Il m’arrive souvent de débattre, avec mes collègues, de l’articulation des relations sociales en entreprise car, consciemment ou non, le premier niveau hiérarchique, la base, comme on dit parfois, là où se réalise effectivement le travail, est généralement plutôt mal payée, peu respectée et doit se nourrir, essentiellement, des belles promesses qu’elle entend à longueur de temps.
Mettez-vous un instant à la place de ceux qui sont payés aussi peu qu’il est légalement possible de l’être, de ceux qui, derniers entrés, sont aussi les premiers à risquer le licenciement au moindre aléa économique et qui, pendant que leurs chefs aménagent leur temps, sont obligés de pointer, matin, midi et soir. Ne pensez-vous pas que, dans ces conditions, il est compréhensible qu’ils essaient d’en faire le moins possible ?
En fait, la plupart des gens veulent un bon job, un job dont ils peuvent aussi être fiers. Ils aiment s’engager, à la condition que des contrôles tatillons réguliers ne viennent pas polluer leurs journées.
Car c’est ainsi que certains managers, heurtent la base. Ils tuent, dans l’œuf, les meilleures intentions. Entrant dans un cycle infernal, pour réaliser leurs objectifs, ils perdent patience, renforcent les contrôles, mettent au point des méthodes dites de « management scientifique » et déshumanisent systématiquement l’ambiance de travail.
Le résultat est connu : production médiocre, turnover élevé, confiance faible, motivation nulle. La base n’y croit pas et les patrons deviennent cyniques. Combien d’organisations fonctionnent-elles ainsi ?
Il y a une alternative, mais c’est un processus et non une simple décision.
Premièrement, décidez et claironnez que votre entreprise est différente du tout-venant. Elle tient ses promesses quoi qu’il arrive ; elle se préoccupe de ses clients et implique toute la chaîne hiérarchique vers cet objectif ; elle fait de la délégation et de la responsabilisation un vrai projet d’entreprise. C’est facile à dire, c’est facile à faire. Encore faut-il tenir sur le long terme, pour être crédible.
Deuxièmement, engagez vos collaborateurs, d’abord pour leur attitude, avant leur compétence. Vous pouvez former tout un chacun à un métier. Il est beaucoup plus difficile de changer l’attitude et le comportement d’une femme ou d’un homme. En recrutant des gens ouverts et de bonne volonté, vous n’achetez pas du travail, vous constituez des équipes.
Troisièmement, soyez cohérent dans vos actions et dans votre langage. A quoi servirait d’engager des gens pour leur attitude et leur comportement si c’est, par exemple, pour les rémunérer à la pièce ?
Quatrièmement, restez constant dans la façon dont on fait les choses dans votre entreprise, sa culture en somme. Pour être à l’aise et contribuer de façon positive, les gens ont besoin d’être et de rester dans un environnement familier, de satisfaire à tous les besoins de la pyramide de Maslow : les besoins primaires (boire, manger, dormir), grâce à leur salaire, mais aussi, les besoins de sécurité, d’appartenance, d’estime et d’accomplissement.
Cinquièmement enfin, ayez en mémoire que votre problème n’est pas leur problème. La base de votre organisation a un tas de soucis à résoudre. Elle n’a pas besoin des vôtres en plus.
Au jour le jour, vous, Chef d’entreprise, êtes jugé sur la façon dont vous organisez le travail et l’environnement de travail de vos salariés. Il ne tient qu’à vous de transformer votre base en un socle solide de toute votre organisation, une façon de se comporter, une culture, un exemple.
Citons Xavier Fontanet, ancien grand industriel français : « Parmi les dirigeants, il y a ceux qui dirigent par le contrôle et ceux qui dirigent par la confiance. Les uns sont des dirigeants-managers et les autres sont des dirigeants-leaders ».
Alain Goetzmann