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Avec TF1-M6, Bouygues devient le patron de l’audiovisuel français mais reste un challenger au niveau mondial


Sur la reprise de M6, on attendait Vincent Vivendi voire Xavier Niel en chevalier blanc. Vincent Bolloré bien sûr parce que cela fait longtemps que le milliardaire breton ne fait plus mystère de ses intentions de vouloir encore consolider ses positions dans le secteur télévisuel (Canal, C8,CNews…) afin de constituer...

Nicolas de Tavernost

Sur la reprise de M6, on attendait Vincent Vivendi voire Xavier Niel en chevalier blanc. Vincent Bolloré bien sûr parce que cela fait longtemps que le milliardaire breton ne fait plus mystère de ses intentions de vouloir encore consolider ses positions dans le secteur télévisuel (Canal, C8,CNews…) afin de constituer  la plate-forme audiovisuelle francophone de référence dans le monde autour des pôles d’édition (Editis..) et de presse magazine (Prisma Media).

Même s’il est obligé de faire marche arrière au delà des Alpes sur le dossier Mediaset du clan Berlusconi, Vincent Bolloré a certes repris pied en Espagne (10 % de Prisa), et il aurait aimé pouvoir embrayer dans l’hexagone en consolidant les positions de Canal avec celles de M6 et de la radio leader RTL. Cela ne peut réussir à tous coups. D’autant que l’ Elysee, doux euphémisme, ne se montre guère favorable à la montée en puissance du patron de CNews à moins d’un an des prochaines élections présidentielles. Ce n’est pas grave  il y a toujours une solution pour ce diable de Citizen Bolloré, qui, prochainement, pourra mettre la main sur la radio Europe 1 grâce aucun accord en cours avec l’autre actionnaire de référence de Lagardère, un certain Bernard Arnault.

Les deux hommes s’entendent bien et s’apprécient. Ce n’est pas négligeable en affaires, surtout à ce niveau là! Le patron de LVMH se contentera de la chaîne de distribution en aéroports Relay et de la presse écrite, Le Journal du Dimanche et autres Paris Match. Bien conseillés par Nicolas Sarkozy, qui va faire son entrée au conseil d’administration de Lagardère, les deux plus brillants entrepreneurs tricolores ont eu raison de s’accorder.

L’enjeu est ailleurs. Ils ont tant à déployer pour consolider leurs positions au niveau mondial dans le secteur du luxe ou dans celui de la logistique ou des médias. Au plan‚ politique, Emmanuel Macron peut dormir tranquille. Grand ami de Bernard Arnault,il n’est pas si hostile que cela à Vincent Bolloré, les deux hommes se sont vus au début de l’année. De toutes façons,de tels changements d’actionnaires n’interviendront qu’après les prochaines présidentielles.

Le patron de Free Iliad aurait pu être le repreneur surprise pour départager Vivendi/Bolloré et Bouygues. Cela ne sera finalement pas nécessaire, comme l’avait annoncé prémonitoire le magazine Entreprendre, dans sa précédente édition. Ce ne sont pas les chantiers qui manquent pour Xavier Niel ; le redressement d’Unibail-Rodamco, le retournement de Paris-Turf et de Nice Matin, l’européanisation de Free et la 5G, le lancement de l’école d’agriculteurs Hectar et même, cela vient de sortir, la mise sur orbite du nouvel assureur en ligne Acheel, fondé par Ralph Ruimy qui vient de lever 29 millions d’euros et dans laquelle Niel prend 20 %. Le tycoon tricolore, fondateur de la Station F a vraiment de quoi s’occuper.

L’alliance entre TF1 et M6 a du sens. Elle répond en tous cas au mouvement mondial de consolidation accélérée des médias auquel on assiste. L’opération est annoncée au moment même de la fusion géante dans l’audiovisuel américain entre WarnerMedia
(30,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires) et Discovery (19,7 milliards de dollars). Il s’agit donc d’aller vite. Et nos deux géants français ne sont encore que des nains à l’échelle planétaire. TF1 réalise 1,41 milliards d’euros de recettes publicitaires et M6, 830 millions d’euros. Certes au plan hexagonal, l’ensemble aura la main sur 70% du marché publicitaire télé, ce qui est une belle emprise. Au plan capitalistique, le groupe Bouygues va acquérir 30% des titres du groupe M6 que souhaitait céder l’allemand Bertelsmann. Le géant d’outre-Rhin des médias continue son recentrage sur son marché intérieur. On se souvient qu’il y a quelques mois, il a vendu à Vivendi sa filiale Prisma média, leader de la presse magazine, éditrice des magazines Capital, Géo ou Voici. Après la fusion de M6 et de TF1, le patron de Bertelsmann, Thomas Rabe, à annoncé vouloir conserver 16 % du capital.

Une position que certains interprètent déjà comme un marchepied pour pouvoir un jour reprendre les actions du groupe Bouygues de ses positions audiovisuelles dans le cas ou le géant du Btp souhaiterait se désengager des médias. Le récent départ de Martin Bouygues peut donner lieu à bien dès rumeurs. On se souvient que le groupe Bouygues avait su se retirer du capital de Framatome après y être rentré sur l’insistance, il est vrai d’un certain Nicolas Sarkozy.Nous n’en sommes pas là. Nicolas de Tavernost, l’actuel patron de M6 est confirmé dans ses responsabilités, ce qui signifie que Gilles Pélisson, l’actuel président de TF1, ne présidera pas la nouvelle entité. Pourtant, les synergies vont être de mise pour pouvoir faire face à la déferlante des géants audiovisuels américains et à la forte montée en puissance de leurs plateformes de streaming vidéo comme Disney+(109 millions d’abonnés) ou Netflix (200 millions d’abonnés). La bataille ne fait que commencer dans l’audiovisuel mondial. Avec les GAFAS, nous avons manqué celle des opérateurs et fournisseurs d’accès à Internet. Ne ratons pas celle de l’audiovisuel. Elle est au moins aussi stratégique !

Robert Lafont

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