La plate-forme de financement participatif spécialisée dans les projets d’énergie renouvelable Enerfip vient de réaliser une émission d’obligations via Blockchain. Une première en Europe, qui permet de valider le concept. Les explications de Léo Lemordant, cofondateur et président d’Enerfip.
Au-delà de l’effet de mode, la Blockchain est-elle véritablement la révolution annoncée ?
Léo Lemordant :
À mon avis, non, ou plutôt pas encore. Mais il faut bien commencer par des applications modestes. Je suis néanmoins convaincu qu’à moyen terme, les registres distribués, Blockchain ou autres, auront pris une place importante dans l’économie mondiale.
Quels nouveaux horizons peut-elle apporter au secteur du financement participatif ?
Dans un premier temps, l’automatisation et la simplification (et donc le coût) de la tenue de registre vont constituer un sacré argument commercial supplémentaire pour convaincre des entreprises intéressées par le participatif a priori mais phobiques des lourdeurs administratives. Je pense que l’expérience client sera aussi améliorée.
À plus long terme, et si le législateur le permet, on peut envisager de nouveaux services, par exemple utiliser la Blockchain comme moyen légal d’horodater les transactions, ou de signer électroniquement les transactions. Cela serait déjà de belles améliorations. Enfin, et surtout, il serait possible d’envisager un marché secondaire des produits d’investissements participatifs, intra-plate-forme et même, pourquoi pas, inter-plates-formes.
La Blockchain est-elle véritablement sécurisée ?
Le fonctionnement décentralisé et distribué permet une grande fiabilité du réseau. Aucune faille n’a été constatée en 7 ans d’usage de la Blockchain pour le Bitcoin. Mais il est impératif de rendre inviolable l’accès aux informations sensibles.
Les enjeux de sécurité sont rigoureusement identiques à ceux de la sécurisation de n’importe quelle base de données. Dans notre modèle, nous avons fait le choix de ne pas communiquer leur clé privée aux clients, ce qui nous permet de contrôler que les actifs ne seront pas transférés à un tiers dont le profil n’a pas été validé par nos services.
Mais on pourrait très bien imaginer que ce rôle soit assumé par un prestataire, sous un agrément spécialement créé et régulé par une autorité de contrôle comme l’AMF.
Nous pensons avoir prouvé qu’il est possible de s’appuyer sur les avantages et la performance d’une Blockchain ouverte en contournant ses inconvénients, c’est-à-dire en respectant l’anonymat des clients, en permettant une traçabilité des acteurs pour les autorités de régulation, et cela avec une maîtrise sécurisée et fiable des informations sensibles des consommateurs.
Concrètement, quand pensez-vous pouvoir proposer des solutions opérationnelles ?
La réponse à cette question ne dépend malheureusement pas d’Enerfip. Technologiquement, le système est mature. Nous attendons simplement que le gouvernement et l’AMF fassent les derniers arbitrages et publient les textes de lois ad hoc. Il s’agit d’une question de mois, au plus. Enfin, espérons-le !