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Brigitte Bardot, Alexandre et la tarte Tropézienne


Ancien coureur automobile, ce pâtissier d’Annecy a bien fait de reprendre, en 1985, la petite affaire créée parAlexandre Micka. En 30 ans, il a développé des boutiques, créé un laboratoire ultra-moderne à Cogolin, et fidèle à son slogan :« toujours imité, mais jamais égalé », il veut, à 70 ans, s’implanter en franchise dans certaines capitales européennes.

Entreprendre - Brigitte Bardot, Alexandre et la tarte Tropézienne

Ancien coureur automobile, ce pâtissier d’Annecy a bien fait de reprendre, en 1985, la petite affaire créée par Alexandre Micka. En 30 ans, il a développé des boutiques, créé un laboratoire ultra-moderne à Cogolin, et fidèle à son slogan :« toujours imité, mais jamais égalé », il veut, à 70 ans, s’implanter en franchise dans certaines capitales européennes.

Comment expliquer l’incroyable notoriété de votre marque ?

Albert Dufrêne : Elle tient à cette histoire très intimement associée à l’égérie du cinéma français, Brigitte Bardot. Cela a créé une véritable légende autour de ce produit. En 2015, nous avons publié Le livre de La Tarte Tropézienne qui relate l’histoire du petit village de Saint-Tropez, la naissance et le développement de la marque, ainsi que les recettes de nos produits phares. Brigitte Bardot a préfacé l’ouvrage et est devenue la marraine officielle de La Tarte Tropézienne.

Comment expliquez-vous le succès de l’entreprise depuis le milieu des années 80 ?

Nous sommes restés une société familiale. Mes enfants travaillent à mes côtés et s’apprêtent à reprendre le flambeau. Ma fille est en charge du e-commerce et mon fils s’occupe du développement et des boutiques. J’ai également ma première fille qui nous aide pour la partie caisse. Je suis encore présent dans l’entreprise, même si l’avenir leur appartient.

Et les difficultés ?

La saisonnalité est la seule véritable difficulté que nous rencontrons depuis le départ. L’hiver étant très complexe, nous avons donc décidé de diversifier notre gamme en proposant des produits salés, de la boulangerie, des gourmandises et des coffrets cadeaux afin de trouver des solutions à cette problématique. Nous avons également décidé de travailler le froid afin de pouvoir livrer de grandes entreprises comme le Groupe Accor. Nous souhaitions conserver nos salariés plutôt que de ne solliciter que des saisonniers qui ne sont pas toujours garants de la qualité du produit…

Vous restez fidèle à vos racines…

Le maître-mot de l’entreprise est de rester fidèle au patrimoine de notre savoir-faire et de continuer à faire la crème selon la même recette créée par Alexandre Micka. Je suis intransigeant sur ce point car je pense que rien n’est plus décevant que d’avoir des produits qui ne sont pas réguliers.

Êtes-vous souvent sollicité par des partenaires ?

De toutes parts ! Ce produit présente donc un formidable potentiel de développement. Nous sommes très régulièrement approchés par des entrepreneurs qui proposent de nous accompagner dans notre développement, mais nous nous sommes rendus qu’ils visaient davantage notre entreprise que le développement de notre produit phare… Nous nous entourons de personnes sérieuses pour notre développement à l’international.

Et le bio, vous allez vous y mettre ?

J’ai un peu traîné des pieds lorsque mon fils m’a suggéré de nous lancer dedans, mais c’est une tendance de fond à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire. Nous avons bien conscience que si nous ne nous positionnons pas sur ce nouveau créneau, nous ne serons rapidement plus dans le coup. Nous avons donc embauché une Parisienne, ancienne lauréate du prix du « meilleur artisan de Paris » pour la confection de baguettes, afin de travailler sur notre future offre bio. Nous souhaiterions proposer des produits bio dans nos boutiques de Saint-Tropez dans un premier temps.

Comment faire pour conjuguer nouveauté et tradition ?

