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L’entrepreneur Bruno Ledoux va au bout de ses rêves


Cet homme d’affaires touche-à-tout a racheté le château d’Ilbarritz, en ruine, emblématique monument de la côte basque, pour le transformer en un hôtel de luxe. Un projet fou guidé par une seule ligne conductrice : sa passion de l’histoire.

Entreprendre - L’entrepreneur Bruno Ledoux va au bout de ses rêves

Cet homme d’affaires touche-à-tout a racheté le château d’Ilbarritz, en ruine, emblématique monument de la côte basque, pour le transformer en un hôtel de luxe. Un projet fou guidé par une seule ligne conductrice : sa passion de l’histoire.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Bruno Ledoux est un homme de contrastes. À 52 ans, l’héritier du fondateur de la Société minière et métallurgique de Peñarroya, devenue Metaleurop, est un businessman aux sens aiguisés.

Outre l’immobilier, il est devenu un homme de médias en sauvant Libération de la faillite en 2014 pour 50% du capital du quotidien (échangé depuis contre 10% du capital d’Altice Media Group de Patrick Drahi) et en produisant plusieurs films, notamment Maïwenn, pardonnez-vous en 2007.

Son énergie, ce Parisien né dans les beaux quartiers, qui habite un hôtel particulier de 1.200 m² dans le VIIème arrondissement de Paris, ne la puise pas dans les conseils d’administration, mais dans les voyages et l’histoire avec un grand H. «Je fais régulièrement des expéditions, cela me reconnecte à la réalité et me permet de prendre du recul», confie-t-il.

Une passion qui l’a mené récemment dans la jungle de Papouasie Nouvelle-Guinée mais aussi en Centrafrique chez les tribus Aka avec qui il a séjourné plusieurs mois. De ses voyages, ce touche-à-tout tire d’intéressants documentaires. «J’aime les personnes libres et avant-gardistes, et l’humain avant tout, c’est ça ma construction de vie».

Une propriété hitchcockienne

Guidé par ses passions et les histoires atypiques, celui qui est déjà propriétaire du Golf Club de Saint-Tropez et d’innombrables immeubles parisiens s’est retrouvé en 2014 sur les hauteurs de Bidart où, en plein cœur du pays basque, le château Ilbarritz domine la colline de Handia, face à l’océan.

Construit entre 1895 et 1897 par le baron de l’Espée, cette propriété, qui abrita l’un des plus grands orgues du monde, s’affiche au milieu d’un vaste parc à fabriques reliées entre elles par une multitude de chemins couverts. «J’ai eu un coup de cœur pour ce personnage fantasque et hypocondriaque, qui a construit cette maison pour vivre retiré du monde. Le site mais également l’histoire du château d’Ilbarritz m’intéressent».

Accroché à son fil rouge de personnages hors cadre, Bruno Ledoux avoue être attiré par «ce personnage qui a des airs de capitaine Nemo» autant que par cette propriété étonnante aux allures de propriété hitchcockienne, voire de maison hantée. «Avec son immense salle de réception, sa hauteur sous plafond de 12 mètres de haut… cette maison dégage un côté mystique».

Vendu par son fantasque fondateur après 4 ans d’occupation, le château d’Ilbarritz a connu un destin malheureux. Revendu à Pierre-Barthélémy Gheusi, il est transformé en hôpital au cours de la Première Guerre mondiale. En 1923, le domaine est morcelé et les fabriques détruites ou démontées.

Pendant plusieurs décennies, il devient tour à tour une maison de convalescence pour les réfugiés de la guerre d’Espagne, un abri pour une garnison allemande, une annexe de ferme… avec dégradations et pillages en série. Propriété de la chaîne thermale du soleil depuis quelques années, c’est une maison délabrée et en ruines qui est mise en vente en 2014.

«Le projet était fou ! D’ailleurs, tous les acquéreurs potentiels reculaient devant l’étendue des nécessaires travaux de rénovation». Mais pour Bruno Ledoux, le challenge est trop beau et séduit d’emblée l’homme d’affaires. «Je n’ai pas trop réfléchi, j’ai surtout laissé parler mon intuition», dévoile celui qui a pris la décision d’acquérir le château en seulement quelques heures. «C’était un peu comme un saut dans le vide ».

Un projet à ficeler

Le multimillionnaire aime franchir des obstacles réputés insurmontables. «Comme j’ai beaucoup voyagé, j’ai pu voir des constructions immobilières qui semblaient impossibles, notamment un hôtel à Sainte-Lucie suspendu entre deux pitons rochers. Cela m’a inspiré pour Ilbarritz».

Croyant à son intuition, il achète donc seul le château Ilbarritz via sa holding d’investissement. «Cela fait un siècle que personne n’est arrivé à faire quelque chose de cette maison !». Son projet ? Transformer l’emblématique monument du baron de l’Espée en hôtel de luxe en «préservant ce patrimoine national et la propriété telle qu’elle est». Au programme : une cinquantaine de suites, toutes avec une vue spectaculaire sur l’océan, une salle d’exposition et de visite ouverte au public dans la gigantesque salle de réception, un restaurant gastronomique.

Pour créer un projet viable, Bruno Ledoux n’œuvre pas seul, prenant conseil auprès de l’administration et des communes de Bidart et de Biarritz, des Bâtiments de France afin de rénover ce bâtiment du XIXème siècle classé depuis les années 1990 dans les règles de l’art. Car l’affaire est complexe.

«Il faut prendre garde à ne pas endommager le littoral», insiste Bruno Ledoux, qui prévoit également de faire appel à son ami designer Ora-ïto (celui qui a installé le MaMo, un centre d’art contemporain sur le toit de la Cité radieuse à Marseille) pour réaménager et décorer l’ensemble. Coût de ce projet un peu fou ? 12 M€. Pour autant, le fringuant quinquagénaire a les pieds sur terre : «Je me donne 1 an pour avoir le permis de construire et les différentes autorisations, et 2 ans pour finir les travaux», affirme celui qui est persuadé de réussir là où beaucoup d’autres ont échoué. «Lorsque l’on est propriétaire d’un tel lieu, en tant que dépositaire d’un patrimoine, on n’a pas le droit à l’échec».

Caroline François

Le Shiva des affaires

Quinquagénaire branché qui «se sent mieux au milieu de gens qui n’ont rien», l’héritier de Charles Ledoux, fondateur du groupe de métallurgie Metaleurop, n’a attiré les projecteurs qu’en 2014, en devenant président du conseil de surveillance du quotidien Libération, qu’il sauve de la faillite en y injectant 18 M€.

Depuis, il a investi aux côtés de Patrick Drahi dans Altice Media Group (L’Express, L’Etudiant… la chaîne i24news…). Il est également actionnaire de référence de magazines de sports extrêmes comme Surf Session. Cependant, la majorité de ses actifs sont surtout dans l’immobilier. L’homme est en effet propriétaire du Golf Club de Saint-Tropez, d’un joaillier rue de la Paix, d’immeubles parisiens… Enfin, passionné par la Révolution française et Napoléon Ier, il possède l’une des plus importantes collections privées.

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