Fondateur de Bureau Vallée (370 M€ de CA), entreprise leader sur le marché des fournitures de bureau et de la papeterie, Bruno Peyroles dirige cette enseigne familiale en tandem avec sa fille, Christel Jaffres, directrice générale. S’il envisage de lui confier à terme les rênes, il souhaite également transmettre la majeure partie du capital de la PME familiale à une fondation actionnaire. Explications.
Quel mode de transmission avez-vous privilégié ?
Je ne transmettrai pas l’entreprise au sens traditionnel – patrimonial et actionnarial – à mes enfants (deux d’entre eux travaillent dans l’entreprise, Ndlr). J’attends que la loi facilite la transmission de tout ou partie du capital à une fondation actionnaire.
Pourquoi ce choix ?
Le modèle traditionnel repose sur l’héritage. Or, je considère qu’on n’hérite pas d’une entreprise, et en particulier d’une entreprise du tertiaire. On en est l’animateur et pas le propriétaire.
Qu’apporte une fondation actionnaire et quels en sont les inconvénients ?
Cela correspond aux valeurs de l’entreprise, et si tout se passe bien, il n’y aura pas de taxation. A contrario, une partie importante du capital n’étant plus détenue par une personne physique, il faut organiser le pouvoir. Qui dirige cette fondation ? Qui dirige-t-elle ? Nomme-t-elle le patron ou la patronne des entités opérationnelles dont elle est l’actionnaire ? C’est ce qui nous reste à écrire.
À terme, votre fille vous succèdera-t-elle ?
Ce n’est pas gravé dans le marbre mais c’est une probabilité. Notre réseau de franchises étant plus intégré que l’immense majorité des franchiseurs – on parle de « partenaires » plus que de « franchisés » -, il aura assimilé les modèles de gouvernance et donnera, a minima, son avis, voire votera pour désigner mon successeur.
Est-ce acquis ?
C’est très probable. Nous faisons évoluer notre modèle de gouvernance, qui est déjà très participatif. Dans moins de 3 ans, les structures seront en place.
À quelle échéance comptez-vous céder votre poste ?
Cela se fera progressivement. J’ai déjà confié 75% de l’activité à ma fille. Cela me permet de me concentrer sur le développement et l’innovation.
À l’aune de quels critères jugerez-vous la réussite de cette succession ?
Aux résultats. Dans la distribution, notre modèle d’appréciation est très opérationnel et concret : les résultats commerciaux et économiques sont-ils bons ? Les équipes se portent-elles bien ? Le modèle selon lequel la famille est « élue » d’office pour diriger est une part assez mineure de ma préoccupation. Si cela n’allait pas, tout le monde sait que je prendrais les décisions qui s’imposent.
Le parcours de votre fille (stagiaire, directrice de magasin, marketing…) l’a-t-il légitimée ?
C’est certain. L’aval et le soutien du terrain sont essentiels à la réussite de l’enseigne. Lors des réunions, on voit très vite si la personne est reconnue pour sa compétence ou pas. S’il y avait eu le moindre accroc, voire une stabilisation, on se serait arrêté là.
Quelle est la principale difficulté d’une transmission ?
Le phénomène ambivalent qui tient à la double relation que nous entretenons : familiale et professionnelle. C’est tout un art de piloter les deux sans en abandonner un seul car la vie amène son lot de tensions.