Ce n’est pas simple. Il s’agit de deux états d’esprit et de deux façons différentes de travailler. Nous avons conservé notre méthode artisanale de travailler, mais aujourd’hui, nous sommes une entreprise artisanale qui produit en grande quantité pendant l’été. L’hiver nous permet de nous organiser et de travailler de manière semi-industrielle afin de nous préparer à envoyer des produits à destination de grosses entreprises.

Nous sommes sollicités par les Etats-Unis, et nous avons une demande forte émanant du Japon qui devrait se concrétiser avant la fin de l’été. Ces marchés supposent un très haut niveau d’exigence, tout doit être millimétré. La saison estivale étant très dense, nous ne pouvons pas nous permettre de fabriquer des produits pour l’international durant cette période. Rappelons que nous n’avons pas d’usine et que nous ne disposons que d’un laboratoire…

La difficulté tient au fait que je souhaite que l’on ne change pas certains procédés artisanaux, mais pour autant, je dois reconnaître que nous avons besoin d’activités complémentaires sur la saison hivernale. Saint-Tropez et le Golfe de Saint-Tropez sont peu fréquentés l’hiver et nous ne travaillons donc qu’avec les locaux. Ce n’est pas évident et cela suppose que l’on expédie des produits dans des destinations multiples afin de surmonter ces creux d’activité.

Allez-vous ouvrir d’autres boutiques ?

Nous souhaitons conserver les boutiques que nous avons en propre, mais nous sommes attentifs au système de franchise et de distribution exclusive car nous rencontrons un problème de ressources. Lorsque les boutiques sont implantées loin de nos bases, il devient extrêmement difficile de s’assurer qu’elles sont bien tenues et que la qualité du produit est respectée. La distance fait par ailleurs que nous ne pouvons pas apporter immédiatement des correctifs en cas de dysfonctionnement. Aujourd’hui, tout le monde doit s’y retrouver. Le système selon lequel seul le franchiseur gagnait sa vie est révolu.

Les franchisés doivent en effet gagner leur vie au même titre que nous. Leur engagement financier dans l’entreprise assure qu’ils respectent le produit, qu’ils sont attentifs à l’accueil des clients et qu’ils apportent un véritable service. Nous n’avons pas les moyens de disposer de ressources qui sillonnent la France pour contrôler les points de ventes. Si nous souhaitons aller plus loin et ouvrir plus de boutiques, cela passera nécessairement par le modèle de la franchise afin d’avoir des personnes responsables et respectueuses de nos valeurs.

Le web est-il une priorité pour vous ?

Nous avons lancé notre e-boutique il y a peu de temps. Nous rencontrons encore des difficultés car nous sommes confrontés à de grosses structures de logistique qui ne sont pas nécessairement adaptées pour assurer la livraison de nos produits périssables dans des délais impartis. A ce jour nous sommes encore sur une activité nouvelle pour le canal Web, mais je pense qu’il y a des choses à faire car nous sommes de plus en plus sollicités. Nous devons nous organiser et réussir à créer une petite entreprise dans notre entreprise.

Et l’international, vous y pensez ?

Oui, car nous avons une image très forte. C’est à l’international que nous pourrons gagner de l’argent et être ainsi capable de conserver nos pâtissiers talentueux. Si nous ne trouvons pas de bons franchisés sur le marché français, il est préférable de nous concentrer dans le Midi en continuant de faire un produit axé sur la qualité. Nous ne devons rien changer au produit : les gens adorent revenir deux ans après et savourer notre tarte en retrouvant la même qualité de crème et la même brioche.

Quelles sont les spécificités d’une aventure entrepreneuriale en famille ?

Ce n’est pas simple. Il est vrai qu’il faut changer et que nous devons évoluer. Je pense que mes enfants ne feront pas comme moi, mais je suis convaincu que cela fonctionnera à la seule condition de ne pas altérer la qualité des produits.

Propos recueillis par Isabelle Jouanneau

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