En quoi Body Minute se distingue-t-il en tant que « groupe de femmes au service des femmes » ?
Jean-Christophe David : Notre réseau Body Minute, composé de 300 franchisées et de 480 instituts de beauté, est depuis toujours exclusivement composé de femmes (2 500 au total à ce jour, Ndlr). Notre univers évolue au rythme des femmes et notre démarche est irriguée par une sensibilité féminine prégnante. Les hommes et les femmes ont des approches différentes dans leurs actions et dans leur gestion du quotidien.
Nous avons donc souhaité adapter nos méthodes et notre dynamique à la façon dont les femmes fonctionnent pour servir au mieux notre clientèle exclusivement féminine désireuse d’être belle et épanouie dans leur corps. Nous avons créé un écosystème où des femmes entrepreneuses peuvent prospérer et réussir à l’aune de leurs singularités sans avoir à rougir d’être des femmes. Nous souhaitons aujourd’hui mettre en lumière ces femmes brillantes et désireuses de se réaliser pleinement en vivant une aventure entrepreneuriale hors du commun au service d’une clientèle 100 % féminine.
Quelles relations entretenez-vous avec les femmes du réseau Body Minute ?
L’humain est notre matière première et nous lui accordons une attention toute particulière. Nous entretenons une relation très étroite avec nos franchisées et leurs équipes. Nous sommes attentifs aux défis personnels auxquels nos entrepreneuses peuvent être confrontées, et nous nous engageons à les soutenir dans tous les moments difficiles.
Nous sommes force de propositions afin de trouver des solutions adaptées pour les aider à surmonter certains obstacles en mobilisant la puissance collective du groupe et en mettant en place des arrangements spécifiques lorsque cela s’avère nécessaire. Notre objectif est de les accompagner dans leur réussite professionnelle tout en prenant en considération leurs besoins personnels.
Quels profils de femmes recrutez-vous pour vivre l’aventure entrepreneuriale au sein de votre réseau ?
Nous recherchons des femmes talentueuses, ayant une forte personnalité et attestant idéalement d’une première expérience en management, ou des esthéticiennes de haut niveau qui souhaitent évoluer et faire carrière dans ce domaine où elles se sentent à l’aise et prédisposées à réussir. L’envie est un moteur essentiel.
Pourquoi des jeunes femmes initialement passionnées par l’esthétique reviennent-elles à leur projet initial après avoir fait leurs armes dans d’autres secteurs ?
Certaines femmes, qui ont nourri le désir d’être esthéticiennes depuis leur plus jeune âge, mais ont dû abandonner cette ambition en raison de l’opposition de leurs parents, ont poursuivi d’autres voies et construit leur vie de famille. Vers 35-40 ans, elles aspirent à des postes à responsabilité au sein d’entreprises, mais se retrouvent confrontées à des obstacles, souvent liés au plafond de verre et à la prédominance des hommes dans certaines fonctions.
Malgré leurs compétences, leur ambition et leur désir de prendre des responsabilités, elles se sont rendu compte qu’elles ne pourraient jamais accéder aux postes qu’elles convoitent, souvent réservés aux hommes malgré les promesses de leur hiérarchie. Conscientes de leurs qualités et de leur potentiel, ces femmes ont ressenti le besoin de revenir à leur passion pour l’esthétique, qu’elles ont toujours estimée mais à laquelle elles ont dû renoncer par le passé.
Fortes de leur expérience dans des entreprises structurées et organisées, au sein desquelles elles dirigent des départements dédiés au marketing, à la formation ou à la comptabilité, elles n’aspirent pas à être des esthéticiennes traditionnelles, dont le chiffre d’affaires moyen de 5 000 euros mensuels (source INSEE) ne leur offre pas une situation confortable.
Comment ces femmes néophytes dans les métiers de l’esthétique réussissent-elles leur reconversion ?
Nous les intégrons dans un programme de formation d’un ou deux mois pour les familiariser avec l’univers de l’esthétique et leur apporter une culture métier. Grâce à leur motivation indéfectible et leur désir de réussir dans ce domaine qui les a toujours attirées, elles assimilent très rapidement les connaissances requises.
Lorsque d’anciennes infirmières rejoignent le groupe Body Minute en tant que responsables ou franchisées, la phase d’apprentissage est encore plus rapide. Lorsqu’elles ouvrent leur premier institut, elles connaissent un développement rapide grâce à leur vision du business et à leur compréhension globale des enjeux de l’entreprise. Elles savent tirer habilement parti de tous les services que nous mettons à leur disposition (marketing, produits, formation, communication locale…).
