L’entrepreneur a le choix dans son projet entrepreneurial soit de créer sa propre entreprise, soit de racheter une société déjà existante. De nombreuses opportunités s’offrent actuellement aux entrepreneurs en raison d’un nombre important de départs à la retraite d’une classe d’âge de dirigeants.
Le rachat d’entreprise peut se faire soit par le biais d’une cession de fonds de commerce, soit par une cession de parts sociales ou d’actions que nous allons plus particulièrement développer.
Si le choix du rachat de société peut présenter certains avantages pour l’acquéreur, il peut également être porteur de risques.
Le rachat de société présente des avantages certains car il permet à l’entrepreneur de disposer d’une structure qui a déjà une activité. A ce titre, il dispose d’une clientèle existante, de relations établies avec les fournisseurs et tous types de prestataires, notamment les banques. A cet égard, les établissements de crédit financeront peut-être plus facilement le rachat d’une société rentable que la création d’une société ex nihilo.
Si la reprise d’une société existante présente des avantages certains, il existe également de nombreux risques qui pourront être maîtrisés grâce à l’utilisation d’outils juridiques adaptés.
Le processus de rachat d’une entreprise peut s’étendre sur de nombreux mois, aussi il conviendra de protéger l’acquéreur des risques qui peuvent se présenter lors de la négociation, encore appelée pourparlers, comme des risques qui peuvent se révéler après la cession.
Les risques lors de la négociation
La période de pourparlers est essentielle dans la préparation de l’éventuelle reprise. Cette phase est placée sous le signe de l’information de l’acquéreur afin que ce dernier puisse émettre un consentement libre et éclairé.
La première information que le futur acquéreur doit solliciter porte sur les motivations du vendeur. Le plus souvent le cédant invoque un départ à la retraite, l’envie de réaliser une plus-value. Toutefois, il sera prudent de vérifier s’il n’existe pas des raisons cachées à cette cession d’entreprise et de s’en protéger juridiquement.
La seconde information réside dans la collecte de données permettant au futur acquéreur d’identifier les risques et d’y apporter les protections juridiques nécessaires. Elle permettra de valoriser l’entreprise et donc de déterminer le prix des parts ou des actions cédées.
La communication d’informations se fait par la mise en place d’une data room qui peut être physique mais qui sera le plus souvent virtuelle. Il s’agit d’un espace (cloud) où les données sont transférées, en général, entre l’avocat du cédant et celui du cessionnaire, en toute sécurité pour éviter la fuite d’informations confidentielles.
L’objet de cette collecte d’informations doit avoir un spectre très large afin que le cessionnaire puisse s’engager à racheter l’entreprise en ayant identifié tous les risques et mis en place des mécanismes juridiques pour s’en protéger. L’obtention d’informations se fait par différents audits : financiers, comptables, juridiques, environnementaux.
Quels documents doivent être transmis via la data room ?
Sur le plan comptable, le futur cédant mettra à la disposition de l’éventuel cessionnaire les derniers bilans, comptes de résultat, annexes des trois derniers exercices a minima. Concernant l’audit juridique, devront être transmis via la data room, l’ensemble du dossier permanent de la société constitué des statuts, du pacte d’actionnaires, s’il en existe un ce qui est fortement recommandé, des procès-verbaux des assemblées générales ordinaires, extraordinaires, des procès-verbaux des différents organes de direction, du rapport des commissaires aux comptes sur les conventions réglementées, des contrats de travail, des contrats avec les fournisseurs ou autres prestataires.
Il sera également intéressant de savoir s’il existe des procédures judiciaires en cours. En effet, une future condamnation pourrait être lourde financièrement pour l’entreprise et donc pour l’acquéreur s’il n’est pas protégé.
Il convient de protéger juridiquement le cédant et le cessionnaire de cet échange d’informations en leur faisant signer un accord de confidentialité ou lettre de confidentialité (non disclosure agreement).
Le domaine de cet accord peut être à géométrie variable. Peuvent y être visées :
– Les informations écrites quel que soit le support ;
– Les informations orales liées à toutes discussions entre les parties et avec des tiers impliqués dans la cession comme les avocats ou les experts comptables ;
– Les informations contenues dans des comptes-rendus d’entretien.
Certaines informations peuvent être exclues du champ de la clause comme les informations tombées dans le domaine public, celle pour lesquelles un écrit permettrait de les communiquer ou encore les décisions de justice, sauf exception.
S’assurer que la confidentialité soit respectée
La durée de la clause de confidentialité qui pèse sur les parties peut être la même que celle des pourparlers. Elle doit être fixée dans l’accord de confidentialité. Concernant la durée de cette clause, il est recommandé de prévoir que les informations communiquées pendant la phase de pourparlers seront couvertes postérieurement à la cession pendant une durée qui sera déterminée d’un commun accord entre les parties dans l’accord de confidentialité.
Les personnes liées sont, bien entendu, le cédant et le cessionnaire. Mais ces derniers doivent s’assurer que la confidentialité soit respectée au sein de chacune des entités concernées. Ainsi, il est possible d’insérer ce type de clause dans un contrat de travail, comme il est possible de faire signer une lettre de confidentialité aux tiers (conseils, experts, banques, notamment).
L’accord doit prévoir les moyens de résoudre des difficultés relatives à l’inexécution de la clause de confidentialité. Il peut s’agir d’un recours devant la juridiction compétente ou de faire appel aux modes de règlements alternatifs des litiges (médiation, conciliation).
Il convient d’être vigilants concernant la période de négociation. Des responsabilités peuvent être engagées en cas de rupture fautive ou abusive des pourparlers.
Les risques pouvant se révéler après la cession
Certains risques peuvent avoir leur source avant la cession et se révéler après celle-ci. Un des risques dont il faut se prémunir est la création, par d’anciens dirigeants ou des salariés, d’une société ayant la même activité. Il existe deux mécanismes juridiques permettant de se protéger de ce risque : insérer les clauses de non concurrence dans les contrats de travail ou encore insérer dans l’acte de cession une clause d’earn out. Celle-ci a pour objet de faire verser par l’acquéreur d’une entreprise au vendeur de celle-ci un complément de prix en fonction des performances opérationnelles futures de la société cédée.
Ainsi, le prix convenu entre les parties à la cession sera composé d’une partie fixe et d’une partie variable calculée sur les résultats de la société postérieurement à la cession. Cette clause permet de dissuader de créer une autre société concurrente. Elle permet de maintenir le dirigeant sortant au sein de la société afin de lui permettre de faire le relai entre les différents cocontractants de la société (fournisseurs, banques) et la nouvelle équipe.
Il convient également de se protéger contre la perte de substance de l’entreprise liée au départ de certains cadres et de leurs équipes. Plusieurs moyens peuvent permettre de fidéliser les salariés : faire entrer les salariés au capital de la société, négocier avec eux un système d’intéressement aux résultats de l’entreprise.
Le risque le plus redouté est celui de l’apparition d’un passif ayant sa source antérieurement à la cession. Il peut s’agir d’un passif fiscal, d’un passif social, d’un passif environnemental comme la contamination d’un terrain par des substances toxiques qu’il faut décontaminer. L’acquéreur peut donc se protéger par la rédaction d’une garantie de passif par laquelle le vendeur pourra être tenu de régler l’apparition de certains passifs ayant leur origine avant la cession et se révélant après.
La préparation de la cession est une phase essentielle du rachat d’entreprise, elle présente de nombreux risques qui peuvent être maitrisés par le recours à différents mécanismes juridiques.