Avec une image décalée, la toute jeune maison de champagne entend imposer son style sur un marché résolument séculaire.
Certains en rêvent, lui l’a fait ! Alexandre Cornot, 44 ans, est aujourd’hui à la tête de la maison de champagne Brimoncourt. Fils d’officier, né à Reims dans une famille qui compte autant d’artistes que de militaires, rien ne prédestine ce spécialiste en droit des affaires, officier de marine, parachutiste et collectionneur d’œuvres d’art à devenir vigneron.
«Après mon droit [Sorbonne et Assas, NDLR], j’ai intégré un grand cabinet parisien. Ma première bifurcation ? Mon installation à New York en 2002, pour m’adonner à ma passion pour l’art au sein d’une grande maison d’enchères. J’ai vécu plusieurs années auprès de belles œuvres du XXème siècle, beaucoup voyagé, réalisé de belles transactions…».
Un beau parcours qui ne réussit cependant pas à assouvir la soif d’entreprendre de l’homme aux multiples talents… jusqu’à ce jour de 2007 où cet amoureux de la terre de Champagne et de son vin tombe sur une belle opportunité : racheter le nom Brimoncourt.
Une marque à restructurer
Brimoncourt, qui sommeille dans un portefeuille familial, est une belle endormie, qui n’a cependant ni stocks ni histoire. Tout est à refaire ! «C’était un défi entrepreneurial considérable, presque impossible à réaliser. Certes, je connaissais la Champagne pour y être né, mais de là à recréer une maison de toutes pièces…Ce fût pour moi le défi qui réunissait toutes mes passions et permettait de conjuguer mes expériences dans sa réalisation.
Le champagne évolue dans un univers esthétique et élégant ; c’est aussi un univers très créatif, comme l’art ! Parallèlement, l’aventure nécessitait rigueur et précision, ce que ma pratique du droit m’a appris, sans oublier une bonne dose de curiosité et d’observation, ce que mes voyages mais aussi la vie en général nous enseignent», argue le jeune président.
Après l’euphorie de l’acquisition, un travail de longue haleine et beaucoup d’incertitudes remplissent le quotidien d’Alexandre Cornot, notamment pour trouver les bons approvisionnements, s’entourer d’un responsable marketing, d’un chargé d’export, d’un œnologue… Cinq années que le dynamique entrepreneur compare non sans humour à «un tunnel long, froid, humide et obscur… comme dans le Seigneur des Anneaux de Tolkien».
Désireux de donner naissance à un champagne élégant pour «tous ceux qui apprécient la finesse des bulles dansantes», l’entrepreneur, épaulé par plusieurs partenaires privés «uniquement des amis et de la famille», injecte près de 8 M€ pour sortir sa première cuvée brut Régence.
Si le guide Bettane & Desseauve 2014 lui attribue un prometteur 15,5/20, c’est sans conteste le contrat de 100 M€ conclu fin 2013 avec le groupe Baron Philippe de Rothschild France Distribution, qui couvre un réseau de plus de 3.400 CHR (cafés, hôtels, restaurants) et 700 détaillants indépendants, qui permet à la marque de se faire un nom au côté des plus grands comme Taittinger, Bollinger…
La référence des épicuriens
Avec 4 cuvées commercialisées, un extra-brut, un brut Régence, un rosé et un blanc de blancs, la PME installée dans la mythique commune de Aÿ, qui enregistre un CA de 1,34 M€, souhaite désormais accentuer sa présence à l’export grâce à une nouvelle levée de fonds. «60% de notre CA est réalisé en France avec Rothschild.
Pour nous permettre de financer le renforcement de notre pôle commercial export et la pérennisation de nos approvisionnements en raisins de premiers et grands crus, nous souhaitons lever 5 M€ supplémentaires au cours du 1er semestre 2017, toujours selon le même principe, auprès d’investisseurs privés et de la famille», indique Alexandre Cornot, qui tient à préserver un actionnariat de type familial. «Du bon vieux capitalisme à l’ancienne, avec du temps et de la vision, gage de notre indépendance et de notre réactivité légendaires».
Avec 3 M€ de CA prévus sur 2017, l’entreprise, qui a écoulé plus de 500.000 bouteilles en 4 ans, n’a pas l’intention de devenir une marques de champagne sans âme comme il y en a tant dans les linéaires.
«Nous ne vendons pas en grande distribution. Nous sommes présents chez les cavistes indépendants, dans de grandes enseignes comme Nicolas, et dans la restauration, notamment les étoilés. En résumé, chez tous ceux qui apprécient la finesse de nos bulles dansantes et sont soucieux de la qualité de leur offre», insiste celui qui s’insurge néanmoins contre le côté trop solennel du champagne.
Alexandre Cornot ne sera totalement satisfait que lorsque Brimoncourt sera «universellement et spontanément salué comme le champagne des gens d’esprit qui ont la sagesse de faire des choses sérieuses sans se prendre au sérieux…» ! Une belle philosophie.