Elles possèdent, par ailleurs, des compétences en management acquises au cours de leurs expériences professionnelles précédentes leur permettant de conduire rapidement leur entreprise au succès au sein de notre réseau.
Est-il facile pour une esthéticienne expérimentée et reconnue de devenir entrepreneuse ?
Les profils d’esthéticiennes requièrent une phase d’adaptation un peu plus longue car les écoles d’esthétique ne forment pas à la gestion d’une SARL. Or, de nos jours, il n’est plus aussi simple de gérer une SARL. Les successions de « chocs de simplification » ont finalement complexifié la gestion d’une petite SARL.
Rejoindre le réseau Body Minute est-il un levier de business significatif pour ces entrepreneuses ?
Lorsque nous transformons un institut traditionnel qui génère en moyenne 5 000 euros de chiffre d’affaires par mois (Source INSEE), nous réussissons à multiplier ce chiffre par cinq en seulement quelques mois. Le réseau Body Minute réalise le chiffre d’affaires le plus élevé au niveau national avec plus de 10 000 tickets générés par jour et représente 15 % du chiffre d’affaires de l’esthétique en France.
Notre originalité réside dans le fait que 80 % de nos 350 000 clientes abonnées n’avaient jamais franchi les portes d’un institut de beauté avant de vivre leur première expérience dans un espace Body Minute. Leur carte d’abonnée leur donne accès à l’ensemble des instituts du réseau pour se faire plaisir à des tarifs exceptionnels.
Il faut avoir à l’esprit qu’en Occident, seulement 12 à 13 % des femmes fréquentent les instituts de beauté, ce qui représente un segment relativement restreint de la population féminine. En comparaison, dans le domaine de la coiffure, environ 87 % de la population, hommes et femmes confondus, se rendait en moyenne 6 à 7 fois par an chez le coiffeur, contre seulement 4 visites en moyenne aujourd’hui.
Comment aidez-vous ces femmes à se lancer ?
Au démarrage, si la candidate ne dispose pas des fonds nécessaires, nous lui proposons plusieurs instituts dédiés à la location-gérance. Cette option lui permet dans un premier temps de créer une petite SARL et de louer la boutique moyennant un dépôt de garantie qui lui sera restitué ultérieurement. Elle peut ainsi lancer son activité sans avoir à acquérir le fonds de commerce ni à contracter de crédit.
Cette étape intermédiaire lui permet donc de s’engager progressivement dans l’aventure entrepreneuriale en minimisant les risques. Durant cette période, elle ouvre un compte professionnel et établit une relation avec son banquier en tant que chef d’entreprise. Elle vit alors une véritable expérience de gestionnaire, en assumant les responsabilités de la direction d’une entreprise, sans les risques liés à un emprunt important.
Elle gère les salaires de son équipe, effectue ses achats de produits, règle le loyer de la boutique, etc. Au fil des mois, les bénéfices générés lui permettent d’épargner et de constituer l’apport exigé par les banques si elle décide ultérieurement d’acquérir le fonds de commerce. Forts du succès observé, les banquiers, pleinement rassurés, peuvent lui proposer de racheter la boutique si elle le souhaite. Une fois qu’elles disposent d’une expérience réussie en management et qu’elles sont reconnues comme telles, les banques sont naturellement plus enclines à accepter leur demande de financement si elles décident d’investir.
Quelle est la stratégie du groupe en matière de formation et de développement des compétences ?
Nous disposons d’une école de formation interne de 400 m^2 à La Madeleine, au centre de la capitale, animée par dix formatrices, qui nous permet de garantir une qualité de service stable et constante. Disposer d’une école de formation interne est une valeur ajoutée dans notre secteur où la norme est de recourir à des écoles d’État ou privées. Chaque nouvelle collaboratrice suit une semaine de formation à Paris à son intégration.
Comment vos franchisées vivent-elles leur aventure entrepreneuriale ?
La réussite entrepreneuriale est particulièrement grisante. Lorsque les femmes obtiennent de bons résultats dans leur institut, elles sont parfois animées par le désir de poursuivre l’aventure en ouvrant d’autres instituts. Le succès génère une dynamique extrêmement positive. Nous avons ainsi des franchisées qui ont ouvert jusqu’à 15 instituts, générant un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros avec 120 employées. D’autres en ont ouvert dix. Cinq autres franchisées ont entre 8 et 10 instituts à leur actif.
Les instituts Body Minute sont le plus souvent leader dans leur quartier ou leur ville. À quoi tient ce succès ?
Pour le vivre au quotidien, notre force réside dans notre marque et notre concept, qui incarnent notre identité et notre engagement ! Rappelons que 80 % de nos 350 000 abonnées n’avaient jamais franchi les portes d’un institut de beauté avant de vivre leur première expérience dans un espace Body Minute. Seulement 12 à 13 % des femmes fréquentent les instituts de beauté, ce qui représente un segment relativement restreint de la population.
