Je m'abonne

Bolloré veut-il croquer la navette autonome Navya ?


Ça ne pouvait plus durer. Après avoir accumulé de nombreuses pertes, le pionnier français de la navette autonome passe à l’accéléré. Une nouvelle direction, avec Olivier le Cornec, un refinancement de 30 millions d’euros via le fonds du Bahreïn Eshaq, un partenariat industriel avec l’alsacien Lohr, et un soutien qui...

Vincent Bollore (Photo Ammar Abd Rabbo/ABACAPRESS.COM )

Ça ne pouvait plus durer. Après avoir accumulé de nombreuses pertes, le pionnier français de la navette autonome passe à l’accéléré. Une nouvelle direction, avec Olivier le Cornec, un refinancement de 30 millions d’euros via le fonds du Bahreïn Eshaq, un partenariat industriel avec l’alsacien Lohr, et un soutien qui fait parler, celui de Vincent Bolloré, le tycoon breton, qui n’a pas renoncé à devenir industriel.

Fin septembre 2022, Lohr et Navya ont pris une décision qui va leur permettre d’aller de l’avant. Pour ces deux entreprises installées sur des créneaux complémentaires, faire front ensemble a plus de sens que d’avancer

seuls. Les fondateurs de ces deux structures souhaitent « accélérer leur développement technologique, industriel et commercial dans la mobilité autonome ». Car la complémentarité semble aller de soi, Navya est le leader des systèmes de mobilité autonome tandis que l’Alsacien Lohr est un groupe industriel reconnu internationalement dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de systèmes de transport.

AMBITIONS MONDIALES

La couleur est annoncée ! Ils n’en sont encore qu’aux prémices, mais après une première phase de mise au point, les nouveaux partenaires ont bien l’intention d’aller loin ensemble, en offrant des véhicules autonomes homologués pour les vendre en Europe, mais aussi au Moyen-Orient et en Amérique du Nord.

LE PROJET CRISTAL

L’ambition est d’aller vite, chose possible, car les deux entreprises sont déjà bien avancées dans ce domaine. Lohr a déjà développé des navettes électriques, jusqu’à présent avec chauffeur. L’objectif de Lohr de rendre ces navettes autonomes date déjà d’un certain temps, une première collaboration avait été envisagée dans un premier temps avec le groupe Transdev. Finalement, le projet se mettra en place avec Navya. Les navettes du groupe Lohr seront équipées du logiciel de conduite autonome développé par Navya pour une phase de tests et de validations permettant de mettre au point le véhicule définitif avant industrialisation. Celui-ci est déjà bien avancé, il permettra de transporter 18 passagers pour des clients du service public. Le nom de cette innovation 100% électrique a déjà été trouvé, il s’agit de « Cristalya », qui pourra desservir des collectivités, des sites industriels, des parcs d’entreprises, des zones de facultés, etc.

LOHR, L’INDUSTRIEL

C’est François Lhomme qui préside depuis deux ans le directoire du groupe Lohr et ses 1500 collaborateurs installés à Paris, Lyon, dans le Michigan ou Singapour. Reconnu en tant que spécialiste des solutions de mobilité autonome depuis sa création en 2014, le groupe privé alsacien est un partenaire de poids qui a fait ses preuves depuis quelque soixante années dans les systèmes de transport, et réalise 80% de son chiffre d’affaires de 150 millions d’euros (2021) à l’étranger. Le groupe appuie son activité sur trois axes stratégiques. En premier lieu, l’automotive, car le groupe est leader mondial du marché porte-voitures, le second axe est Lohr Railway, acteur reconnu du ferroutage. Le troisième est la raison de l’engagement avec Navya, il s’agit du secteur des Nouvelles Mobilités. Né en 1963, le groupe créé par Robert Lohr a prouvé sa résistance, passant de grands succès à des moments plus difficiles comme en 2012, où il a fallu restructurer. La société travaille depuis plus de dix ans sur le Cristal, son véhicule électrique. Installée en Alsace, Lohr dispose d’usines en Turquie, Inde, Serbie, aux États-Unis, et au Mexique.

NAVYA, LE CONCEPTEUR

Navya, la PME de Villeurbanne (69), a bénéficié d’actionnaires solides ses premières années, tels que Valeo et Keolis et a pu progresser rapidement dans son développement. La création d’entreprise s’est faite après le rachat de Induct, une société déjà bien avancée dans ses recherches en matière de mobilité urbaine. Induct avait en effet lancé un système de navigation par Intelligence Artificielle, dénommé Navia, et créé quelques prototypes de minibus électriques sans chauffeur. Navya a déjà enregistré ses premiers succès, avec la navette Autonom Shuttle vendue à plus de 200 exemplaires dans quelque 25 pays, tout en développant un autre véhicule destiné au transport de biens.

L’entreprise dispose également d’un partenariat avec le groupe Bolloré avec le Bluebus Autonom dont les premiers essais viennent d’être effectués avec succès.

Depuis 2018, Navya est coté sur Euronext Paris. Entre cette introduction en bourse et des financements auprès de la Banque Européenne d’Investissement, ce sont 80 millions d’euros qui ont été consacrés au développement. Le conseil de surveillance est présidé par un homme d’affaires bien connu, Charles Beigbeder.
L’entreprise réalise 10 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 300 salariés, suite à une tentative de levée de fonds avortée, la nouvelle présidente du directoire a démissionné après moins d’un an à son poste. Un nouveau dirigeant doit être nommé.

Lancer une startup industrielle innovante sur un secteur en émergence est loin d’être un long fleuve tranquille. Seuls réussissent ceux qui arrivent à trouver les financements dans la durée, leur permettant de maintenir le cap. On le voit également actuellement avec la pépite française de la voiture à hydrogène Hopium, qui a pris du retard sur ses premiers objectifs.

L’itinéraire tourmenté de Navya va-t-il enfin changer de cap ? En difficulté, le pionnier français des navettes autonomes a de gros soucis financiers (10 M€ de pertes en 2022). Après le renflouement avorté d’un fonds basé à Bahreïn, la PME villeurbannaise, dont le conseil de surveillance est présidé par Charles Beigbeder, a changé de PDG. C’est désormais l’ancien directeur de la recherche, Olivier Le Cornec (ex-PSA), qui dirige la société cotée en Bourse.

En parallèle, Navya s’en remet à un géant : Bolloré, à travers sa filiale Bluebus, dont l’usine est située à Quimper (Finistère). Ce partenaire industriel d’envergure a permis à la PME d’accélérer la fabrication de ses bus électriques sans conducteur. Deux sont déjà prêts et entament leur phase d’essai. Reste désormais à remplir le carnet de commandes pour réduire les pertes en 2023…

À voir aussi

Les commentaires sont fermés.