Cet ancien avocat d’affaires à New York, puis dans le groupe Vivendi, se passionna très vite pour l’idée de mp3.com, l’un des premiers sites de découverte de musique. C’est à partir de là que germa l’idée que le digital allait ouvrir de nouvelles perspectives, avec une approche bien moins onéreuse. La démocratisation de l’accès au marché pour de nouveaux artistes est au cœur du concept de la startup devenue une licorne.
Une bonne idée, si l’on se fie aux quelque 1,3 million d’artistes qu’accompagne l’entreprise dans le monde, à des étapes totalement différentes de leur carrière, parfois encore en devenir. En pariant sur le 100 % digital, Believe a réellement été un acteur de disruption dans le monde de la musique grâce à la technologie adoptée. Believe a commencé son chemin en orientant son action vers des artistes qui n’intéressaient pas les majors, détenteurs d’un véritable oligopole il y a vingt ans.
La vocation de Believe
Développer la carrière des artistes, trouver des publics pour leur musique, voici le métier des grands majors et de Believe. Le plus que veut apporter la licorne française est de travailler avec tous les artistes, et non pas seulement de se concentrer sur une minorité qui réussit. Believe détient à présent dans son portefeuille des noms devenus des valeurs sûres telles que Jul, Benjamin Biolay, Vianney pour ne parler que de la France. Mais, Believe s’intéresse tout autant aux semi-amateurs ou semi-professionnels qui sont aux tout débuts de leur carrière et dont il faut rendre la musique disponible dans les streamings.
Au fil des années, l’entreprise a développé plusieurs marques différentes, TuneCore, Believe Label & Artist Solutions, NuclearBlast, GrooveAttack, AllPoints, KithLabo, etc., qui sont autant de solutions proposées aux artistes en fonction de leur type de musique ou de leur zone géographique. L’entreprise est aujourd’hui dans une spirale très positive, avec un renforcement de son leadership en Asie.
La question de la rémunération des artistes
Aux débuts des plateformes de streaming, la question s’est posée de la rémunération des artistes. En France, un abonnement donne lieu à un reversement de la valeur aux ayants-droit de l’ordre de 65 à 70 %. Le dirigeant de Believe affirme que les artistes d’aujourd’hui gagnent plus d’argent que par le passé, à l’exception des artistes plus âgés, pour qui le streaming perd de son importance par rapport aux ventes traditionnelles de CD et vinyles.
Le rôle positif de l’IA
Le dirigeant de Believe est absolument persuadé du rôle positif que va jouer l’intelligence artificielle sur le marché de la musique. Elle est déjà utilisée dans certains algorithmes pour lesquels il est très simple de programmer tel titre à tel bon moment pour améliorer une campagne de lancement. Denis Ladegaillerie est très optimiste, car l’IA va selon lui booster autant la créativité que le marché.
Une condition sine qua non est cependant nécessaire : l’artiste doit être à même de garder un contrôle sur l’utilisation de sa voix et sur la distribution, en particulier sur les grandes plateformes existantes que sont YouTube, Spotify, Apple Music, et quelques autres. Le mantra de Believe est construit sur les valeurs suivantes : « Consentement, Contrôle, Rémunération, Transparence ». Dans l’univers qui se construit à présent, la dimension contrôle prend toute son importance.
Derniers remous
Lors de l’entrée en bourse, Denis Ladegaillerie s’était engagé à conserver ses actions sur une durée de trois ans, soit jusqu’en juin 2024. Il va à présent les revendre, mais dans une intention bien précise. L’entreprise a traversé quelques remous durant le premier semestre 2024, avec une sortie de la bourse envisagée et une offre (temporaire) de Warner Music Group. Ce retrait de la Warner a libéré la voie pour le projet de reprise de Believe par deux de ses anciens actionnaires, Denis Ladegaillerie lui-même et le fonds TCV.
Associés au fonds EQT, ils forment le trio qui doit procéder au rachat auprès des gros actionnaires actuels, tout en garantissant le maintien en bourse pour les porteurs plus modestes. Le nouveau trio devrait détenir 71,9 % des actions, le rachat sera suivi d’une OPA simplifiée pour les actions en circulation.
Tempo allegro pour Believe
Les anticipations du marché sont au beau fixe et Believe n’a pas hésité à communiquer sur des prévisions de croissance organique de l’ordre de 18 % pour cette année et une amélioration de son EBITDA. Depuis le début d’année, l’Europe et la France se portent particulièrement bien, car le mouvement de renforcement du streaming par abonnement est toujours d’actualité. La licorne française a toujours pour ambition de devenir le partenaire de référence pour « les artistes et labels indépendants dans le monde ». Cet été, Believe a parié entre autres sur Yamê en France, Conor Maynard en Grande-Bretagne ou Giana Mello au Brésil.
Dans le trio de tête mondial
Tout d’abord, le succès de Believe vient de son modèle, mais aussi d’une approche des affaires appréciée par les artistes et les collaborateurs. Parmi les priorités qu’elle s’est fixée, on retrouve l’égalité des sexes, la diversité/l’équité/l’inclusion, la durabilité environnementale et la santé/le bien-être des employés, artistes et partenaires industriels. Ainsi, l’indice sur l’égalité des genres est de 99/100, avec 50 % du conseil d’administration féminin et 46 % de femmes parmi les salariés.
Believe appartient aujourd’hui au cercle restreint des majors, même si elle n’en a pas les caractéristiques. Elle se situe au pied du podium, derrière Universal Music, Sony Music et Warner Music dont les chiffres d’affaires se situent entre 5 et 11 milliards d’euros. Il y a donc encore du chemin à parcourir pour la licorne, dont le chiffre approche inexorablement de son premier milliard, grâce à sa croissance en streaming.
Claudio Flouvat