C’est en 1981 que l’aventure commence, sous le nom de Vêtimod, avant d’ouvrir des magasins sous l’enseigne Cache Cache, puis Patrice Bréal, Scottage, Bonobo. Les ouvertures se poursuivent partout dans le monde, la digitalisation se met en place et le groupe investit dans la logistique, l’une de ses forces actuelles, au travers de sa filiale C-Log. Depuis le début des années 2020, le groupe breton procède à des rachats, comme celui de la marque Caroll, puis de La Halle (par la famille), de Sarenza.com, et tout récemment des activités du groupe Boardriders pour l’Europe de l’Ouest.
Boardriders
Le nom du groupe est moins connu que ses marques : Quiksilver, Roxy, Billabong, DC Shoes, Element, RVCA, VonZipper. Propriété du groupe américain ABG (Authentic Brands Group), ces marques de glisse étaient à vendre, et Beaumanoir a décidé de racheter ce portefeuille pour sa zone d’activité, l’Europe occidentale. Il s’agit évidemment d’un enrichissement de la gamme de prêt-à-porter vers le lifestyle et l’outdoor, ce dernier étant un marché sur lequel Beaumanoir n’était pas vraiment présent. Mais l’acquisition permet aussi de développer un nouveau secteur, celui du wholesale, la vente par intermédiaire, qui est l’un des points forts de Boardriders.
Nouvelle ère pour le groupe Beaumanoir
Le groupe breton était jusqu’à présent organisé en quatre pôles. Le pôle « Vib’s » rassemble les marques historiques du groupe : Cache Cache, Bonobo et Bréal. Un nouveau pôle dit « Familles » recouvre La Halle, tandis que le pôle « premium accessible » s’appuie sur Morgan et Caroll. Quant à l’outdoor, il a été créé il y a deux ans avec Sarenza.com.
Voici venir l’ère du sport et d’un autre secteur du marché de l’habillement. Inutile d’être devin pour s’apercevoir que les jeunes et les moins jeunes ont tendance à se vêtir de façon plus décontractée. L’ère du « cool », du « chill » a des adeptes dans toutes les couches de la société. Cela est particulièrement vrai pour le marché de la chaussure, où les baskets de ville ont envahi les rues, des modèles bon marché aux plus luxueux, aux pieds des femmes, des hommes comme des enfants.
Avec Boardriders, Beaumanoir entre dans ce secteur avec un côté sportif marqué, car toutes ces marques sont très impliquées dans les sports de glisse. Trop, peut-être, pour Beaumanoir qui investit des territoires larges. Il est donc probable que le groupe cherchera à repositionner ces marques sportives sur un territoire plus étendu afin d’attirer un public plus large.
Un défi d’importance
Si Quiksilver, en particulier, est une marque très populaire dans l’esprit des jeunes adultes, l’ensemble racheté par Beaumanoir doit trouver sa rentabilité. Un vrai défi, même si l’expérience de La Halle, redevenue rentable depuis l’an dernier, permet d’être optimiste pour la suite. Une véritable performance alors que les faillites dans le secteur ne cessent de se multiplier.
Le groupe a la main sur la stratégie à mettre en place, même s’il n’est pas propriétaire à proprement parler des marques, le contrat étant basé sur un versement de redevance sur chiffre d’affaires. La direction générale est confiante quant au développement qu’elle peut apporter aux différentes marques basées à Saint-Jean-de-Luz. Elles poursuivront sur le même schéma de distribution, tout en l’élargissant à certains réseaux correspondant à leur ADN spécifique.
Roland Beaumanoir, le magicien ?
Roland Beaumanoir est un Breton pur souche. Il a grandi à Saint-Malo, où se trouve le siège du groupe qu’il a créé. Si l’on ajoute à cela que son père avait un magasin de prêt-à-porter, on peut dire que son destin était tracé, mais sans doute pas dans les proportions de sa réussite actuelle. Son épouse Jocelyne a été un pilier, à ses côtés dès l’ouverture du premier magasin. La direction du groupe a réussi un tour de force. En 2020, elle avait décidé de reprendre une partie des magasins La Halle, 366 sur les 830 qui appartenaient alors à Vivarte. Très mal en point financièrement, le travail a principalement consisté à repositionner l’enseigne sur une clientèle attirée par le prix, mais sans sacrifier le choix.
Les efforts et les importants investissements de rénovation de La Halle ont payé : l’entreprise est revenue à l’équilibre, voire en légère position bénéficiaire, preuve qu’il est possible de revenir sur le marché, même de façon plus modeste.
Confronté à la mode de la seconde main et à une certaine réduction des consommations compulsives liées à la fast fashion, le prêt-à-porter souffre. Camaïeu, Naf-Naf, Pimkie, Gap France en sont les victimes et les témoins. Roland Beaumanoir est un homme très sollicité, et tous ces dossiers sont passés entre ses mains.
Le défi des prochaines années
Roland Beaumanoir l’a dit à plusieurs reprises : le commerce physique n’est pas condamné, loin de là. Même si le groupe réalise une bonne partie de son chiffre via internet, le PDG est critique sur ce business qui peine à afficher des chiffres intéressants en bas de bilan.
Le dirigeant n’est pourtant pas un homme du passé, loin de là. Il a mis sur pied un pôle logistique puissant, utilise l’intelligence artificielle dans les différents métiers de Beaumanoir, et a su intégrer dans son conseil d’administration des profils différents du sien. Son fils Thomas travaille dans le groupe depuis une dizaine d’années ; il en est aujourd’hui directeur général délégué.
Boardriders constitue un véritable courant d’air frais. Les nouvelles marques vont apporter une nouvelle clientèle au groupe et un nouveau secteur à développer avec le wholesale.