 milliards de dollars partagé entre six acteurs seulement !

Notre objectif n’est pas de capter 10 % de ces 170 milliards, mais d’aller chercher un milliard en l’espace de quelques années. Lorsque vous réalisez 1 milliard de chiffre d’affaires dans l’informatique, vous êtes rentables car vous valez à peu près le même montant. L’Allemand Medion, dont le chiffre d’affaires s’élevait à 980 millions d’euros, a ainsi été racheté 1,2 milliard d’euros par Lenovo. Nous avons de formidables perspectives en Europe, en Afrique, aux Etats-Unis et en Inde, et nous venons de surcroit de nous positionner sur le marché BtoB. Nous avons tout pour réussir.

Après Euronext Growth, une cotation au Nasdaq dès 2023 est-elle envisageable ?
Nous avons signé un accord avec une banque américaine (BCW Securities LLC, Ndlr) qui travaille sur le dossier et est en train de nous proposer des solutions de cotation. Nous avons pour objectif d’être coté au Nasdaq à hauteur de 200 millions de dollars avant la fin de l’année. Nous sommes aujourd’hui sur Euronext Growth, mais mon objectif est de valo- riser la société à sa juste valeur et en nous cotant au Nasdaq. Les Américains présentant l’avantage de graduer la per- formance, les valeurs des sociétés sont plus élevées, en particulier si l’on est en mesure de prouver que l’on peut dépas- ser ce plafond de verre des 100 millions de dollars.

Propos recueillis par Isabelle Jouanneau

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