Selon certains analystes, cette technologie représente un bouleversement aussi important que l’imprimerie et Internet, rien de moins ! Start-up, PME, grands comptes et investisseurs entendent bien participer à cette révolution annoncée.
C’est la nouvelle coqueluche des économistes, des journalistes, des industriels et des politiques. Plus de 1.600 articles sont parus sur la Blockchain rien que dans les médias français en l’espace de 6 mois, qu’ils qualifient de «deuxième révolution numérique».
Réinventer les processus de décision
La secrétaire d’État en charge du numérique, Axelle Lemaire, est convaincue qu’il y a «un potentiel énorme dans cette technologie qui oblige à réinventer complètement les processus de décision». Pierre Louette, directeur général adjoint d’Orange, qui a participé, aux côtés du Nasdaq et de Visa, à la levée de fonds de 30 M$ (27 M€) dans Chain, un acteur majeur du secteur, «croit au potentiel de rupture du Blockchain». Pas mal pour une technologie de stockage et de transmission de données numériques !
Sécurité et faibles coûts
Concrètement, une «chaîne de blocs» est un registre qui conserve la liste de tous les échanges effectués entre les utilisateurs de cette chaîne depuis sa création.
Avec une caractéristique, le stockage est décentralisé sur les serveurs des utilisateurs, ce qui présente 2 avantages majeurs :
– en éliminant les frais d’infrastructure et les intermédiaires, cette technologie permet un coût minime des transactions ;
– le registre, mis à jour en temps réel indépendamment par tous les utilisateurs, est pratiquement infalsifiable ! Pour manipuler les données, il faudrait avoir accès et modifier au même moment des dizaines de milliers de bases de données indépendantes les unes des autres.
Seul frein aujourd’hui, la technologie est limitée théoriquement à 7 transactions par seconde contre 2.000 pour Visa. Mais des solutions sont en cours de développement.
A l’origine, le bitcoin
Historiquement, la Blockchain est liée au Bitcoin, cette monnaie virtuelle – et controversée – apparue en 2008. Parmi les usages, les fintechs ont naturellement été les premières à s’intéresser à cette technologie, notamment pour le financement participatif.
Mais bien d’autres secteurs peuvent être impactés, notamment les places de marché, les plates-formes de mise en relation entre prestataires et clients dans le BtoB comme l’économie collaborative, la distribution (gestion des cartes de fidélité), le juridique («smart contracts»), l’administration publique (en sécurisant le vote à distance), l’éducation (pour lutter contre les faux diplômes), la santé (dossiers médicaux des patients), l’immobilier, les médias (pour gérer les abonnements)… En fait, tous les domaines où il est important de conserver une trace des échanges numériques peuvent, à terme, tirer parti de la Blockchain.
Des enjeux énormes
Pour Romain Rouphael, cofondateur de Belem, une start-up fondée en 2015 pour explorer les applications de la Blockchain : «Satoshi Nakamoto a créé le protocole Bitcoin de telle sorte qu’il soit peer-to-peer, crypté et quasi anonyme, ce qui rend le lien entre une transaction en Bitcoins et la personne physique à son origine très difficile. La Blockchain du Bitcoin enregistre toutes les transactions, mais pas ses auteurs.
Pour la première fois, la propriété peut être transférée sans être dupliquée, et sans passer par un registre centralisé. Ce qui a été fait pour la monnaie, à savoir le passage d’un fonctionnement centralisé à une organisation décentralisée, peut s’appliquer à d’autres domaines. La Blockchain pourrait, à terme, remplacer tous les tiers de confiance centralisés (banques, notaires, cadastres…) par un système informatique décentralisé».
Les prémices d’une révolution
Claire Balva, présidente de Blockchain France, une société qui aide les organisations à appréhender ces nouveaux enjeux, est formelle : «La France doit s’intéresser à la Blockchain parce qu’elle subira plus tard les choix d’autres acteurs si elle ne s’empare pas de ce sujet à temps. Cette technologie pose d’ores et déjà certaines questions, qui appelleront à terme des choix de société : dans quelle mesure accepterons-nous de remplacer les autorités de confiance historiques (banques, gouvernements…) par des programmes informatiques ? Comment gérer la diversité culturelle et sociale par des lois mathématiques ?
Les réponses poseront les fondements de l’utilisation à venir de la Blockchain. Il est aisé de dresser le parallèle entre la situation actuelle de la Blockchain et celle d’Internet dans les années 90 : nous sommes aux prémices d’une révolution dont la portée est encore difficile à mesurer mais aux champs d’application infinis. La Blockchain mettra plusieurs années à se déployer entièrement… mais c’est bien maintenant qu’il faut s’y intéresser». Un nouveau marché sur lequel les entrepreneurs français sont dans les starting-blocks.