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Bompard, empereur français du cachemire


C’est l’un de nos plus grands entrepreneurs. À 57 ans, ce self-made- man brestois a fait de l’enseigne Maisons du Monde, l’une des entreprises les plus rentables de France (un petit Zara de la déco revendu en 2013 pour 680 Me). Homme d’affaires discret, Xavier Marie préfère les actes à la parole. Et s’il a accepté de nous rencontrer dans un petit salon de la ème Réserve dans le 8 arrondissement à Paris, c’est pour nous parler de son dernier défi Bompard, la perle française du cachemire fondée en 1986 et dont il veut faire un label mondial. Cela promet...

Entreprendre - Bompard, empereur français du cachemire

C’est l’un de nos plus grands entrepreneurs. À 57 ans, ce self-made- man brestois a fait de l’enseigne Maisons du Monde, l’une des entreprises les plus rentables de France (un petit Zara de la déco revendu en 2013 pour 680 Me). Homme d’affaires discret, Xavier Marie préfère les actes à la parole. Et s’il a accepté de nous rencontrer dans un petit salon de la Réserve dans le 8 arrondissement à Paris, c’est pour nous parler de son dernier défi Bompard, la perle française du cachemire fondée en 1986 et dont il veut faire un label mondial. Cela promet…

Qu’est-ce qui vous a décidé de racheter la marque Eric Bompard aux côtés du fonds Apax Partners et de Bpifrance ?

Xavier Marie : Si la question est « pourquoi avec Apax et BPI ? », la réponse est que je n’avais pas assez de moyens financiers pour le faire seul. Mais ce n’ est pas l’ unique raison.

N’ étant pas financier, il est très confortable pour moi d’avoir des partenaires à qui déléguer les aspects financiers et juridiques qui sont lourds dans ce type d’acquisition.

Par ailleurs, je suis un patron qui ne déteste pas travailler pour d’autres, cela m’oblige à me structurer et me met davantage de pression que lorsque je travaille pour moi. Après, pourquoi Bompard ?

C’était une formidable opportunité. Bompard est une très belle marque avec une notoriété incroyable, présente dans de nombreuses familles françaises. C’est une marque réellement transgénérationnelle, capable de parler à tous les membres d’une famille, ce qui est très rare.

Bompard s’est construite sur des valeurs de qualité et de savoir-faire qui lui confèrent une grande stabilité et une belle image. C’est aussi une marque de spécialiste, ce qui est une chance dans le contexte actuel de sur-offre mondiale.

Avez-vous en tête une marque de mode qui vous inspire ?

Je citerais Moncler (spécialisée dans la création de doudounes haut de gamme — ndlr) qui est un parfait exemple de redéploiement.

Comment allez-vous développer Bompard ?

Lorsque l’on décide de racheter une société comme Bompard, on sait en amont ce que l’on va y faire. On décide de la racheter car on estime que l’on peut mettre en œuvre une stratégie définie au préalable se matérialisant à travers un plan d’action à 4 ou 5 ans.

Le produit reste la priorité absolue. En rachetant la société, j’ai commencé par recruter une directrice artistique issue de l’univers de la mode pour transformer le produit tout en conservant le savoir-faire historique, et les intemporels qui constituent l’ADN et le fonds de commerce de la marque.

L’idée est d’évoluer en parallèle et de façon complémentaire vers un produit plus mode et fantaisie. Nous souhaitons également travailler sur l’offre, sur les collections et leur structure, ainsi que sur les familles de produits.

Cela passera notamment par de nouveaux segments jusqu’alors peu travaillés par la marque, mais aussi par l’apport de nouvelles matières luxueuses afin de ne pas rester fondamentalement cachemire. Nous allons également travailler la désaisonnalisation, Bompard ayant aujourd’hui une activité extrêmement saisonnière avec 70% du chiffre d’affaires réalisé sur la période hivernale.

Avez-vous prévu d’approfondir votre stratégie de distribution ?

C’est ce que prévoit notre business plan avec l’ouverture d’un nombre important de magasins. En 30 ans, la société s’est développée de façon prudente, à raison d’un à trois nouveaux magasins par an. Bompard possède aujourd’hui 45 boutiques en France et 10 en Europe.

Nous allons d’abord privilégier l’accélération du développement sur la France, avec un programme de dix ouvertures en 2019. Nous estimons qu’il reste encore un potentiel de trente magasins à ouvrir au niveau national.

Si nous atteignons les objectifs du business plan, l’accélération du développement en Europe interviendra dans 2 ans. À l’échéance de 2020, nous avons pour objectif de mettre en place le « wholesale » alors que nous sommes aujourd’hui exclusivement dans un modèle dans lequel nous avons notre propre distribution et nos propres magasins.

Nous souhaitons ouvrir la marque à d’autres distributeurs et à des enseignes multi- marques de manière à accompagner et accentuer la présence à l’international. C’est un levier d’accélération de développement important.

Quid de votre présence sur le Web ?

Dès notre arrivée dans la société, nous avons analysé les forces et faiblesses du site Internet et pris la décision d’investir dans une nouvelle plateforme digitale qui est en cours de refonte. Le digital représente aujourd’hui 12% du chiffre d’affaires : c’est une belle performance dans le secteur de la mode mais notre ambition va bien au-delà.

La communication est également un axe important, auquel Bompard a toujours alloué un budget relativement important. Dès mon arrivée, j’ai lancé un appel d’offres auprès d’agences afin de trouver une stratégie de communication forte pour accompagner et soutenir la transformation de la marque vers la mode. Ce nouveau concept devrait voir le jour en f in d’année.

