Avec 50 points de vente en 2023 et une centaine en 2025 ; Feuillette est déjà le troisième réseau de boulangerie artisanale. Et pourtant tout a commencé en 2005 à Blois quand Jean-François Feuillette s’est mis en tête de reprendre une boulangerie de quartier, ne faisant que suivre les traces de son père boulanger en Lorraine.
La boulangerie est-elle une passion ?
Jean-François Feuillette : La passion de la pâtisserie m’est venue alors que j’avais une dizaine d’années, en faisant des tartes avec ma Maman. Quand les copains m’appelaient pour le foot, je préférais faire des gâteaux, du coup j’étais un peu enrobé et j’ai compris qu’il fallait aussi faire du sport ! À 16 ans, j’ai choisi la pâtisserie, fait mon apprentissage dans l’Est dans des maisons renommées comme Claude Bourguignon à Metz et Jean-Charles Lemoy à Nancy, j’ai ensuite intégré les équipes de Pierre Hermé, puis j’ai travaillé comme chef de partie au George V et à 25 ans, j’ai décidé de m’installer. J’ai d’abord cherché un lieu vers Paris, mais les prix étaient trop élevés, j’ai donc acheté la moins chère, une petite boulangerie de quartier au pied du château, la plus ancienne de Blois, traversée par une source, j’ai été charmé, tout de suite conquis.
Quelle était votre idée alors ?
En 2009, j’ai créé « Boulangerie Feuillette », j’étais passionné depuis longtemps par les salons de thé, j’ai toujours adoré le teatime dans un fauteuil en cuir dans un joli décor, avec la petite pâtisserie dans l’assiette. C’était l’idée de départ, mais ce qui a pris de l’ampleur, c’est le snacking et la restauration rapide, d’ailleurs le créneau phare dans nos magasins est entre midi et 14h00 où la moitié du CA est réalisé. Mais nous avons une cheminée dans chaque point de vente. À cette époque, j’avais 3 boulangeries ouvertes, les produits étaient faits dans chaque point de vente, mais la qualité n’était plus rendez-vous, j’avais du mal à atteindre le niveau que je souhaitais atteindre.
J’ai compris que si le pain et la briocherie devaient être faits sur place évidemment, puisque nous sommes des boulangeries artisanales, il fallait que je centralise les produits de pâtisserie les plus techniques et les plus difficiles à fabriquer. Au bout du 6e magasin, j’ai créé un laboratoire à Blois. La pâtisserie simple est faite sur place dans les boulangeries, le reste dans notre laboratoire.
Et la franchise ?
Les magasins les plus éloignés sont créés en franchise, un mode de développement que nous avons pu développer, car nous sommes n°1 en CA/point de vente avec 30 à 50 salariés par boulangerie et 2,8 millions d’euros en moyenne par magasin. Nous avons démarré la franchise, car gérer au quotidien est indispensable. Nous avons 22 magasins en succursale et 28 en franchise, installés plutôt sur la moitié nord et centre de la France.
Vous venez d’ouvrir un nouvel atelier ?
Oui, nous avons un nouvel atelier central à Blois, qui a été autofinancé. C’est un investissement de 14 millions d’euros, qui emploie une centaine de salariés sur 5 000 m2, il a ouvert le 1er juillet.
Qui sont vos concurrents, comment vous situez-vous par rapport à eux ?
D’abord, dans les franchises, je suis le seul patron à être du métier, je n’ai pas fait d’école de commerce, je suis boulanger-pâtissier. Par ailleurs, en périphérie de province, il y a des boulangers, mais peu de pâtisseries, du moins pour le moment. Ensuite, si l’on parle snacking, MacDo est lui aussi sur la restauration rapide ! À Paris, il y a effectivement des boulangers qui font comme nous, mais pas à cette échelle. Les grands centralisent aussi leur pâtisserie, Ladurée, Fauchon, Pierre Hermé, Cyril Lignac, Eric Kayser sont eux sur des créneaux de centre-ville…
Vos ambitions à moyen terme ?
18 ouvertures sont programmées en 2023 pour atteindre la centaine d’ici 2026. Aubagne, la région lilloise, partout où l’on peut « démocratiser la boulangerie de qualité dans les villes de province » comme l’a dit un de nos clients. Nous sommes déjà structurés, avec un service, de la communication interne et externe pour la marque, nous sommes une société jeune, dynamique, d’une moyenne d’âge de 26 ans.
Vous n’avez donc pas ce fameux dilemme croissance /qualité ?
Si bien sûr. Lorsque j’ai décidé de changer pour des noisettes du Piémont, dont le coût d’achat est le double, je fais le choix de la qualité. Personne ne fabrique son praliné maison, notre Paris-Brest est haut de gamme, cela me fait plaisir, je sais ce que je vends à mon client. S’il arrive que nous changions un produit, c’est pour améliorer la qualité. Si je vois un jour que la qualité se dégrade, j’arrêterai le développement, car il y a mon nom sur les magasins. Je suis le seul dirigeant et actionnaire, il faut le meilleur, même si cela est compliqué. Je ressens une responsabilité forte, il y a 1600 personnes dans le groupe, je suis dans le rôle du meneur et j’ai besoin d’avancer, car les équipes sont en attente de nouveaux projets.
Le juge de paix, c’est le client, qui nous fait vivre et qu’il faut satisfaire pour continuer à exister. Je n’oublie jamais le client, il doit avoir le bon rapport prix/plaisir. C’est lui qui décide, nous devons l’écouter, nous remettre en question au quotidien, en respectant par exemple des goûts régionaux. Par exemple, nous avons développé et lancé des cannelés pour l’ouverture de Bordeaux, mais ensuite cela a marché dans tous les magasins, car ce sont de bons produits.
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