Entrer dans la société fondée par votre père était-il une évidence ?
Maxime Holder : Pas du tout, bien au contraire. J’ai étudié le droit, puis intégré Sciences Po Paris, je voulais servir l’intérêt général et entrer dans le service public. J’ai ensuite fait l’armée, mon frère aîné a été le premier à intégrer le groupe, j’ai résisté trois ans, ma sœur dix ans, et nous y travaillons tous à présent. Mon père a un véritable esprit d’entrepreneur artisan, il a perdu son propre père à 17 ans, et a tout créé à partir de la boulangerie lilloise dans laquelle il travaillait auprès de sa mère. J’ai eu la chance d’être le témoin de son courage, de son travail et de celui de ma mère.
Vous avez passé 10 ans en France, 10 ans à l’international, est-ce une expérience indispensable pour présider les Boulangeries Paul ?
Maxime Holder : J’ai suivi les pas de mon père pour me former une dizaine d’années en France, jusqu’à déterminer quel était le vrai « plus » que je pouvais apporter dans l’entreprise familiale. La réponse a été l’expansion internationale. J’ai réfléchi à la question du succès mondial de certaines enseignes américaines dans l’alimentaire. La France, pourtant reconnue de par le monde pour sa cuisine et sa gastronomie, n’en a pas. Pourquoi n’y aurait-il pas de place pour une enseigne française mondiale ?
J’ai donc travaillé à une stratégie sur ce sujet et je me suis installé avec ma famille à Londres en 2011, une décision facilitée par le fait que mon épouse est franco-britannique. Paul est pourtant lui aussi un très gros vendeur de café, tout particulièrement en Grande-Bretagne, avec plus de 20 millions de tasses de café, soit 15% des ventes. Nous devions clarifier notre offre.
Pourquoi ne pas proposer une quinzaine de références de très bons produits café et un complément à partir de l’assortiment Paul ? C’est ainsi qu’un nouveau concept s’est développé naturellement en Grande-Bretagne, un marché où l’on vend peu de pain par rapport à la baguette quotidienne du marché français. Il convenait donc de formaliser cette idée sous une nouvelle marque, Paul Le Café. Le premier a ouvert en Thaïlande, celui de Montparnasse fut le second. Nous avons aujourd’hui environ 37 Paul le Café, le 36e a été celui des Champs-Élysées ouvert en fin d’année dernière et nous avons 25 ouvertures déjà prévues.
Les lieux privilégiés sont les gares, aéroports, puis le centre-ville. Quelle est votre différenciation par rapport à Starbucks ?
Maxime Holder : Notre enseigne détient une véritable expertise food, qui a mis cinq générations à se développer, il ne faut pas oublier que le boulanger nourrit l’homme, pas le café. Avec Paul Le Café, nous combinons une offre alimentaire à la française avec un choix de cafés adaptés pour plaire à chaque marché.
Nous avons un mélange spécifique que nous travaillons différemment en fonction des goûts des pays sur lesquels nous sommes présents. Nous prévoyons une centaine de points de vente d’ici 2025, et répondons à des appels d’offre pour des aéroports américains.
Paul et Paul Le Café sont-elles deux enseignes vraiment complémentaires ?
Maxime Holder : Oui, les boulangeries Paul n’ont pas vocation à devenir des Paul Le Café. Les deux périmètres sont différents, chez Paul Le Café, il n’y a pas de pain, ni de grosse pâtisserie, l’ensemble est plus souple. Les formats sont bien distincts. Chez Boulangeries Paul, nous poursuivons par ailleurs un développement ambitieux sur la France avec une trentaine d’ouvertures par an. À l’international aussi, notre stratégie de développement est claire.
Premièrement, un objectif de massification dans les pays où nous sommes depuis plus de 20 ou 30 ans, comme le Japon, le Moyen-Orient ou le Maroc par exemple. Deuxièmement, la conquête de nouveaux territoires, avec l’ouverture de 3 à 5 pays annuellement. Fin 2024, avec notre enseigne Paul, nous aurons ouvert 57 pays partout dans le monde. Nous venons d’ouvrir au Cameroun, bientôt le Kirghizstan, puis le Bangladesh.
Quelle est votre réponse face à une concurrence est de plus en plus présente des réseaux de boulangerie sur le territoire français ?
Maxime Holder : Paul fut le premier à être le boulanger artisan à sortir des centres-villes, 60% des implantations sont en centres commerciaux et en périphérie, nous sommes la première marque dans un multiunivers. Les concurrents font aujourd’hui ce qu’a déjà fait Paul. Cependant, tous sont en train de se vendre, Ange, Louise, Sophie Debreuilly, alors que nous restons une entreprise familiale. Nous restons vigilants afin de garder notre avance, nous n’avons pas augmenté nos tarifs en 2023, et avons constaté un gain de clients dans nos magasins.
La concurrence a toujours existé, des chaînes françaises et de grandes sociétés internationales telles que le coréen Paris Baguette, l’Américain Panera Bread, les Starbucks, les Prêt-à-manger, les McCafé, le marché est très concurrentiel. De nouveaux acteurs arrivent en France que nous affrontons déjà dans d’autres pays, notamment en Grande-Bretagne, qui est souvent une porte d’entrée pour le continent européen.
L’une des spécificités de Holder est que nous concevons, fabriquons, distribuons, commercialisons dans des réseaux intégrés et franchisés. Notre expertise interne, amont et aval est complète, y compris dans la mise en place de concepts. Nous faisons également venir le monde entier à Lille, car nos boulanger-pâtissiers viennent améliorer leurs compétences ici, en formation annuelle continue. L’aventure se poursuit depuis 1889 !
Propos recueillis par Anne Florin
Boulangeries, cafés : les ambitions mondiales de Paul
Avec plus de 800 points de vente dans le monde, Paul est une marque emblématique de la boulangerie et peut-être demain du café à la française. Entretien avec Maxime Holder, DG des boulangeries Paul.