Qu’incarne pour vous l’expression le « luxe à la française » ?

Il me semble que le « luxe à la française » s’incarne dans une certaine forme de chic. Qu’il s’agisse d’une marque rock, streetwear ou classique, il y a presque toujours une précision, une justesse et une sobriété qui fait le style français.

Comment être différenciant dans cet univers hyper concurrentiel ?

C’est tout le sujet et toute la difficulté. Je pense que seule une création forte accompagnée d’une communication forte peut permettent d’y arriver. Mais comme toujours, c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire !

Bompard est réputé pour son positionnement tarifaire agressif. Est-ce encore un atout ?

Historiquement, Bompard a toujours été innovant grâce à son positionnement qualité-prix unique sur le marché. La Maison peut faire valoir sa qualité, semblable à celle des plus belles marques de luxe sans en avoir les prix.

Beaucoup d’acteurs se bousculent ensuite avec des prix plus agressifs et des positionnements qualitatifs très différents. Lorsque l’on a déjà cette spécificité et cette force, le fait de rechercher un produit plus mode, qui se rapproche de la politique des maisons de luxe, constitue un autre moyen de se différencier.

J’ai pour conviction que ce positionnement historique combiné à un positionnement mode en fera une entreprise extrêmement forte.

Quelles sont les clés du succès pour Bompard ?

Le produit, encore le produit, et toujours le produit.

Comment construire un groupe de mode et de luxe 100% français ?

Je crois qu’il est préférable de poser cette question à Bernard Arnault (propriétaire du groupe de luxe LVMH, qui a racheté en 2013 la célèbre marque italienne Loro Piana pour 2 Md e — ndlr). Pour ma part, je ne l’ai pas encore fait (rires).

Comment arrivez-vous à jongler entre toutes vos entreprises ?

J’ai racheté successivement cinq sociétés : certaines qui ne se portaient pas bien, et d’autres qu’il fallait transformer ou développer. Dans les différents cas de figure, le travail à accomplir les deux premières années est très conséquent et je ne sais parfois plus où donner de la tête.

Par ailleurs, je dois faire mes preuves dans la mode qui est pour moi un nouveau secteur. (correction) Par exemple réveiller et refaire briller Free Lance (racheté au frères Yvon et Guy Rautureau — ndlr) qui avait été l’une des plus belles marques de chaussures dans les années 90, sinon la plus belle, est un exercice très difficile.

Il n’est pas uniquement question de lui redonner de nouveau son éclat mais de s’adapter au marché qui a profondément changé en l’espace d’une vingtaine d’années, toutes les marques de luxe font aujourd’hui des chaussures, les marques de fast fashion font toutes des jolies chaussures qui, ne coûtent pas grand-chose certes avec une qualité en rapport, quand il y a 20 ans ils fallait aller dans un magasin pour trouver ses chaussures aujourd’hui ce pléthore d’offres vous est accessible à la maison grâce à internet , enfin et surtout 50% du marché de la chaussure s’est transféré sur la basket , voyez le redéploiement d’une marque aussi belle soit-elle n’est à un sujet simple.

Vous avez aussi repris la marque de mode féminine Paule ka ou Bonton. Comment imaginez-vous l’avenir ?

J’aime imaginer des sociétés plus structurées à l’horizon d’un ou deux ans afin de pouvoir souffler un peu. Les deux premières années suivant un rachat sont compliquées, d’autant que je cumule plusieurs deux premières années en même temps. Rien n’est gagné d’avance.

J’adorerais être incubateur de start-up, j’y ai déjà songé pour des petites marques talentueuses qui m’ont consulté, mais, avant d’envisager de nouvelles aventures, je dois réussir ma première mission qui est d’apporter le succès aux sociétés que je j’ai rachetées.

Vous avez réussi alors que vous êtes autodidacte…

Oui, j’ai eu ma première expérience d’entrepreneur à l’âge de 20 ans, puis j’ai monté diverses sociétés dans différents secteurs. Durant les 20 dernières années, j’ai créé et dirigé Maisons du Monde avant de décider, il y 18 mois, de faire autre chose, et d’investir dans la mode.

Le fameux esprit d’entreprendre…

Oui, ce mélange d’optimisme, de goût du défi, un soupçon d’inconscience et beaucoup de persévérance. J’aime l’idée que rien n’est impossible… Je suis tombé jeune dans l’entrepreneuriat. Autodidacte, je n’avais guère d’autre choix, si je voulais réussir, que de tracer ma route. C’est l’histoire de beaucoup de chefs d’entreprises.

Qu’est-ce qui défini un entrepreneur ?

C’est avant tout quelqu’un qui a une vraie vision et qui va s’accrocher. La vision est ce qui différencie l’ entrepreneur du cadre supérieur brillant. Cela paraît peu de chose, mais il existe toujours plusieurs stratégies possibles, et souvent une seule qui vous mène beaucoup plus loin.

Un entrepreneur est également une personne capable de mettre beaucoup de foi et d’abnégation dans son projet. Un entrepreneur est courageux et maîtrise sa peur ; peur qui souvent freine et empêche de franchir le pas.

Quel entrepreneur pensez-vous être ?

Je pense être un entrepreneur très pragmatique, terrien, et qui a une capacité à régler les problématiques les unes après les autres pour passer à l’étape suivante.

Quel lien existe-t-il entre votre différents activités (luxe, décoration d’intérieur, cachemire…) ?

La dimension créative. J’ai une attirance particulière pour les métiers qui transforment un processus créatif en business, ou des produits désirables en succès commercial. Avec mes marques, je suis servi…

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