Notre marque a conquis les jeunes femmes qui n’osaient pas se rendre dans des instituts « traditionnels » avec rendez-vous. Ces jeunes femmes, qui aspiraient à une formule libre « sans rendez-vous », apprécient particulièrement le rapport qualité-prix des prestations délivrées par les instituts Body Minute et ont pleinement confiance dans les soins made in Swiss que nous prodiguons.
10 à 20 % de notre clientèle nous choisit également par mimétisme avec ses amies. Vous misez beaucoup sur la relation avec vos clientes…
Nous prenons soin de la peau des femmes en leur assurant une peau douce au fil du temps. Nous leur apportons aussi un état de bien-être en les sublimant à travers les soins que nous dispensons. À titre d’exemple, nous prodiguons 250 000 massages par an à notre clientèle.
Nous réalisons également environ 150 000 soins du visage en cabine chaque année, ce qui nous positionne comme leader dans ce domaine. Nos soins comprennent des traitements au collagène, des soins patch énergisants et des soins à la vitamine C pure, incorporés dans des masques et activés par des ingrédients issus de la BioTech Swiss pour amplifier et sécuriser leurs effets. Après un soin, la première réaction d’une femme est généralement de se regarder dans le miroir pour constater les bénéfices immédiats du traitement et s’assurer qu’il a eu un effet « waouh » ou « glowy ».
En cabine, nous utilisons notre marque SKINMINUTE Swiss fabriquée en Suisse à partir d’ingrédients issus de la technologie « Biotech » et de la « Clean beauty » et conditionnés en salle blanche, selon les standards de l’industrie pharmaceutique. Lorsque les femmes franchissent les portes d’un institut de beauté, elles aspirent à être prises en charge par la meilleure esthéticienne, dans l’espoir d’obtenir le meilleur service possible pour elles-mêmes. Nous devons donc proposer une expérience en cabine d’une qualité irréprochable, car nous savons que la moindre insatisfaction peut compromettre cette relation de confiance. Si nos services ne répondent pas à leurs attentes, nos clientes résilient leur abonnement et ne reviennent pas.
Les ressources dans le secteur de l’esthétique sont-elles volatiles ?
Les jeunes sont pleinement conscients qu’en travaillant 35 heures par semaine au lieu de 42 ou 45 heures, avec leurs deux mains comme outil de travail, ils généreront nécessairement moins de chiffre d’affaires, ce qui a forcément des répercussions sur leur salaire.
Lorsque je travaillais dans les salons de mon père (Jean-Louis David, Ndlr) comme shampooineur à l’âge de 15 ans, les coiffeurs, qui œuvraient alors 45h par semaine, gagnaient très bien leur vie et avaient la possibilité, à terme, de s’installer à leur compte grâce à leur travail. Les 35h ont brisé l’ascenseur social qui constituait l’un des piliers de l’artisanat. Aujourd’hui, le manque de perspectives financières n’incite plus les jeunes à rejoindre nos professions artisanales.
À 20 ans, on peut travailler 40h par semaine et sortir tous les soirs sans ressentir de fatigue. On pourrait imaginer instaurer les 35h à partir de 35 ans dans certaines professions. Dans nos instituts suisses, les jeunes femmes travaillent 42h par semaine (durée légale en Suisse, Ndlr) avec le sourire et déplorent d’être bridées à 35h hebdomadaires de l’autre côté de la frontière. Cherchez l’erreur… Le niveau de salaire est sans nul doute la clé de leur raisonnement.
Chez Body Minute, nous prônons une politique salariale de redistribution et nous intéressons donc toutes nos collaboratrices au chiffre d’affaires. Nous sommes particulièrement fiers de proposer les salaires les plus attractifs de la profession. Vous devez par ailleurs savoir que 70 % des jeunes ayant embrassé les métiers de l’esthétique et de la coiffure ne persévèrent pas dans cette voie et renoncent à cette filière après quelques années d’exercice.
Autrefois, nombreux étaient ceux qui abandonnaient dès l’âge de 23-24 ans, découragés par une concurrence ardue et un manque de performance personnelle. Ils craignaient par ailleurs que l’ouverture de leur propre entreprise ne fasse que déplacer le problème, avec toujours quelqu’un de plus performant pour les surpasser dans leur ville ou dans leur quartier.
Comment expliquez-vous cette évolution ?
Elle découle en partie d’une décision malencontreuse des écoles d’esthétique, confrontées à l’émergence de l’esthétique à domicile, notamment par le biais du statut d’auto-entrepreneur. Les spas et instituts haut de gamme ont été particulièrement touchés par cette concurrence. Nombreuses étaient les esthéticiennes talentueuses, âgées de 25 à 30 ans, travaillant dans ces établissements prestigieux, qui ont choisi de se lancer en tant qu’indépendantes pour maximiser leurs revenus, sans avoir à supporter les frais fixes d’un local commercial.
Optant pour le statut d’auto-entrepreneur, elles ont ciblé une clientèle aisée, après avoir récupéré leurs coordonnées dans les instituts de luxe dans lesquels elles travaillaient. Cette situation a placé les gérantes de ces instituts dans une position délicate, les incitant à se tourner vers des profils plus jeunes pour éviter de futures désertions.
Cette recherche de jeunes talents s’est heurtée à une difficulté supplémentaire car bon nombre de ces jeunes femmes étaient déjà employées dans des enseignes telles que Body Minute, rendant ainsi le recrutement encore plus ardu pour ces instituts traditionnels de luxe. Nos concurrents ont tenté de débaucher certaines d’entre elles en leur faisant miroiter des opportunités alléchantes. Il existe cependant une divergence marquée entre le profil de notre clientèle et celui des instituts traditionnels haut de gamme.
En effet, nos clientes, dont l’âge moyen se situe entre 15 et 45 ans, diffèrent de la clientèle plus âgée des instituts traditionnels de luxe, où l’âge moyen oscille entre 55 et 60 ans. Il est plus délicat de faire prodiguer des soins à tarifs élevés par de jeunes esthéticiennes de 21 ans à une clientèle plus senior, la différence d’âge pouvant entraîner des moments de gêne et de malaise en cabine. Cela a fini par démotiver certaines esthéticiennes de persévérer dans cette belle profession qui s’en sont allées découvrir d’autres univers professionnels mais que nous commençons à voir revenir dans nos instituts pour notre plus grande joie.
L’auto-entrepreneuriat a-t-il vraiment bougé les lignes ?
Notre secteur fait face à un défi croissant lié à la montée en puissance des travailleurs indépendants dans le domaine de l’esthétique. Certaines de nos esthéticiennes ont succombé à la tentation de travailler à domicile en tant qu’auto-entrepreneurs, séduites par la perspective de revenus plus conséquents et d’une idée d’une « fausse » liberté.
Cependant, cette expérience s’est souvent révélée semée d’embûches. Le succès de l’auto-entrepreneuriat dans nos métiers n’a duré qu’un temps. Nombre de clientes méfiantes, suite à de multiples déconvenues, ont repris le chemin des instituts. Nous observons également un retour progressif de nos anciennes collaboratrices, désormais âgées de 25 ans, qui réintègrent notre réseau pour occuper des postes de management.
Comment avez-vous réussi à retrouver le niveau de chiffre d’affaires de 2019 malgré le séisme de la crise sanitaire ?
C’est un travail quotidien. Nous restons focus en mobilisant toute notre énergie pour insuffler une dynamique positive afin d’être en capacité d’attirer des clientes dans nos instituts et de leur apporter une pleine satisfaction grâce à des prestations de qualité délivrées par des esthéticiennes formées et aguerries. Nous redoublons de résilience pour faire perdurer notre réseau malgré les multiples turbulences.
Nous déplorons la philosophie fataliste qui consiste à penser que la disparition d’un commerce est sans importance puisqu’un nouveau commerce le remplacera. Nous n’adhérons pas à cette vision limitante d’un simple gâteau à partager. Notre approche, axée sur la satisfaction cliente et la préservation d’une relation de confiance, est au cœur de notre stratégie. C’est ce qui nous permet de fidéliser notre clientèle et de garantir leur entière satisfaction dans la durée.
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Quels nouveaux défis devrez-vous relever dans les années à venir ?
Nous avons deux défis majeurs à surmonter. Nous nous heurtons, d’une part, à un cadre réglementaire de plus en plus complexe et contraignant. Nous devons, par ailleurs, répondre aux exigences d’un « nouveau monde », où la présence en ligne est devenue névralgique. Nous devons être connectés et présents sur le numérique et les réseaux sociaux sous peine de compromettre notre existence.
Se priver de ces nouveaux canaux nous expose au risque de défaillir chaque mois de 20 % par rapport à nos objectifs de chiffre d’affaires. Une fois encore, en de telles circonstances, être affilié à un groupe sérieux et d’une solidité éprouvée s’avère être un atout majeur face aux entreprises isolées, confrontées aux défis des crises et des « prédateurs ».
Propos recueillis par Isabelle Jouanneau